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La Novlangue de l’Union européenne (première partie)

La Novlangue de l’Union européenne (première partie)

par | 22 mai 2014 | Europe

La Novlangue de l’Union européenne (première partie)

L’association pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN), proche de l’UDC, a organisé une université d’été romande sur le thème « L’Europe contre l’Union européenne ». Nous donnons ici de larges extraits de l’intervention de Jean-Yves Le Gallou consacrée à la novlangue européenne.

La meilleure analyse de la situation politique de l’Europe contemporaine se trouve chez Georges Orwell. Dans 1984, cet auteur britannique décrivait prophétiquement (dès 1948) un régime totalitaire qui contrôlait la population en appliquant cinq règles :

  • une télévision perpétuellement allumée ;
  • une histoire révisée en permanence en fonction des intérêts idéologiques et politiques du moment ;
  • la condamnation de la mal-pensance ;
  • la diabolisation des opposants ;
  • la manipulation du langage par la Novlangue.

2011=1984

Eh bien, nous y sommes :

  • Les Européens passent en moyenne plus de quatre heures devant leur écran de télévision. C’est une servitude volontaire qui les rend ahuris par un bombardement publicitaire et idéologique ininterrompu.
  • L’histoire est réécrite en permanence : sur trois sujets majeurs, la nature de l’Europe, la Seconde Guerre mondiale et la colonisation, on ne dit pas la même chose en 2011 qu’en 1980 et déjà, en 1980, on ne tenait pas le même discours qu’en 1950. Le pis étant que, par le biais de lois liberticides et la pression de l’historiquement correct, toute opinion dissidente est traquée. Comportement qui va à l’encontre même des fondements de la civilisation européenne qui recherche la vérité – hors du domaine religieux – par la libre confrontation des idées.
  • Les lois liberticides limitant la liberté d’expression se sont multipliées et font l’objet de jurisprudences de plus en plus sévères ;
  • Le système dominant impose un triple déni – déni de réalité, déni de débat, déni de cohérence – par la diabolisation des dissidents.
  • Et le recours massif à la Novlangue boucle le système le vocabulaire est délibérément manipulé à des fins politiques pour cacher les réalités déplaisantes et imposer les visions dominantes du système.

La Novlangue contemporaine : restreindre les limites de la pensée

Dans le roman de George Orwell, 1984, le héros du livre s’appelle Winston ; l’un de ses collègues, Syme, est en charge du dictionnaire de Novlangue ; Syme explique ainsi le but de la Novlangue :

« Ne voyez-vous pas que le véritable but de la Novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? À la fin nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. »

Polémia a en quelque sorte actualisé le travail du linguiste de 1984 ; elle a publié un petit dictionnaire qui comprend environ 300 mots parmi les plus employés aujourd’hui par l’élite dirigeante et notamment les médias.

Ce dictionnaire de Novlangue contemporaine comprend cinq types de mots :

  • Les mots trompeurs, qui ont changé de sens et qui signifient souvent le contraire de ce qu’ils exprimaient auparavant ;
  • Les mots subliminaux, qui sont utilisés pour produire certains effets de répulsion ou d’approbation chez le récepteur ;
  • Les mots marqueurs, qui expriment l’idéologie dominante et traduisent le fait que celui qui les emploie fait partie de la classe dominante ;
  • Les mots tabous, qui correspondent à des concepts que l’idéologie dominante s’efforce de supprimer ;
  • Les mots sidérants, qui visent à disqualifier les adversaires du Système ;

Le « moulag », un goulag verbal

Voici comment fonctionne ce goulag verbal, ce goulag mou.
Eh bien, ce goulag mou, ce « moulag », nous le connaissons aujourd’hui en Union européenne.

Le vocabulaire de l’Union européenne repose sur une triple pratique :

  • D’abord, l’évacuation de certains mots ; les « mots tabous » qui ne subsistent qu’à titre marginal dans les traités et qui disparaissent progressivement des discours car ils sont frappés d’interdit : frontières, peuples, identité, préférence communautaire, référendum.
  • Ensuite, l’usage massif du beau parler européen, les « mots fétiches » de la Novlangue européenne, ces « mots trompeurs » dont le sens a été changé : « mini-traité », « démocratie », « citoyen », « valeurs », « État de droit », « défense européenne ».
  • Enfin, le recours aux « mots sidérants » pour imposer le déni de réalité, le déni de cohérence et le déni de débat : quiconque ne pense pas comme il faut se voit qualifier d’être « europhobe, xénophobe, nationaliste, populiste, voire d’extrême droite ».
  • Pour être complet, il faudrait ajouter que le vocabulaire des institutions européennes est incompréhensible pour quiconque n’est pas un expert des institutions européennes :

Les mots tabous

Peuple

Le mot peuple n’apparaît guère qu’une fois dans le Traité consolidé issu des négociations de Lisbonne, je cite : « Les peuples d’Europe en établissant ente eux une union sans cesse plus étroite ont décidé de partager un avenir pacifique fondé sur des valeurs communes ». Une affirmation au demeurant inexacte puisque les peuples français et néerlandais ont rejeté par référendum le texte qui leur était proposé en 2005 ; qu’à la suite de ce vote, le référendum prévu en Pologne a été supprimé et qu’en 2007 le peuple irlandais a refusé, lui, le traité de Lisbonne qui reprenait quasiment le même texte. En fait, les institutions de Bruxelles n’aiment pas l’expression collective des peuples, ils lui préfèrent le concept individualiste de « citoyen » : on y reviendra !

Référendum

Le mot référendum est aussi honni dans la logique de l’Union européenne : on y préfère le droit de pétition devant le Parlement européen, sans aucun effet pratique. Ces mêmes « citoyens de l’Union » (article 8B, alinéa 4), je cite : « au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’États membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission européenne dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités ». Je laisse aux Suisses, familiers de la démocratie directe, le soin de décrypter à quel point le pouvoir des pétitionnaires est encadré !

Identité

Le mot identité n’apparaît lui aussi que marginalement.

L’identité européenne n’est nulle part définie. Si ce n’est négativement dans la mesure où la référence chrétienne a été délibérément évacuée, notamment selon Valéry Giscard d’Estaing, rédacteur du premier projet de Constitution, pour ne pas heurter les religions minoritaires, qui précisément ne sont pas constitutives de l’identité européenne.
L’identité nationale elle est évoquée marginalement ; mais sans contenu réel pour au moins trois raisons :

  • L’Union européenne est une machine à normaliser et donc à éradiquer les particularités nationales.
  • L’Union européenne interdit explicitement (article 81), je cite : « toute discrimination en raison de la nationalité ».
  • Enfin le principe généralisé d’ouverture des frontières interdit toute préférence nationale ou locale.

Préférence

Le mot « préférence » a lui aussi disparu alors même que la notion de « préférence communautaire » était au cœur du premier Traité de Rome. Deux mots se sont imposés à sa place : libre circulation (y compris pour les ressortissants et les marchandises des pays tiers) et non discrimination.

Frontière

Quant au mot frontière, il apparaît certes mais… négativement :

  • D’abord l’Union européenne n’a pas défini de frontières, ni géographiques, ni culturelles : ainsi la Turquie a participé comme observateur aux négociations sur les derniers traités ; or c’est pour l’essentiel un pays asiatique de culture musulmane ; l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne mettrait celle-ci directement en contact avec la Géorgie, l’Arménie, l’Irak, l’Iran et la Syrie… L’élargissement au monde balkanique ne va non plus sans poser des problèmes. Sans parler d’Israël ou du Maroc.
  • Ensuite le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdit (article 63) toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre États membres mais aussi entre États membres et pays tiers ; c’est le même esprit qui prévaut à l’article 32 sur l’Union douanière qui insiste (paragraphe a) sur « la nécessité de promouvoir les échanges commerciaux entre les états membres et les pays tiers ».
  • S’agissant de la circulation des hommes, c’est la même idéologie libre-échangiste, laisser-fairiste et sans-frontiériste qui prévaut : d’une part, l’Union supprime les contrôles aux frontières intérieures y compris pour les migrants ; d’autre part, elle encadre les contrôles extérieurs tout en protégeant les droits des migrants.

Les mots trompeurs

Mini-traité

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dont je vous parle – traité de Lisbonne consolidé – est le produit d’un tour de passe-passe. Le projet de Constitution européenne a été rejeté par les Français et les Néerlandais : il n’a donc pas été ratifié. Un nouveau texte a été approuvé à Lisbonne puis ratifié sans référendum par les Parlements. Ce texte a été présenté aux opinions publiques, notamment à l’opinion française, comme un « mini-traité ». Sic ! Or c’est une maxi-Constitution, c’est un document de plusieurs centaines de pages qui, à quelques détails près, reprend le texte de la défunte Constitution européenne. Le traité consolidé qui en est issu, ce sont 358 articles, 37 protocoles additionnels, 65 déclarations ! Mesurez ici l’ampleur du déni de démocratie ! Rejeté par référendum, approuvé par les parlements.

Défense européenne

Ce texte consacre aussi un chapitre à la politique extérieure et de défense commune. À ce titre, on parle de « défense européenne » : un mensonge absolu dans la mesure où l’article 42 précise, je cite, « La politique de l’Union […] respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’OTAN et elle est compatible avec la politique commune et de sécurité arrêtée dans ce cadre ». Le mot « défense européenne » camoufle ici une vassalité absolue aux États-Unis d’Amérique. Le mot OTAN lui-même relève aujourd’hui de la Novlangue puisqu’il sert à légitimer des interventions d’agression sur le théâtre asiatique (Afghanistan) ou africain (Libye).

Jean-Yves Le Gallou
27/08/2011

Version intégrale du texte

Voir aussi

Cet article a été initialement publié le 30/08/2011.

Jean-Yves Le Gallou
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