Le prochain congrès du Parti socialiste doit se dérouler du 5 au 7 juin. Les motions sont tout juste déposées et déjà les dissensions apparaissent. Christian Paul, chef de file des « frondeurs », veut un débat avec Jean-Christophe Cambadélis or le premier secrétaire a déclaré « qu’aucun débat médiatique ne se fera durant cette campagne ». Qu’en sera-t-il ? D’un côté, il y a la doctrine, l’idéologie… De l’autre le quotidien du gouvernement ! Alexandre Latsa présente son analyse.
Polémia
« Le Parti socialiste existe toujours… sur le papier », titrait récemment Slate alors que la direction du Parti socialiste venait de rappeler « qu’aucun débat médiatique ne se fera durant cette campagne ».
On voit mal comment il pourrait en être autrement alors que les contradictions systémiques qui frappent le Parti socialiste sont dues aux mêmes contraintes que celles qui frappent la « droite » française ou du moins ses plateformes de gouvernance, RPR autrefois et maintenant l’UMP.
Les partis de la gouvernance française, à droite et à gauche, ont peu à peu perdu leur fond idéologique, tout a été dissous au cours des quinze dernières années dans deux objectifs qui sont devenus des obsessions pour la droite et la gauche traditionnelles : les processus autoritaires d’intégration européenne et d’implantation de la monnaie unique.
Dans cette grande soumission au « système » de Bruxelles, qui s’est donc historiquement couplée avec une « libéralisation » du marché du travail et une plus grande concurrence (intra-européenne mais aussi à l’échelle mondiale) la gauche française a fini de trahir son héritage politique historique.
En abandonnant les travailleurs face à la déréglementation transnationale, en contribuant activement à la destruction de l’État français, en oubliant tout patriotisme économique, le Parti socialiste prend sans doute une trajectoire historique similaire à celle du Parti communiste. C’est à partir des années 1970 que le PCF (Parti communiste français) en reniant ses racines staliniennes, a fini par disparaître idéologiquement mais aussi électoralement.
Il semble probable qu’un destin électoral similaire attende le Parti socialiste. Ses leaders actuels semblent manquer d’idées et leur obsession de conquête électorale du centre a totalement vidé le parti de tous ses principes. Il n’a plus d’ambition idéologique en faveur du peuple français, ni la volonté de constituer un authentique projet pour défendre les travailleurs. C’est cette situation qui a provoqué récemment une révolte molle dans la gauche de la gauche.
Cette situation est l’aboutissement d’une longue évolution qui a commencé quand la nouvelle gauche sociétale a pris le pouvoir dans les esprits, après Mai 68. Depuis, deux facteurs sociologiques et économiques lourds ont fini par détruire les ambitions anciennes de la gauche française, et l’électeur de gauche n’est plus ce qu’il était.
D’abord il y a eu la disparition du « populo » français dans l’esprit de nombreux nouveaux électeurs et dirigeants de la nouvelle gauche : les bourgeois-bohèmes avec leurs attentes sociétales libertaires. Ces habitants du centre des villes qui dirigent le parti ne ressemblent plus beaucoup aux ouvriers, paysans et employés qui historiquement constituent le socle du « peuple » français. C’est tellement vrai que pour l’élite socialiste des beaux quartiers, le mot « populisme » est devenu une grossièreté, voire une injure. On est loin du populisme social du XIXe siècle aux USA ou des Narodniki russes de l’époque tsariste.
Ensuite, il y a eu la forte immigration que le pays a connue sur les dernières décennies, qui a entraîné la disparition des périphéries urbaines pauvres, les fameuses banlieues rouges, qui constituaient les socles de l’électorat ouvrier de gauche. Si les nouveaux Français, issus de l’immigration, votent jusqu’à maintenant plus à gauche qu’à droite, c’est bien souvent par crainte de dérives stigmatisantes et sécuritaires. Cependant nombre de ces nouveaux Français (musulmans ou pas) ont des traditions culturelles plutôt conservatrices, et voient d’un œil méfiant les dérives sociétales mises en avant par une partie de la nouvelle gauche.
Beaucoup d’ouvriers, paysans, employés et beaucoup de chômeurs ont déjà quitté la nouvelle gauche pour voter FN ou à droite tandis que la « nouvelle gauche » semble vouloir se focaliser sur une lutte à mort avec ce qui reste de la droite traditionnelle pour gagner la guerre du centre. Autour de ce grand centre, sur sa droite comme sur sa gauche, l’espace est donc de plus en plus occupé par un parti qui devient de plus en plus un authentique parti de gauche : le Front national, qui tend même à laisser l’initiative sécuritaire à une aile de la droite de gouvernance.
Si les dynamiques actuelles devaient se confirmer, le fossé devrait s’accroître au sein de la gauche, au sein d’une élite partagée entre des centristes-sociaux et des ayatollahs de la théorie du genre. Dans ce cas, nul doute que cette nouvelle gauche pourrait perdre le soutien d’une bonne partie des Français d’origine immigrée, qui l’ont pourtant massivement soutenue lors des précédentes échéances électorales.
Cette tendance lourde pourrait, pourquoi pas, entraîner une recomposition bien inattendue de la vie politique française qui verrait un Front national s’ancrer de plus en plus à gauche, des blocs centristes sociaux-libéraux et européistes se coaliser pour avoir accès à la gouvernance et un mouvement souverainiste, protectionniste et étatiste, faire son apparition.
Alexandre Latsa
Source : fr.sputniknews.com
14/05/2015
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