Lepaon n’a pas eu à brailler bien fort pour que l’on s’occupe de lui, en haut lieu. Lepaon, vous vous souvenez ? C’est l’éphémère patron de la CGT qui s’est fait payer 100.000 euros de prime de départ lorsqu’il a quitté la CGT Normandie pour rejoindre la CGT nationale à Paris. Puis, à l’insu de son plein gré, il a rénové son bureau – 60.000 euros – et son appartement de fonction – 100.000 euros. Bref, un type qui sait où est son intérêt et qui s’est finalement fait virer. Il y a un an, la CGT l’a blanchi dans l’affaire des travaux de son appartement.
La question, aujourd’hui, est : que faire de Thierry Lepaon ?
Le gouvernement, jamais à court d’une idée étrange, serait en passe de sauver le soldat Lepaon, comme il l’a fait pour bien d’autres soldats perdus – au sens de « paumés » – de la gauchitude ; voyez Harlem Désir. Tout ceci est parfaitement normal, minaudait Lepaon en septembre dernier, sur Europe 1 : « C’est la tradition à la CGT. Quand un dirigeant remet ses fonctions et n’a pas trouvé de nouvelles responsabilités ou un nouveau job, on fait en sorte qu’il puisse vivre entre deux périodes de travail. » Comme on aimerait que cette « tradition » s’applique à ceux dont l’entreprise a fermé pour cause de rigidité cégétiste !
Alors, comme Lepaon a pondu un rapport sur l’illettrisme il y a dix ans, c’est dans cette direction que l’on s’oriente. Il existe un bidule nommé Agence nationale contre l’illettrisme, ou ANCLI. J’écris « bidule » sans aucune condescendance, car je croyais naïvement que l’agence contre l’illettrisme s’appelait « ministère de l’Éducation nationale » et que l’on pouvait affecter à cette noble tâche quelques poignées des 250.000 fonctionnaires qui émargent à l’Éducation nationale et qui ne sont pas enseignants. L’ANCLI, qui n’emploie que 12 personnes, fait preuve d’une gestion particulièrement vertueuse, saluée par la Cour des comptes.
Revenons à notre Lepaon. Il veut une rémunération. Impossible de lui donner la place de Marie-Thérèse Geoffroy, la présidente de l’ANCLI, qui exerce ses fonctions bénévolement et avec talent. Alors Valls envisage de créer un truc concurrent, l’« Agence de la langue française pour la cohésion sociale », avec des missions similaires à celles de l’ANCLI, mais dont le patron serait rémunéré. Ça y est ! Vous avez deviné. On colle le sieur Lepaon dans le fauteuil et le tour est joué.
Si vous imaginez que cette magouille a quoi que ce soit à voir avec la nécessité, pour ce gouvernement fantoche, d’envoyer un signal aux syndicats afin qu’ils ne sortent pas les banderoles des grands soirs contre la loi Khomry, vous avez… gagné.
Enfin, quoi ! Est-ce le rôle du gouvernement que de recaser un syndicaliste ? On devrait voter une loi de 1905 modernisée, appelée loi de séparation du syndicat et de l’État.
Deux institutions pour la même mission, un raté syndical recasé, une femme méritante désavouée, un gouvernement dont le clientélisme criard devient l’activité principale… et un président qui nous raconte que la France va mieux. J’ai rarement eu l’impression d’être autant pris pour une cloche. (Yannik Chauvin, 19/04/2016, docteur en droit, écrivain, compositeur – Source : Boulevard Voltaire.fr).