Les deux auteurs, l’un ouvrier du livre, l’autre professeur agrégé de lettres classiques, discipline devenue rare par les temps qui courent, spécialisés dans l’organisation de manifestations dénonçant l’islamisation des Français (*), se sont livrés cette fois à l’exercice difficile et même redoutable d’écrire un roman de politique fiction sur le mode férocement humoristique mais distrayant.
Politique fiction ? Pas tant que cela. L’ouvrage colle, malgré l’avertissement des auteurs, au plus près de la réalité de l’activité politique et surtout des mentalités.
La grande question posée par Pierre Cassen et Christine Tasin est celle que beaucoup de Français se posent : « Que se passera-t-il pour notre héros, Jocelyn Lefranc, et pour la France si la gauche l’emportait aux élections de 2012 ? »
Le message est à la fois simple et clair : « Attirer l’attention des lecteurs sur les dangers d’une politique multiculturelle, imposée par des dirigeants politiquement irresponsables. » Sous certains aspects, il rejoint celui de Christopher Caldwell, journaliste américain connaissant bien l’Europe et auteur d’une somme qui vient d’être traduite en français sous le titre Une révolution sous nos yeux, sous-titré Comment l’Islam va transformer la France et l’Europe (éditions du Toucan).
Les auteurs s’abritent derrière une dérision souvent sarcastique pour exprimer leur désespoir. Ils viennent de la gauche et ne s’en cachent pas. Mais cette gauche n’est plus la leur puisqu’elle « a abandonné le peuple français et notamment les classes populaires pour lui substituer peu à peu une nouvelle population », « ne défend plus la Nation », « trahit la laïcité et la loi de 1905 » et, enfin, prône l’effacement de « la République une et indivisible devant une Europe des régions ».
Qui est ce bobo Jocelyn ?
Son profil est assez classique, c’est-à-dire neutre, comme tous les bobos. Il est issu d’une famille d’enseignants appartenant à la gauche ultra-conformiste habitant le XVIe arrondissement, élevé dans la bien-pensance et préservé du monde, nourri au lait de la télévision. Il a un peu plus de trente ans et, après avoir fait de brillantes études – on l’imagine diplômé de Dauphine bardé de masters en tout genre –, il travaille depuis plusieurs années dans une multinationale du CAC 40. Il est marié avec une militante du Mouvement socialiste et père de deux enfants.
Tout va bien pour Jocelyn et, le 6 mai 2012, Francis Laslande est élu président de la République contre sa rivale Perrine Marienne. C’est un jour de gloire et de liesse mais surtout le péril fasciste est écarté. L’entre deux tours avait été terrible. Perrine Marienne ayant été donnée favorite, les émeutes avaient embrasé la France : le pire était à craindre.
Tout est déjà en place pour que s’accomplisse le nouveau programme politique : immigration, discrimination positive, Union européenne, mondialisation…
Mais rapidement notre héros déchante. Les déconvenues ne tardent pas à s’annoncer. Dès l’année suivante, son entreprise subissant les contrecoups des nouvelles mesures fiscales et le chômage augmentant, Jocelyn fait l’objet d’un licenciement économique et a toutes les peines du monde à retrouver du travail. Comme on dit, « il galère » !
Les raisons de ces premiers déboires sont assez bien expliquées dès le premier chapitre où les auteurs décrivent avec réalisme une émeute à Barbès. C’est à frémir !
Brutalement, témoin involontaire de violences exercées lors de cette émeute à Barbès, Jocelyn prend conscience de sa faute. Comment avait-il pu voter Francis Laslande, le 6 mai 2012 ? Comment avait-il pu commettre cette faute ? Comment s’était-il laissé abuser par les théories de Terra Nova, le cabinet conseil de Dominique Strauss-Kahn et du Parti socialiste, dont l’idée force est d’abandonner « le peuple français, et notamment les classes populaires, pour lui substituer peu à peu une population issue de la diversité » ?
La composition du gouvernement
Venons-en à la composition du nouveau gouvernement imaginée par Pierre Cassen et Christine Tasin. Il y a de quoi prendre peur ! Nous sommes dans la fiction, nous le savons, mais, mais… sait-on jamais ! On y trouve, par exemple, au ministère de l’Education nationale Philippe Lemeilleur, à qui ce ministère revient de droit. En décodant, on repère facilement qu’il s’agit de Philippe Meirieu, ce « pédagogiste » dont les théories ont fait « régresser en une génération le système éducatif français, un des meilleurs du monde », qui sous « l’influence désastreuse (…) des écologistes égalitaristes Rosa Choly », à l’état civil Eva Joly, « et Lionel von Moditt », alias Daniel Cohn-Bendit, a « l’idée de supprimer (…) toutes les classes préparatoires, toutes les grandes écoles, difficiles d’accès à qui ne travaillait pas d’arrache-pied et donc accusées de former une élite discriminante pour les enfants d’immigrés ». Il faut reconnaître que dans ce domaine précis le mouvement a déjà été lancé : on se souvient qu’après une tentative ratée de suppression, en mai dernier, le classement de sortie à l’ENA pourrait être finalement aboli l’année prochaine, sur décision du gouvernement, malgré les réticences de ceux qui craignent la fin de l’anonymat ou le favoritisme. Alors…
Une autre personnalité inquiétante figure dans ce gouvernement, Jules Méchandon – il n’est pas besoin de décrypter le pseudonyme – dont la première mesure serait la régularisation de tous les clandestins. Il y a aussi, nous venons de le voir, Rosa Choly dont l’accent rugueux et la double nationalité sont peu conciliables avec la fonction de ministre et de porte-parole du gouvernement. Quant au premier ministre elle–même, Marie Bory, tout le monde aura reconnu la créatrice des trente-cinq heures.
La Reconquista
Comme tout joli conte, le livre se termine sur une note optimiste et romanesque. Après une entrée en résistance, Jocelyn, qui regrette sincèrement sa faute, découvre qu’il y a d’autres citoyens qui n’acceptent pas le nouveau régime et qui, partout en France, se regroupent dans des « villages gaulois ». Ces patriotes refusent de se résigner « à la mort annoncée de leur pays ». Ce sera la Reconquista.
Même s’il ne s’agit que d’un conte sorti de l’imagination de Pierre Cassen et de Christine Tasin, on ne peut pas rester insensible à leur désespoir et à leur crainte qui les ont amenés à lancer cet avertissement angoissant. Devrait-il dessiller les yeux des bobos ?
René Schleiter
01/11/2011
(*) Ils se sont fait connaître auprès du grand public, notamment parisien, en co-organisant l’apéro saucisson-pinard et les Assises sur l’islamisation de nos pays.
Pierre Cassen et Christine Tasin, La Faute du bobo Jocelyn, éditions Riposte Laïque, octobre 2011, 206 pages.