La remise en cause du droit du sol revient au cœur de l’actualité, au moment où les regards se tournent – à nouveau – vers Mayotte. Un sujet qui a inspiré notre chroniqueur Pierre Boisguilbert.
Polémia
Le droit du sol, pilier de l’immigrationnisme
Il est paradoxal que l’idéologie hors sol soit si attachée pour les étrangers au droit du sol en France. On comprend leur inquiétude sur son éventuelle remise en cause. Le droit du sol avec son complément le regroupement familial sont les deux mamelles de l’immigration légale mais subie car jugée excessive. À la question : « Quelle question pour un référendum sur l’immigration ? », la réponse est évidente. Ce ne sera pas, bien sûr : « Souhaitez-vous moins d’immigration ? » C’est en l’occurrence une manière de dire qu’il n’est pas possible de consulter les Français sur l’immigration. Et d’en ridiculiser ses partisans, ces ignorants. Or une question peut être posée : « Approuvez-vous la suppression du droit du sol et la restriction du rassemblement familial telles que prévues par les textes ? »
Le droit du sol est un tabou pour ceux qui redoutent plus que tout le droit du sang qui sacralise la continuité d’un peuple dans sa filiation historique en acceptant les naturalisés et les Français par le sang versé ou le travail donné. Le droit du sol tangue, il est ébréché par Mayotte déjà, il est d’actualité. Élisabeth Borne, le ministre de l’Éducation nationale qui tourne le dos aux enseignants de l’archipel, département français, a été formelle : « L’abrogation du droit du sol n’est pas la bonne voie. » Pas plus sans doute que l’abrogation de sa loi retraite dont la gestion aurait dû à jamais lui fermer la porte d’un gouvernement. Darmanin immédiatement a dit le contraire, taclant le numéro deux du gouvernement, cheval de Troie d’Attal. Pour Othman Nasrou, premier secrétaire général délégué des Républicains, invité de « La grande interview » Europe 1 – CNews, « le droit du sol ne peut évidemment pas s’appliquer à Mayotte de la même manière qu’ailleurs. […] Mais la question du droit du sol, elle doit aussi être encadrée ailleurs. Je ne suis pas pour l’automaticité du droit du sol. Je pense que là aussi, il faut être très exigeant en matière d’intégration avant de donner la nationalité française ». Le Rassemblement national est pour la suppression du droit du sol dont l’idéologie recule partout dans le monde. Donald Trump, dans une interview diffusée dimanche 8 décembre, a déclaré qu’il tenterait de mettre fin au droit du sol aux États-Unis dès le premier jour de son retour à la Maison-Blanche, le 20 janvier : « Vous savez que si quelqu’un pose un pied, juste un pied […] sur notre territoire : “Félicitations, vous êtes désormais un citoyen des États-Unis d’Amérique” », a déclaré le futur président américain dans un entretien à NBC News. Avant d’ajouter : « Nous allons y mettre fin parce que c’est ridicule. »
Le droit du sol aux États-Unis concerne, en réalité, les personnes nées sur le territoire, comme en France. En Italie, à contre-courant, certains veulent étendre l’acquisition de la nationalité aux enfants d’immigrés mais ils se heurtent à l’opinion du plus grand nombre et à Giorgia Meloni.
Évolutions passées… et future ?
Le magazine Geo, très politiquement correct, souligne qu’en France il y a eu des périodes différentes d’adaptation à la réalité. Cette tradition médiévale, réhabilitée au milieu du xixe, a fluctué au cours de son histoire. Au Moyen Âge, l’individu appartient au propriétaire de la terre où il est né : c’est l’application du jus soli (droit du sol) – on fera remarquer à Geo qu’on ne peut pas dire que le fondement soit très progressiste et démocratique. À partir de 1803, le Code civil impose la notion moderne de nationalité française, désormais transmise par le père et indépendante du lieu de résidence. La France rompt avec l’approche féodale de l’Ancien Régime : elle consacre le droit du sang comme premier critère d’attribution de la nationalité. « Elle se transmet comme le nom de famille par la filiation. Elle est attribuée à la naissance ; elle ne se perd plus si l’on transfère son domicile à l’étranger », précise Patrick Weil dans Geo.
Le Code civil conserve toutefois un élément du droit du sol : tout étranger né en France peut, à sa demande, acquérir la nationalité française à sa majorité (21 ans). Dès la moitié du xixe siècle, les conditions d’acquisition de la nationalité s’assouplissent pour augmenter la population (révolution industrielle, défaites contre l’Allemagne en 1871 et en 1914). On fera remarquer à Geo que 14, ce n’est pas une défaite.
La loi de 1889 marque le grand tournant républicain : au nom de l’universalisme, la IIIe République consacre le droit du sol. Un enfant né en France, même de parents étrangers, devient automatiquement Français à sa majorité. La France intègre les enfants d’immigrés venus nombreux d’Algérie, d’Espagne et d’Italie, espérant ainsi renflouer son armée. Le journal oublie les Polonais et y inclut les Algériens, pas étrangers mais français jusqu’en 1962 – encore une petite erreur, mais cette fois drôle d’erreur tout de même.
En fait, nécessité et intérêt du pays font loi. L’intérêt du pays et même sa survie historique commandent aujourd’hui l’abrogation du droit du sol et du regroupement familial inventé par Chirac et Giscard qui l’a amèrement regretté mais trop tard. Ce référendum serait vraiment un référendum de salut français… Chiche !
Pierre Boisguilbert
14/01/2025
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