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La Marche des lemmings. La deuxième mort de Charlie Hebdo, de Serge Federbusch

La Marche des lemmings. La deuxième mort de Charlie Hebdo, de Serge Federbusch
La Marche des lemmings. La deuxième mort de Charlie Hebdo, de Serge Federbusch

Interview de Serge Federbusch parue sur Atlantico pour la sortie de son livre, La Marche des lemmings.

Serge Federbusch, président du Parti des Libertés et fondateur de Delanopolis, site indépendant d’informations en ligne sur l’actualité politique parisienne, est l’auteur d’un livre paru le 6 mai : La Marche des lemmings, consacré à l’affaire Charlie Hebdo. Il y explique « comment le pouvoir socialiste a manipulé l’opinion au moment des attentats de janvier pour escamoter ses faillites et sa responsabilité ; et comment la manifestation monstre du 11 janvier résulte elle aussi d’un conditionnement pour dévier l’émotion populaire vers le “pas d’amalgame” en niant l’évidence des progrès du fondamentalisme musulman en France ». Charlie Hebdo, la manipulation du siècle ? Au lecteur de juger.
Polémia

« Tout a été orchestré pour que les responsabilités du pouvoir ne soient pas mises en cause et pour protéger les musulmans, électorat cher au pouvoir, d’un accès de courroux populaire au nom du « pas d’amalgame » ».

Atlantico : La manipulation du siècle, vous n’y allez pas un peu fort !?

Serge Federbusch : C’est vrai, ce siècle n’a que quinze ans, comme dirait Victor Hugo. Pourtant, nous avons assisté à un cas d’école de manipulation qui restera dans l’Histoire.

Laquelle précisément ?

À toutes les étapes de cette affaire, l’opinion a été trompée. D’abord, il y a eu un dysfonctionnement majeur des services de renseignement.

Savez vous qu’il a fallu attendre le 3 avril dernier pour qu’enfin un journal national, Le Monde pour ne pas le citer, indique que le ministère de l’Intérieur avait intoxiqué la presse en lui faisant croire que la surveillance des frères Kouachi avait été interrompue à la demande de la « Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité » ?

En réalité cette instance où siègent des hauts magistrats a publié le 12 janvier, au lendemain donc de la grande manifestation, un communiqué pour expliquer qu’ « à aucun moment (elle) n’avait manifesté d’opposition … les affirmations contraires sont au mieux une inexactitude, au pire une manipulation ».

Mesurez-vous l’ampleur du scandale ? Une commission officielle parle de manipulation, forcément du ministère de l’Intérieur, dans une affaire qui ébranle la République. Et ce communiqué, qui aurait dû exploser comme une bombe, a été soufflé par la déflagration de la manifestation des Charlie !

Tout est à l’avenant dans cette affaire.

La protection du siège de Charlie était indigente, largement pour faire des économies de bouts de chandelle alors que, deux semaines plus tôt, Valls disait dans un discours officiel que le péril djihadiste n’avait jamais été aussi élevé en France.

La cavale des Kouachi fut extravagante et témoigne d’une faillite complète des services de police. Une demi-heure de fusillade au centre de Paris, douze morts, des véhicules de police qui reculent et des tueurs qui s’évaporent Porte de Pantin après avoir braqué une autre voiture ! Si on n’avait pas eu affaire à un commando suicide sans plan de fuite ou de planque, il aurait pu disparaître dans la nature et, aujourd’hui, pas un jour ne se passerait sans que l’UMP et le FN ne réclament la démission de Hollande. Tout cela est expliqué dans le détail dans mon livre.

Et l’esprit du 11 janvier, la grande marche, des manipulations aussi ?

L’émotion populaire était indéniable. Mais tout a été orchestré pour que les responsabilités du pouvoir ne soient pas mises en cause et pour protéger les musulmans, électorat cher au pouvoir, d’un accès de courroux populaire au nom du « pas d’amalgame ».

La désopilante marche des dirigeants, présentée sur le moment comme prenant la tête du cortège et qui en réalité a eu lieu en vase clos, les transports gratuits, l’appel à manifester de tous les médias sans exception ou presque … et surtout la date choisie.

Valls et Hollande ont décidé en effet du report d’un jour pour permettre la scénarisation du défilé et ont fait ce choix dès le 8 janvier, avant que les Kouachi ne soient mis hors d’état de nuire et avant même les meurtres de Coulibaly Porte de Vincennes. Le pouvoir a fait courir des risques inconsidérés à la population pour organiser son dérivatif. Il a eu beaucoup de chance, à la différence des victimes des assassins.

Cela ne remet pas forcément en cause le souci de ne pas faire d’amalgame. Vous ne croyez pas à la thèse de la séparation entre islamistes et musulmans ?

C’est une distinction destinée à ne pas effrayer l’opinion. Il y a une différence de degré et pas de nature entre les deux. Le Coran est un peu une auberge espagnole avec des passages plus ou moins agressifs et on peut y trouver ce qu’on y cherche.

Diriez-vous que le régime saoudien, qui décapite hardiment et où la femme est discriminée, incarne un islam modéré ? Pourtant, il s’oppose à Al Qaïda. La situation est beaucoup plus complexe que le monde binaire pour bobos-bisounours décrit par Joffrin à longueur d’éditoriaux dans Libération.

La réalité est que le fondamentalisme fait des progrès constants en France et que la classe dirigeante nie l’évidence par lâcheté et/ou clientélisme. Ecoutons le député socialiste Malek Boutih, qui nous appelle à l’intransigeance face à cette peste, plutôt que les prêches du vivre-ensemble.

Vous semblez dire dans votre livre qu’au fond les frères Kouachi ont gagné, que le pouvoir recule face au fondamentalisme ?

Depuis le 11 janvier, il y a eu au moins dix cas d’événements annulés, d’expositions amputées, de festivals écourtés par peur d’attentats.

Quand, il y a cinq jours, Luz vous explique qu’il n’a plus envie de caricaturer Mahomet, vous sentez comme un parfum de dhimmicratie dans l’air…

Et les médias, vous ne les épargnez pas ?

Certes pas. Ils ont pour la plupart servi de courroies de transmission à cette gigantesque manipulation. Une semaine après les attentats, certains vous expliquaient que les vrais responsables s’appelaient Eric Zemmour et Renaud Camus !

Pourquoi « La Marche des lemmings » ?

Ces mignons petits rongeurs ne savent pas canaliser leur instinct grégaire, se regroupent et, dans leur transhumance, nombre d’entre eux périssent dans des bousculades. C’est une image pour montrer comment la manifestation, partant d’un bon mais irréfléchi sentiment, se retourne à la fin contre ses participants.

Que pensez-vous du livre d’Emmanuel Todd sur le sujet ?

Il sort demain, je vous en parlerai quand je l’aurais lu. Dans ces interviews, il me semble céder à une sorte de normalisation paradoxale de son propos. Il tire la conclusion qu’il ne faut pas stigmatiser, c’est ce que le Système attend de lui.

Et l’avenir ?

Franchement, il est sombre. Le Système politique et médiatique fera tout pour éviter d’affronter le problème du fondamentalisme musulman en face. Avez-vous remarqué que les voiles prolifèrent dans les rues depuis janvier ?

Salafistes, wahhabistes et autres ultra-conservateurs semblent prendre le contrôle de la communauté. Les musulmans français cherchent de plus en plus à affirmer leur identité par une pratique religieuse régressive. C’est un retour catastrophique en arrière.

Dans ma jeunesse, j’ai eu plusieurs amies et quelques petites amies musulmanes qui adoraient le whisky, le rouge à lèvres et le slow langoureux. Sont-ce leurs filles qui portent le voile aujourd’hui ? J’ai peine à le croire et à comprendre comment nous sommes arrivés à ce désastre.

Source : Atlantico
06/05/2015

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