« Espérons que ses mots refermeront définitivement cette séquence peu glorieuse d’une caste journalo-mondaine parisienne méprisante de l’intelligence collective des Français. »
Depuis quelques jours la rédaction d’Esprit corsaire revient sur les contre-vérités émises et répétées sur la tragédie rwandaise, le rôle de la France et l’honneur de ses armées. Le 11 avril dernier nous avons publié le message du ministre de la défense qui s’adressera prochainement aux armées. Enfin ! Mais il n’en reste pas moins que les « perroquets », comme les a baptisé l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, les perroquets professionnels de l’insulte faite aux soldats français continuent à pérorer. Cette « légion française de Paul Kagamé » a valeur de symptôme : celui d’une presse française, de plus en plus réduite à quelques cercles parisiens d’influence, préférant les leçons de morale à l’information, le témoignage et l’analyse, érigeant la haine de soi en liberté d’expression…
Nous avons déjà pointé les barreurs du Titanic Libération dont le capitaine a courageusement fui la passerelle avant le naufrage final. Nous avons souri à la pythie de Mediapart, omnisciente donneuse de leçons de journalisme devant l’Éternel, dirigeant un site qui s’est, à défaut d’enquêtes et d’investigations, spécialisé dans le « journalisme de délation ». Nous nous sommes permis de relever les inconséquences et les partis pris d’éditorialistes et d’animateurs de radios du service public en villégiature à Kigali aux frais du contribuable français, alors que nos autorités avait justement décidé de boycotter les commémorations officielles du génocide après que Paul Kagamé ait, une nouvelle fois, craché à la face de la République française. Il nous reste – pour clore cette exploration peu glorieuse de l’épistémologie du journalisme parisien -, à qualifier deux autres figures « héroïques » de la Légion française de Paul Kagamé : celle de l’africaniste-envoyé-spécial à qui on ne la fait pas, enfin celle de l’humanitaire passé avec armes et bagages aux affaires « africaines », s’entend !
Ca commence comme ça : « chez celles et ceux qui – tel fut mon cas – eurent le douteux privilège de couvrir en 1994 le génocide rwandais, cette orgie barbare, cette plongée dans l’au-delà de la cruauté, aura laissé une blessure inguérissable, une plaie béante, que rien, jamais, ne pourra cicatriser ». Attention, il y était ! Suivent une série de perles qui commencent toutes par : « je me souviens… » Exemple :
« je me souviens, au retour de ces collines-là, de notre rencontre inopinée avec un détachement français du dispositif Turquoise, de la carte dépliée sur le capot d’un 4X4 kaki, et de cet officier qui, devant notre insistance à désigner le site d’une « corvée de bois » que l’on voulait croire achevée, promit de « rendre compte » ».
À ces souvenirs du bon docteur es-Afrique de L’Express Vincent Hugeux, est-il nécessaire d’ajouter qu’un officier français en mission, quel qu’il soit, a bien d’autres choses à faire que de réagir aux injonctions d’un Tintin perdu au Congo… Et ça se termine encore plus fort :
« je me souviens de ce déjeuner dans un restaurant du sud-ouest, un jeudi de décembre 1997, et de la leçon de « patriotisme » infligée par la porte-parole du Quai d’Orsay, outrée que l’on osât s’interroger sur la troublante apathie de Paris avant, pendant et après les Cent-Jours des massacreurs. Je me souviens de tout cela et je m’en souviendrai jusqu’à mon dernier souffle ».
Les flonflons mis à part, osons rappeler très modestement que Fabrice del Dongo frémissait bien d’être à Waterloo sur le champ de bataille, mais que, malheureusement, il n’y a vu que de la fumée et des chevaux… Rappelons aussi, au passage, que Vincent Hugeux a été condamné en justice pour son pamphlet « Les sorciers blancs – une enquête sur les faux amis français de l’Afrique ». La profession de Chevalier blanc nécessite un peu de rigueur…
Mais les prouesses himalayennes, donc les plus beaux lauriers de la « Légion française de Paul Kagamé », reviennent – sans conteste -, à notre ancien « ministre » des vacances étrangères Bernard Kouchner, très en vue à la tribune officielle des dernières commémorations rwandaises. Depuis cette tribune de choix et au micro de RTL, Monsieur Kouchner soutient des positions diamétralement opposées à celles tenues par l’ancien ministre de la défense Paul Quilès, président de la Commission parlementaire sur le génocide rwandais en ajoutant :
« Est-ce que les troupes françaises ont elles-mêmes assassiné à la main quelques Tutsis, je ne le crois pas du tout. Mais que tout ait été préparé avec leur consentement illicite, implicite… c’est sûr ! »
Incroyable ! Quelle honte et quelle indignité ! Inutile de revenir sur la batterie de casseroles et d’affaires africaines que cet ancien serviteur de Nicolas Sarkozy traîne derrière lui. Pour faire court, renvoyons seulement aux bons auteurs qui nous expliquent comment cette vieille gloire de l’Humanitaire s’intéresse avant tout aux juteux contrats de sa société de consulting…
Ainsi, on relira avec le plus grand bénéfice, le livre définitif de Pierre Péan sur le champion de l’ingérence dans des affaires pas très nettes et sur celles de sa compagne Christine Ockrent, « reine des ménages » (*) et « prestations mondaines tarifées ». Plus sérieusement, et comme nous y invite justement Hubert Védrine, lisons et relisons surtout les différentes presses africaines qui expliquent, analysent et dénoncent les faits et gestes affairistes (eux-aussi) et sanguinaires de Paul Kagamé et du pouvoir rwandais actuel. Dans le prolongement de son message écrit aux armées françaises, Jean-Yves Le Drian devrait prochainement s’adresser de vive voix – par leur intermédiaire -, à la Nation. Espérons que ses mots refermeront définitivement cette séquence peu glorieuse d’une caste journalo-mondaine parisienne méprisante de l’intelligence collective des Français.
Richard Labévière
Source : Esprit corsaire
12/4/2014
Richard Labévière est grand reporter à la TSR, rédacteur en chef à RFI et de la revue Défense de l’IHEDN. Il est aujourd’hui consultant en relations internationales. Collaborateur du mensuel Afrique-Asie, il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont Les dollars de la terreur, Le grand retournement / Bagdad-Beyrouth, Quand la Syrie s’éveillera et Vérités et mythologies du 11 septembre.
Note
(*) Pierre Péan : Le monde selon K. Editions Fayard, 2009.