Par-delà les continents et les frontières – des États ou des quartiers – le choc des civilisations provoque des incompréhensions. Les musulmans sont axés sur la défense de leur religion contre des propos ou des images qu’ils considèrent comme des « blasphèmes ». Les Européens et les Occidentaux sont, eux, davantage attachés à la défense de la liberté d’expression. Au-delà des tensions actuelles, il serait bon d’avoir une boussole dans les relations entre États, religions et civilisations. Une boussole aussi vieille que les relations en société : la réciprocité.
Ainsi, il est étrange que les musulmans réclament – et obtiennent – la construction de grandes mosquées en Europe alors qu’aucune église nouvelle ne peut être construite aujourd’hui dans les pays musulmans, y compris et surtout dans les pays du Golfe arabo-persique qui accueillent de nombreux travailleurs catholiques (philippins notamment). Et dans les vieilles terres chrétiennes d’Irak, de Syrie (dans les zones rebelles) ou d’Égypte, la situation des chrétiens est de plus en plus délicate.
De même, s’il est jugé normal que les femmes européennes se voilent dans les pays d’islam, il est alors inacceptable que le voile islamique crée des problèmes récurrents dans le fonctionnement des services publics européens (hôpitaux, écoles, administrations). Respecter les coutumes du pays qui vous accueille fait partie de la bonne éducation !
Enfin la cohabitation sur les mêmes lieux (de vie ou de travail) d’hommes et de femmes de différentes religions débouche sur des mariages mixtes. Mais quand une chrétienne (ou une agnostique) épouse un musulman, elle doit devenir musulmane. Et quand un chrétien (ou un mécréant) épouse une musulmane, il doit lui aussi devenir musulman. La conversion est toujours à sens unique. C’est l’intolérance musulmane qui rend la réciprocité impossible.
Dans un autre domaine, il est régulièrement demandé que la France reconnaisse des torts à l’égard de l’Algérie. Il est possible qu’il y en ait eu. Mais alors, que l’Algérie reconnaisse aussi ses fautes : l’enlèvement d’Européens transformés en esclaves par les barbaresques d’Alger, la disparition de 3.000 Européens à Oran en 1962 et les massacres de Harkis, le tout pour clôturer une guerre ouverte par l’assassinat d’un couple d’instituteurs (les Monnerot lors de la Toussaint 1954). S’il devait y avoir « repentance », celle-ci ne saurait être à sens unique.
Le principe de réciprocité doit aussi régir les relations entre États et leurs ressortissants. Pourquoi envisager de donner le droit de vote en France à des ressortissants de pays où nos compatriotes qui y séjournent n’ont aucun droit équivalent ? Pourquoi accorder des services sociaux et médicaux à des étrangers sans contreparties ? Un Français qui voyage à l’étranger doit s’assurer avant de partir, ou payer sur place ses soins médicaux ; est-il équitable qu’il finance aussi par ses impôts les soins médicaux des étrangers présents en France lorsqu’ils sont sans ressources (CMU), voire clandestins (AME) ?
Ce principe de réciprocité pourrait aussi être utilement rappelé dans la vie cultuelle française. Il est étrange d’adopter des attitudes différentes sur le blasphème selon que sa victime est catholique, musulmane ou juive. Le blasphème anticatholique (Piss Christ, Golgota Picnic) est soutenu par les autorités, protégé par la police et subventionné ! Le blasphème antimusulman est toléré mais condamné moralement. Le blasphème antijuif est vigoureusement condamné et fait l’objet de poursuites policières et judiciaires, au titre de la loi Gayssot (la « Shoah ») ou de la loi Pleven (l’antisémitisme). Ce « trois poids, trois mesures » ne facilite pas la bonne entente des uns et des autres et sert à nourrir la revendication musulmane. Ainsi Mahmoud Gozlan, porte-parole des Frères musulmans égyptiens, a-t-il déclaré : « Quiconque doute de l’Holocauste est emprisonné, mais si quelqu’un insulte le prophète, ses compagnons ou l’islam, le maximum que fasse (la France) est de présenter ses excuses en deux mots. Ce n’est ni juste ni logique. »
Bien entendu, ce principe de réciprocité pourrait aussi servir à éclairer la vie politique française. À gauche, il fonctionne à plein : socialistes, communistes et Verts se soutiennent mutuellement et se désistent les uns pour les autres lors des élections. À droite, il n’en va pas de même ! Pour la gauche l’UMP ne doit jamais voter pour le Front national, ni accepter ses voix. Pour l’UMP, il est naturel que les électeurs FN votent pour ses candidats mais la réciproque est exclue. En ce domaine l’UMP entend recevoir sans jamais donner ; c’est nier le principe de réciprocité.
La réciprocité doit aussi servir de ligne de conduite en matière de commerce international. Est–il raisonnable d’ouvrir les appels d’offres publics français au monde entier alors que, de la Chine à l’Allemagne, nos partenaires privilégient leurs propres entreprises nationales ?
Le principe de réciprocité doit aussi conduire à se mettre à la place des autres. Posons-nous la question : trouverions-nous acceptables des ingérences militaires des pays arabes en Europe ou sur le continent américain ? Non ! Voilà qui devrait pousser les pays occidentaux à une certaine retenue dans leurs équipées guerrières au Proche-Orient ou au Machreck !
Beaucoup des problèmes français et européens viennent d’une perte de discernement des dirigeants politiques et économiques. Le retour à des principes simples pourrait permettre d’éviter bien des difficultés et de rendre les choix plus cohérents et plus intelligents. Le principe de réciprocité est l’un d’entre eux !
Jean-Yves Le Gallou
21/09/2012
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