Par Pierre Boisguilbert, journaliste spécialiste des médias et chroniqueur de politique étrangère ♦ « Montjoie Saint-Denis ! » était le cri de bataille et la devise du royaume de France. Il faisait référence à la bannière légendaire de Charlemagne, l’Oriflamme, également connue sous le nom de « Montjoie » et conservée à l’abbaye de Saint-Denis où sont enterrés nos rois. Les temps ont bien changé et le cri de ralliement de la France multiethnique avant d’être créolisé – entendez métissée – est « Macron Saint-Denis ».
Cette fois le président est sorti de son ambiguïté. Dans un entretien au magazine Zadig, puis en Afrique du Sud, il a presque clairement exprimé sa vision de l’avenir pour la France d’après, dont il souhaite être le président. La Seine-Saint-Denis, c’est le département rêvé, l’exemple à suivre. « C’est le département le plus jeune de France, avec deux aéroports internationaux, le plus important stade sportif français et le plus grand nombre de créations de start-up par habitant », liste le président de la République. Un portrait surréaliste par rapport aux réalités, qui fait dire au locataire de l’Élysée qu’il n’y manque « que la mer pour faire la Californie ». Il y a longtemps que pour les médias la France se rêve en une immense Seine-Saint-Denis. Macron rejoint presque Mélenchon dans son rêve de nouveau peuple. Il veut la France comme une nation arc-en-ciel, type Afrique du Sud. D’ailleurs, c’est là-bas qu’il a précisé sa vision de l’avenir. Louant, dans un discours à la communauté française à Pretoria, le « partenariat » qu’il veut nouer avec les pays du continent, le président ambitionne de « changer les regards et les esprits » sur la relation de la France et de l’Afrique. Il s’adresse surtout depuis Pretoria à sa chère Seine-Saint-Denis. Il s’adresse en fait aux « millions de jeunes gens » qui, en France, « ont une histoire avec l’Afrique par leur famille, par des générations ». « On va enfin leur dire que l’on va pouvoir bâtir en commun. On va arrêter de leur dire : C’est un problème et vous devez vous intégrer. On va enfin leur dire : Vous êtes une chance pour la France et vous allez nous aider à développer cette histoire commune », avance-t-il.
On ne pourra pas dire que l’on ne savait pas. En fait de Californie, l’Afrique du Sud, d’où il parle de notre avenir, connaît un lent génocide des fermiers blancs. Les Blancs quittent le pays ou ils ne peuvent plus vivre, comme certains d’ailleurs fuient la Seine-Saint-Denis.
En fait de Californie, le modèle qu’il nous propose pourra ressembler au mieux au Brésil des favelas et au pire au Liban de la guerre civile et religieuse. Devant la communauté française d’Afrique du Sud, il a utilisé sans rire le mot « hapo » qui, en langue khoïsan, signifie que les rêves doivent être partagés par la communauté pour se réaliser. « Ce mot résume à lui seul cette aspiration au vivre-ensemble des Sud-Africains. L’Europe et l’Afrique, c’est bien cela aujourd’hui : Hapo ! », a-t-il lancé. Mais, le problème, c’est que le rêve français ne veut pas être partagé par les communautés de Seine-Saint-Denis, que flatte le président qui pense à sa réélection. Hapo pour la France et la Seine-Saint-Denis, son modèle macronien.
Le rêve de Macron serait un cauchemar français, il faut se réveiller avant.
Pierre Boisguilbert
01/06/2021
Source : Correspondance Polémia