Par Claude Meunier-Berthelot, enseignante, essayiste ♦ Jean-Paul Brighelli est un enseignant ayant écrit des ouvrages aussi nécessaires que diffusés sur l’effondrement du niveau scolaire et de l’Éducation nationale. Mais il a récemment vanté la « mixité scolaire ». Claude Meunier-Berthelot, contributrice régulière de Polémia et spécialiste de cette question, revient donc sur les conséquences de cette politique pour rafraîchir la mémoire de Jean-Paul Brighelli.
Polémia
Faisant la promotion de son dernier ouvrage L’École à deux vitesses, J.-P. Brighelli fait, par là même, la promotion de la « mixité scolaire », autrement dit des dispositions consistant à mélanger tout particulièrement dans des établissements secondaires d’élite (Henri IV, Louis-le-Grand…) – mais pas seulement – des élèves méritants excellents à des populations « issues de zones sensibles », quel que soit leur niveau scolaire – procédure Affelnet –, et aussi à bloquer leur cursus dans l’enseignement supérieur – procédure Parcoursup –, partant du postulat que le système actuel laisse de côté ces populations dans le dénuement intellectuel le plus complet, générant ainsi des « ghettos de riches » et des « ghettos de pauvres », ce qu’il appelle « l’école à deux vitesses ».
Au cas où il aurait la mémoire qui flanche, rappelons à J.-P. Brighelli quelques vérités en grande partie inconnues du grand public dans la mesure où elles ne sont jamais médiatisées, mais pas inconnues de J.-P. Brighelli lui-même pour la simple et bonne raison qu’il en a inspiré un certain nombre.
Quelques données tout à fait vérifiables vont peut-être lui rafraîchir la mémoire : ce ne sont ni des avis ni des interprétations, mais tout simplement la politique d’« éducation prioritaire » menée depuis des années en direction des populations « issues des zones sensibles » et sans mixité sociale.
Structures de soutien scolaire, de mise à niveau
Elles sont destinées à donner les bases solides du savoir grâce à l’usage de méthodes pédagogiques « efficaces » (sic) et un suivi personnalisé, dans et hors établissement scolaire.
Équipes de réussite éducative
Loi 2005-32 du 18-01-2005
Créées en 2005 ; aujourd’hui, 500 plans de réussite éducative au bénéfice de 100 000 jeunes.
Écoles de la deuxième chance (associations loi de 1901)
Créées en 1995, elles ont bénéficié en tout à 120 000 jeunes, avec environ 60 % de sorties positives (poursuite d’études ou insertion professionnelle).
Structures d’excellence dans le secondaire
Internats d’excellence
Expérimentés à Marseille dès 1997, 20 000 places créées dès 2008, aujourd’hui 33 000 en tout : 15 % en collège, 61 % en lycée, 24 % en lycée professionnel.
Dispositifs d’accès à l’enseignement supérieur de prestige
Conventions d’éducation prioritaire de Sciences Po
En vingt ans, 2 000 jeunes de l’éducation prioritaire ont intégré cette école.
Programme Pourquoi pas moi ? de l’ESSEC
Lancé en 2002, ce programme consiste en une aide individualisée – pédagogique et financière – destinée aux élèves issus de l’« éducation prioritaire » afin de renforcer leur potentiel scolaire et culturel.
Les Cordées de la réussite
Lancées en 2008, il s’agit d’une mise en réseau d’établissements d’enseignement supérieur (ENS, Mines et Ponts, HEC, X, École du Louvre…) avec des collèges et lycées situés dans des « quartiers prioritaires de la politique de la ville » dans le but de favoriser l’accès à l’enseignement supérieur de prestige des élèves issus de ces quartiers en leur donnant toutes les clés pour réussir – ateliers pédagogiques, stages, séjours linguistiques, visites de sites, de salons, activités de loisirs –, et ceci de la quatrième à la terminale.
« L’impact sur les élèves est vertigineux. Ceux qui bénéficient des cordées vont plus loin dans leurs études », souligne Chantal Dardelet, responsable de ce pôle à l’ESSEC. Et d’après une étude menée par cet établissement, ils ont même « deux fois plus de chances d’intégrer une filière sélective que leurs camarades ».
En 2022, 800 cordées de la réussite ont bénéficié à près de 200 000 élèves.
CPES (classes préparatoires à l’enseignement supérieur)
Sortes de sas entre le bac et la CPGE. 33 formations générales ou spécialisées de 24 à 25 élèves par classe, soit environ 800 étudiants par an. À l’issue de la formation, tous les étudiants ou presque venant des « lycées peu favorisés » (sic) intègrent une CPGE.
CPI (classes préparatoires intégrées)
Classes préparatoires à l’enseignement supérieur public ou privé au sein même de l’école supérieure (ENM, École supérieure de journalisme de Lille, École nationale supérieure de la SS, Conservatoire du patrimoine…) avec des taux de réussite très élevés : ENM : 33 % contre 15 % de moyenne nationale ; ESJ de Lille : 60 à 85 % contre 5 à 7 % ; Conservatoire du patrimoine : 20 % contre 10 % ; etc.
Dispositifs d’accompagnement au sein de l’enseignement supérieur
- aides internes : tutorat renforcé et personnalisé (Sciences Po, grandes écoles d’art et d’architecture…) ;
- aides externes : résidences de la réussite.
Refondation de l’éducation prioritaire
Loi de refondation de l’école du 7 juillet 2013, circulaire du 4 juin 2014
Généralisation des dispositifs d’éducation prioritaire de la maternelle à l’enseignement supérieur (sic MEN), avec un référentiel des « pratiques pédagogiques les plus efficaces » – se démarquant totalement du référentiel destiné à nos enfants –, pour dispenser un savoir structuré avec des contrôles rigoureux à la clé pendant que nos enfants sont crétinisés par des méthodes et des contenus ineptes.
Rentrée 2020 : 1 200 REP (réseaux d’éducation prioritaire) au total avec 731 REP et 350 REP+.
Cités de haute qualité éducative (étant bien précisé « sans mixité sociale »)
Circulaire du 13 février 2019
Rentrée 2019 : 80 cités de haute qualité éducative ; 200 à la rentrée 2022, soit 323 collèges et 600 écoles primaires, scolarisant un million d’élèves (en plus des autres structures).
Conclusion
Tout ceci n’est qu’un aperçu.
Alors, pour J.-P. Brighelli, la mixité scolaire, c’est pour qui ? et surtout pour quoi ?
Tout simplement pour casser la dynamique d’excellence des quelques établissements scolaires et universitaires d’élite qui subsistent et auxquels ont accès les Français qui ne sont pas « issus des zones sensibles », des Français de souche ou européens, tout en poursuivant une politique scolaire d’excellence réservée aux populations issues de l’immigration dans des structures qui leur sont spécifiquement destinées et ce pour « renverser la table ».
Rappelons l’insertion qu’il fit à la fin de son ouvrage La Fabrique du crétin 2 (p. 201) : « Les férus d’histoire voudront bien se souvenir que les “barbares”, avant de déferler au ive siècle, avaient trouvé leur place dans l’Empire en s’intégrant, via la langue et la culture. Nombre d’entre eux finirent par postuler à des emplois éminents – voire à la tête de l’Empire. »
N’est-ce pas ce que J.-P. Brighelli appelle devoir « apporter du sang neuf » ?
Claude Meunier-Berthelot
17/09/2023
Pour aller plus loin : C’est l’identité française qu’on assassine, Éditions des Trianons, 15 euros.
Crédit photo : Debout la France [CC 2.0]
- Un roman porno au prix Goncourt des lycéens 2024 ? - 6 octobre 2024
- Suspension d’un chef d’établissement catholique : une attaque de la gauche - 3 octobre 2024
- L’enseignement privé catholique dans le collimateur de LFI et Macron - 25 avril 2024