Marc-André Miserez – Elections fédérales suisses du 18 octobre 2015 – Revue de presse internationale.
♦ La victoire de la droite aux législatives en Suisse fait aussi les titres de la presse internationale. Que ce soit dans les pays voisins ou plus lointains, les journaux mettent surtout en avant la politique anti-immigration de l’UDC.
Certains commentateurs pressentent aussi que cette victoire ne va pas favoriser les relations entre la Suisse et l’UE.
Les principaux sites Internet de la presse française n’ont pas accordé une très grande place aux élections en Suisse. lemonde.fr évoque une «victoire attendue des populistes» au terme d’une «campagne désespérément morne, entièrement dominée par les problématiques liées à l’asile». Mais le journal pondère la portée de ce vote: «le système de démocratie directe […] tend cependant à réduire l’importance du scrutin».
«Alors que la Suisse a pour le moment été épargnée par la vague de migrants qui arrivent en Europe, la question de l’immigration a constitué la première préoccupation des électeurs. Au bénéfice de la droite populiste», souligne de son côté le site web de Libération.
L’Agence France Presse (AFP) relaie pour sa part les propos de la candidate socialiste vaudoise Rebecca Ruiz. «Les gens ont voté guidés par la peur», a-t-elle estimé, en référence aux débats sur les réfugiés et l’immigration, thèmes favoris de l’UDC.
Magdalena, notre Marine à nous
«Avancée de la droite nationaliste», «En Suisse, la droite anti-immigrés triomphe». La victoire de l’UDC n’a pas échappé à la presse italienne, qui souligne à quel point l’immigration a été au centre de la campagne.
Une victoire, écrit Il Sole 24 Ore, qui «pourrait avoir des répercussions sur les relations de la Suisse avec l’Union européenne dans son entier, mais aussi avec ses membres individuels comme l’Italie». Rappelant l’acceptation de l’initiative (de l’UDC) «contre l’immigration de masse», qui a remis en question les accords bilatéraux avec l’UE, le journal note que pour le gouvernement suisse, les discussions avec Bruxelles «seront maintenant encore plus difficiles».
Le Corriere della Sera souligne pour sa part l’élection de Magdalena Martullo-Blocher, fille du leader historique de l’UDC Christoph Blocher: «Beaucoup ont comparé son ascension à celle de Marine Le Pen, leader du Front National et fille du fondateur du mouvement d’extrême droite Jean-Marie Le Pen».
Anticipant l’élection du 9 décembre au Conseil fédéral, La Repubblica relève que «la stabilité du système
suisse ne laisse pas de place pour des grandes surprises, mais l’issue de cette élection pourrait quand même modifier la distribution des sièges au gouvernement, à l’avantage de l’UDC, le parti de la droite la plus conservatrice et la plus anti-européenne».
Force des partis lors de l’élection au Conseil national 1979 – 2015, résultats en % pour les 7 plus grands partis.
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Roger Köppel superstar
En Allemagne, la Süddeutsche Zeitung relève le gain de voix enregistré par la droite conservatrice dans pratiquement l’ensemble des cantons suisses. Avec un renforcement de l’aile droite au parlement, «le modèle qui a fait le succès de la Suisse» est en danger.
Le quotidien munichois met également en évidence l’élection à Zurich de Roger Köppel. «Un triomphe personnel» écrit-il à propos du ticket remporté haut la main par le rédacteur en chef de la Die Weltwoche, député le mieux élu de tout le pays.
Selon Der Spiegel, Köppel «pourrait jouer dans les prochaines années un rôle central dans la politique menée par son parti», que le magazine d’informations qualifie de «populistes de droite ayant le plus de succès en Europe». La grande question qui se pose maintenant est de savoir si les libéraux-radicaux, autres vainqueurs de ce dimanche, vont se lier à l’avenir plus fortement avec l’UDC.
«Par peur, les Suisses se décident pour l’isolement», titre Die Welt. Le succès de l’UDC était certes prévisible, mais «son ampleur est surprenante» et il devrait grever davantage les relations entre la Suisse et l’UE.
Désastre pour le centre
En Autriche, une semaine après la percée de l’extrême-droite de Heinz-Christian Strache lors des municipales de Vienne, Die Presse titre: «L’heure des partis de droite en Suisse». «Le thème de l’étranger a de nouveau été porteur», poursuit le journal viennois qui parle de «désastre pour les formations du centre».
Pour son confrère Der Standard, de Vienne également, les peurs actuelles ont joué en faveur de l’UDC, «bien que la plupart des Syriens et des Irakiens (qui fuient actuellement leurs pays) évitent la Suisse».
La peur, encore la peur
En Grande-Bretagne, The Guardian relève, comme les autres, les effets de la crise migratoire «même si la prospère petite nation alpine n’a pas été touchée massivement jusqu’ici», et s’intéresse lui aussi à la trajectoire de la fille de Christoph Blocher, Magdalena Martullo-Blocher, élue aux Grisons.
Le Financial Times note de son côté que «le soutien accru apporté à l’UDC fournit un premier indicateur des retombées politiques de l’arrivée en Europe de requérants d’asile qui fuient les guerres dans des pays comme la Syrie, et pourrait présager d’un soutien électoral accru aux partis anti-immigration d’extrême-droite dans d’autres pays».
En Espagne, El Pais rappelle que l’UDC «a su attiser les peurs de la partie de la population qui craint de perdre son haut niveau de vie et son identité».
El Mundo, de son côté, rappelle à ses lecteurs que l’UDC est «le parti qui avait déclenché la controverse l’année dernière, quand une courte majorité de citoyens avait accepté son initiative visant à réintroduire des quotas de migrants, même pour les travailleurs de l’UE».
Au Mexique encore, le site web d’informations «Lópezdoriga digital» qualifie la Suisse de «pays de tradition socialiste, qui tend à virer à droite, vers la tendance anti-immigrés de l’UDC, qui prône la politique des portes closes face à la crise des réfugiés que traverse l’Europe».
Victoire turque à Bâle
Enfin, dans le monde arabe, le journal Al-Quds Al-Arabi (édité à Londres, New York et Francfort) relaie une nouvelle de l’agence turque Anatolie rappelant que sur 12 candidats d’origine turque qui s’alignaient dans cette élection, Sibel Arslan du parti de gauche alternative Basta ! a ravi le siège du PDC [Parti démocrate-chrétien] à Bâle-Ville.
Le site arabe de la chaîne Euronews a couvert la victoire de l’UDC avec une courte vidéo, où l’on voit le président du parti Toni Brunner affirmer que, contrairement aux autres, son parti, soutenu par le peuple, «sait comment traiter la crise des réfugiés, tandis que les autres se comportent comme s’il n’y avait aucun problème».
A noter qu’un grand nombre de sites arabes présentent l’UDC comme «le parti d’extrême droite qui demande à limiter le nombre de réfugiés en Suisse». Ils rappellent par ailleurs «son rôle dans l’interdiction de construire de nouveaux minarets dans le pays ».
Marc-André Miserez avec les agences
swissinfo.ch
19/10/2015
Correspondance Polémia – 20/10/2015
Image : «Nous savons comment traiter la crise des réfugiés», affirme le président de l’UDC Toni Brunner sur une vidéo visible sur le site en arabe d’Euronews. (AFP)