À un mois du premier tour de l’élection présidentielle de 2012, Jean-Luc Mélenchon est porté aux nues dans les médias. Car il entre dans le jeu tactique du candidat Sarkozy, dont il affaiblit les concurrents, et dans la stratégie de la superclasse mondiale car si le sénateur Mélenchon vitupère il ne conteste ni l’immigration, ni le libre-échange ; enfin, il concentre ses coups sur la candidate populiste. Michel Geoffroy décrypte pour Polémia une séquence de la campagne électorale.
M. Jean-Luc Mélenchon monterait dans les sondages. Il talonnerait, paraît-il, Marine Le Pen et dépasserait François Bayrou (LeFigaro.fr du 27 mars 2012). C’est la nouvelle que les médias nous diffusent en ce moment sur l’air des lampions.
C’est en tout cas une bonne nouvelle pour Nicolas Sarkozy. Car le candidat du Front de gauche aurait l’avantage de prendre des voix à la fois au parti socialiste et à Marine Le Pen. Il favoriserait en outre une dispersion des suffrages au premier tour dont le président candidat espère profiter. Comme la majorité des journalistes déclare en outre une sensibilité de gauche, tout le monde rame dans le même sens : des pigistes aux commanditaires, pour promouvoir saint Jean-Luc en qualité de populiste fréquentable. Voilà, pour l’oligarchie, ce qui s’appelle joindre l’utile à l’agréable.
Un vieux film nostalgique
L’homme a, il est vrai, un talent oratoire certain : une voix impérieuse qui s’entend, un style gouailleur et la tête de l’emploi. On le verrait bien jouer dans un film policier en noir et blanc à côté de Lino Ventura ou avec Jean Gabin dans La Bête humaine de Jean Renoir.
Car il nous la joue sur un mode nostalgique, Jean-Luc : il nous mime le retour de la gauche laïque du temps des deux Georges : Georges Marchais pour le parti communiste et Georges Séguy pour la CGT. Il nous repasse un vieux film politique mais en version colorisée, badigeonnée d’un soupçon de révolte sur la Place de la Bastille, au son de l’accordéon : cela plaît aux bobos qui, eux, rêvent de revivre Mai 1981 à défaut de Mai 1968.
Jean-Luc excelle à nous renvoyer à l’époque où le monde était simple et écoute son programme électoral comme on verrait de vieilles images d’actualité en cinéma muet : il n’y a qu’à « prendre l’argent où elle est », comme disait le vieux Georges, créer des emplois publics et des logements sociaux, nationaliser et, bien sûr, faire payer les riches. Jean-Luc promet aussi de mettre en place une Constituante, comme en 1946.
A lire son programme électoral on se sent rajeunir : nous ne sommes plus en 2012 mais au mieux en 1970. Cela doit assurément plaire aux papys qui rêvaient d’un grand soir de « justice sociale ». Nostalgie, quand tu nous tiens…
Il a tout compris
Mais Jean-Luc est fine mouche : il a tout compris.
Il a compris qu’il est d’autant plus médiatisé qu’il dirige ses diatribes contre Marine Le Pen. Cela lui donne un brevet d’honorabilité. D’ailleurs, on le voit partout aujourd’hui : à croire qu’il ne se déplace plus qu’entouré d’une meute de paparazzis, comme les stars.
Il est vrai qu’il est nettement plus drôle dans son rôle que NKM, la revêche porte-parole de Nicolas Sarkozy qui déclare préférer voter pour François Hollande plutôt que pour Marine Le Pen, ce qui a un peu troublé la stratégie dudit Nicolas.
L’habit de lumière de l’antirââcisme et de l’antifââscisme
Dans le rôle de procureur public, il endosse alors l’habit de lumière de l’antirââcisme et de l’antifââscisme avec talent : c’est un beau numéro d’équilibriste car, d’un côté, il nous dit qu’il faut lutter contre les patrons et le système de l’argent, mais, de l’autre, il concentre ses attaques sur les identitaires et les populistes qui ne représentent pourtant assurément pas les intérêts du CAC 40.
L’extrême gauche pratique la même escroquerie morale avec constance depuis 1968 : lutter, au nom de la révolution, contre tout ce qui pourrait faire concrètement obstacle… au pouvoir de l’argent-roi. Jean-Luc a repris le filon sans vergogne, pour le plus grand profit du Système.
La révolte, mais pas trop quand même
Mais s’il fait dans un style qui se veut populaire, Jean-Luc reste toujours dans les limites de la décence : car c’est la condition de sa sainteté médiatique. D’ailleurs il se veut « républicain », ce qui en novlangue veut dire « politiquement correct ». Il veut changer, faire la « révolution par les urnes » mais pas trop quand même.
Jean-Luc Mélenchon trouve un écho dans une partie de l’opinion car lui aussi parle concrètement : il parle des salaires, du chômage, de l’école, de la précarité et de la pauvreté. Il promet que nous « vivrons mieux ».
Mais notre joueur de flûte se garde bien cependant d’aborder les vraies causes de la paupérisation en France : le libre-échange mondialiste et l’immigration de peuplement.
Un surplace idéologique
Jean-Luc proclame qu’il faut « désobéir au Traité de Lisbonne » mais ses positions sur l’Europe sont imprécises et inodores. Il faut dire que le sénateur Mélanchon a voté le Traité de Maastricht. Il ne dit rien de l’euro et n’emploie pas le mot « protectionnisme ».
De même, pour lui l’immigration « n’est pas un problème » : il promet d’ailleurs de régulariser les clandestins, de renforcer le droit du sol et d’établir un droit à la naturalisation. Le MEDEF serait content s’il était élu !
Le « peuple » de Jean-Luc date lui aussi manifestement : il remonte à 1970, au temps où certains s’inquiétaient qu’il puisse y avoir un jour un million d’immigrés en France. Un temps qui nous fait rêver rétrospectivement, mais ce n’est plus le nôtre, hélas.
Jean-Luc prône une « Constituante » mais pour promouvoir le régime d’assemblée élue à la proportionnelle, c’est-à-dire le régime des partis. Sa VIe République c’est en fait la bonne vieille IVe République. Il n’est d’ailleurs pas trop favorable au référendum : tout juste le préconise-t-il pour « régler la question du nucléaire ». Sans doute pour complaire aux écolos.
Notre révolutionnaire en cravate rouge déploie ainsi beaucoup d’énergie à faire du surplace politique : c’est vrai que c’est une belle performance !
Un vieux logiciel
Manifestement le logiciel de Jean-Luc date : c’est un logiciel de gauche, au surplus une version dépassée qui n’est plus en vente à la FNAC. C’est pourquoi il plaît au Système et aux nostalgiques.
Car il est sans surprise, Jean-Luc : il ne s’attaque qu’à la surface des choses et surtout aux concurrents de ce bon Nicolas. Avec lui on ne risque pas le changement et on le verra sans doute lors du second tour des présidentielles. C’est sans doute pourquoi il prétend que voter pour lui c’est le « vote utile ». Mais utile à qui finalement ?
Michel Geoffroy
27/03/2012
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