Par Michel Geoffroy, auteur de Immigration de masse. L’assimilation impossible, La Super-classe mondiale contre les peuples et La Nouvelle guerre des mondes ♦ En publiant son dernier essai La France n’a pas dit son dernier mot, Éric Zemmour ne décevra pas ses lecteurs. Le ton du livre qu’Albin Michel n’a pas voulu publier est vif, cinglant, drôle parfois, ce qui conviendra aux aficionados du polémiste. Et l’ouvrage se lit bien, presque d’une traite. Il se vend bien aussi.
Le titre cependant peut surprendre car l’essai n’évoque justement pas comment la France devrait répondre à la situation catastrophique dans laquelle elle se trouve. À l’évidence, l’auteur nous fait espérer une suite, ce qui est sans doute le but recherché…
En effet, Éric Zemmour nous présente surtout une étonnante galerie de portraits, au fil d’une éphéméride qui s’étend du 22 avril 2006 au 2 décembre 2020. L’auteur évoque ainsi ses rencontres, ses entretiens, les émissions auxquelles il a participé au cours de ces années et bien sûr aussi lors des éternels déjeuners et dîners en ville.
Le portrait des responsables du suicide français
De 2006 à 2020, Éric Zemmour aura donc rencontré ou dépeint une bonne partie du personnel médiatique et politique qui sévit dans notre pays depuis tant d’années.
Sans prétendre à l’exhaustivité on citera en effet pêle-mêle Serge July, Ségolène Royal, Julien Dray, François Bayrou, Alain Minc, Dominique Strauss-Kahn, Nicolas Sarkozy, Barre, Dominique Baudis, Jean-Luc Mélenchon, Michel Noir, Patrick Buisson, Philippe Seguin, Rokhaya Diallo, Jean-Christophe Cambadélis, Tariq Ramadan, Guillaume Pepy, Gérard Longuet, Xavier Bertrand, Jean-Louis Borloo, Yann Moix, Jean Marie Le Pen, Dieudonné, Alain Madelin, Jacques Toubon, Max Gallo, Patrick Kron, Charles Pasqua, Régis Debray, Frédéric Mion, Simone Veil, Nicolas Dupont-Aignan, Emmanuel Todd, Édouard Balladur, Jean-Pax Méfret, Pierre Bédier, Manuel Valls, Laurent Wauquiez, Michel Houellebecq, Sibeth Ndiaye, Patrick Devedjian, Giscard d’Estaing… et même Sean Connery ou les Rolling Stones.
Une liste qui donnerait vite le tournis !
Et si Éric Zemmour épargne certaines personnalités proches d’un gaullisme historique qui a manifestement sa préférence, globalement il nous présente une galerie d’élites déchues qui ont toutes échoué à empêcher le suicide français voire qui l’ont provoqué avec constance.
En lisant son livre on pensera à Vilfredo Pareto décrivant l’histoire comme un cimetière d’aristocraties. Si tant est, bien sûr, que notre personnel politico-médiatique entre dans cette catégorie !
Un nouveau La Bruyère ?
Si l’ouvrage rappelle parfois la noirceur des Décombres de Lucien Rebatet, le caractère funèbre de cette galerie politicienne est compensé par le style vif et mordant de l’auteur, qui a le sens des formules. Un nouveau La Bruyère ?
Comme quand Éric Zemmour écrit par exemple à propos de Nicolas Sarkozy que ce dernier « incarne, dans sa plus parfaite expression, le complexe de l’homme de droite qui n’a de cesse que d’être reconnu, adoubé, par la gauche ».
Ou à propos d’Emmanuel Macron : « Longtemps j’ai pensé que Macron était un Sarkozy en moins vulgaire ; pour la première fois, je comprends qu’il n’est qu’un Hollande en mieux vêtu. » Un Macron qui « cite Clemenceau mais fait du Briand ».
Jean François Copé est, lui, exécuté en quelques mots : « Copé n’a pas de chance ; il a quelque chose en lui d’indéfinissable qui le rend antipathique même lorsqu’il se veut sympathique, et arrogant même lorsqu’il profère quelque chose d’intelligent. »
Ou lorsque Jean-Louis Borloo lui dit sans rire qu’avec son plan banlieue il a retardé la guerre civile de dix ans, Eric Zemmour écrit « Je songe à la phrase du général de Gaulle : “En général, les hommes intelligents ne sont pas courageux.” Jean-Louis Borloo est très intelligent. »
François Fillon ? « La classe politique française depuis les années 1980 a l’attitude masochiste de ces aristocraties décadentes. François Fillon en est une synthèse aboutie. »
Ou bien encore : « Les chiraquiens incarnent l’ultime avatar de cette tradition française qui, depuis la Révolution, a fait de la droite une ancienne gauche. »
La nouvelle classe n’est pas épargnée
Éric Zemmour ne réserve pas ses flèches à la droite aux mains molles. Il règle aussi son compte avec les soixante-huitards et leurs émules indigénistes et déconstructeurs.
Comme lorsqu’il dénonce, par exemple, « les “baby-boomers” [qui] ont vieilli et pris le pouvoir. Tout le pouvoir : économique, financier, culturel, médiatique, politique. Ils ont imposé à leurs parents, mais aussi à leurs enfants et leurs petits-enfants, leur conception du monde individualiste et mondialiste – et leurs intérêts. […] Désormais, tout tourne autour de leur retraite, de leur épargne à protéger et de leur santé à préserver. Jamais une génération n’avait autant dominé un siècle entier ».
Rokhaya Diallo ? « Elle avait la vindicte de la victime qui a soif de devenir bourreau et les manières délurées d’une militante rompue aux codes médiatiques et formée dans les meilleures écoles d’agitprop d’outre-Atlantique, financées par Soros ou ses pairs. »
Sibeth Ndiaye ? « La propre généalogie de notre ministre est un parfait résumé de l’histoire de la colonisation française. Son grand-père fut un de ces tirailleurs sénégalais qui donnèrent leur vie pour la France ; ses parents se battirent pour ne plus être soumis à la France ; leur fille acquiert administrativement la nationalité française mais impose à son pays d’adoption son imaginaire africain et islamique. »
Ou à propos de la chanson du rappeur Nick Conrad « Pendez les Blancs »[2] : « Cette chanson est un avertissement, un programme, une prophétie comme la Marseillaise annonçait les guerres de la Révolution. »
Quant à la classe médiatique : « Chez ces gens-là, le “peuple” ne pense pas et quand il “pense mal”, ce n’est pas qu’il a observé et réfléchi, mais qu’on lui a mis des idées fausses dans la tête. »
Éric Zemmour tire à vue !
Une certaine prudence
S’agissant des concurrents potentiels du candidat Zemmour, l’auteur a cependant la prudence de citer le jugement, cruel, de tiers, plutôt que les siens. Il ne faut pas insulter l’avenir en effet…
Ainsi il cite Nicolas Dupont-Aignan qui lui dépeint une Marine Le Pen qui « n’avait pas lu un livre, elle ne travaillait pas, elle ne comprenait rien à l’économie, ne s’intéressait qu’à ses chats et ses plantes, c’était une boutiquière qui conduisait son parti en épicière, d’une méfiance maladive pour couronner le tout ».
Et pour évoquer Valérie Pécresse il cite Édouard Balladur qui lui aurait dit : « Comment vous l’appelez déjà ? Ah oui, Pécresse, c’est ça, c’est une imbécile quand même ! ».
Ou Xavier Bertrand qui lui aurait avoué ne pas avoir le niveau pour une élection présidentielle…
Des analyses pénétrantes et radicales
Cette galerie de fantômes, ou de revenants, hélas, s’agrémente aussi de courtes mais pénétrantes analyses politiques et sociales.
Comme cette peinture de la bourgeoisie française qui « méprise et déteste la France périphérique. Elle l’a repoussée au loin et ne s’en soucie guère. Elle se procure en banlieue d’innombrables domestiques, venus de contrées exotiques, nounous, taxis, cuisiniers, plongeurs, livreurs de pizzas ou de sushis, et même de drogues diverses ». Ou bien encore lorsque l’auteur montre que « l’économisme est la religion de nos politiques. Ils croient y puiser leur légitimité, alors qu’ils ne déploient, depuis des décennies, que leur incompétence ».
Un thème majeur se dégage pourtant des analyses et des propos d’Éric Zemmour : la question migratoire et du changement de civilisation.
Là encore l’auteur exprime une pensée radicale quand il affirme, en conclusion, que « rarement nous n’avons été aussi affaiblis, désunis, subvertis, envahis qu’aujourd’hui. Ces questions d’identité et de souveraineté ne sont pas des questions d’intellectuels. Elles concernent l’avenir de notre pays, et donc celui des Français. […] Nous devons nous battre sur tous les fronts. Pour sauvegarder notre identité et rétablir notre souveraineté. Tous ces combats sont liés ».
Éric Zemmour cite d’ailleurs plusieurs fois René Girard qui écrivait dans son livre Achever Clausewitz qu’« il nous faut entrer dans une pensée du temps où la bataille de Poitiers et les croisades sont beaucoup plus proches de nous que la Révolution française et l’industrialisation du Second Empire ».
Un programme présidentiel ?
L’ouvrage ne contient pas à proprement parler de propositions politiques, sinon en creux lorsqu’il évoque par exemple sa conversation avec Emmanuel Macron lequel lui aurait demandé de lui faire passer des propositions… pour résoudre le chaos migratoire !
Pour le programme du potentiel candidat Zemmour, il faudra donc attendre la conclusion du livre, au demeurant bien enlevée, pour voir apparaître ce qui semble un thème de campagne : « les 5 i ». « Nous devons nous rassembler autour de ce que j’appellerai “les 5 I” : identité, immigration, indépendance, instruction, industrie », écrit-il. Mais nous sommes quasiment dans les dernières pages de l’essai. Dommage…
Pourtant une candidature Éric Zemmour ne transparaît-elle pas lorsqu’il écrit : « J’ai l’impression qu’aucun politique n’appréhende à sa juste mesure l’enjeu : la mort de la France telle que nous la connaissons. » Ou que « le grand remplacement n’est ni un mythe ni un complot, mais un processus implacable. Cette question identitaire vitale rend subalternes toutes les autres. Je suis certain qu’aucun candidat – même Marine Le Pen – n’osera imposer cette querelle identitaire et civilisationnelle au cœur de la campagne ».
Alors la France a-t-elle vraiment dit son dernier mot ?
On attend avec impatience la réponse qu’Éric Zemmour entend apporter à cette question.
Michel Geoffroy
05/10/2022
[1] Éric Zemmour, La France n’a pas dit son dernier mot, Rubempré et Vautrin, 2021.
[2] Que la justice a renoncé à poursuivre…
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