2084. La démocratie règne sur Cerclon, un petit paradis de social-démocratie, astéroïde de Saturne. Souriez, vous êtes gérés ! Au milieu de ce confort perpétuel naît un mouvement : la Volte. Mathilde Parsimperi présente La Zone du dehors, un livre de science-fiction d’Alain Damasio.
« Ce livre a été écrit dans un but, unique : comprendre en Occident, à la fin du vingtième, pourquoi et comment se révolter. » C’est ainsi que commence la postface d’Alain Damasio. Clairement dédié aux forces de l’extrême gauche, La Zone du dehors est un passionnant bouquin de science-fiction où s’alternent les scènes d’action, les digressions philosophiques et la description d’un monde finalement pas si éloigné du nôtre. Tout le monde y vit paisiblement, tout est automatisé, facilité. Le pouvoir agit sur les cinq sens de l’homme. La norme est le confort. Ne pas avoir faim ni froid, ne rien ressentir de fort. Juste la douceur ouatée du consensus.
« Nous sommes face à un gros bloc de gélatine et de glu », explique Capt, un des meneurs de la Volte à ses militants. A travers des actions coups de poing, parfois brutales, souvent symboliques, le mouvement de contestation finit par devenir force de propositions. La relation avec le pouvoir est au centre de l’intrigue, ponctuée par les discours philosophiques de Capt.
L’auteur nous livre ses points de vue sur la conception même du pouvoir dans une société de contrôle, l’acceptation qu’en font les citoyens, qui deviennent à leur tour acteurs du système, et le rôle que joue le capitalisme dans l’égalisation et la normalisation des hommes. Ça, c’est l’inspiration de Deleuze et Foucault. Nietzsche n’est pas bien loin non plus : « Change, plutôt que tes désirs, l’ordre du monde ». Et de la volonté, il en faudra pour prendre d’assaut la Tour Panoptique, sortir du Cube et fonder Anarkhia, première polycité de l’Univers. Et se heurter à la réalité. Mais tout vaut mieux que la vie paisible pour la Volte qui rejoint Montherlant : « Pitié, stop à la perpétuité du fromage mou ! » Cela vous semble irréel ? Surnaturel ? Pourtant c’est si proche de notre univers, de notre mode de vie et la ressemblance n’est pas fortuite.
Un roman avec du fond, donc, mais pas ennuyeux pour un sou. Le rythme est soutenu, l’écriture limpide et le style affuté, novateur.
C’est le premier ouvrage d’Alain Damasio. Il en a écrit un autre, La Horde du Contrevent, histoire d’une troupe d’élite, formée dès le plus jeune âge pour remonter jusqu’à l’origine du vent, jusqu’à l’Extrême-Amont. Le roman est polyphonique au sens propre du terme : les paragraphes se suivent, racontant l’histoire suivant le point de vue de Golgoth, chef charismatique de la Horde, ou de Sov le scribe ou de Caracole le troubadour ou d’un des autres membres de la Horde. Ensemble, le groupe va contrer le vent durant plusieurs dizaines d’années pour essayer de percer le mystère de l’inconnu, irrésolu depuis huit siècles. Un nouvel univers, une logique propre à une philosophie particulière, celle de la volonté, de l’action, du vent et de toutes ses significations, le tout avec un style percutant qui vous déstabilise dans les premières pages avant de vous accrocher jusqu’au dernier mot.
Mathilde Parsimperi
26/10/2012
Reproduit avec l’aimable autorisation de livrarbitres.com
Alain Damasio, La Zone du dehors, Folio 2009, 656 pages.