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La diversité du monde expliquée à travers les structures familiales

La diversité du monde expliquée à travers les structures familiales

par | 19 octobre 2024 | Médiathèque, Société

La diversité du monde expliquée à travers les structures familiales

L’anthropologue et démographe Emmanuel Todd s’est associé à l’auteur de bande dessinée « Terreur graphique » pour proposer une vulgarisation ludique de ses travaux dans Il était une fois la famille – Systèmes familiaux et idéologie (Éditions Casterman, 120 pages).

Une variable explicative des idéologies et des comportements sociaux

Analyser le fonctionnement des types familiaux sur un territoire donné est indispensable pour comprendre les différences entre les peuples et les nations. Les rapports entre parents et enfants, entre frères et sœurs, l’échange des conjoints entre les familles forment ainsi des combinaisons qui définissent divers systèmes familiaux, tout en fournissant « une grille de lecture imparable des mécanismes politiques, économiques, philosophiques des sociétés humaines ».

Bien évidemment, d’autres paramètres importants tels que la structuration religieuse, le taux d’alphabétisation, le statut des femmes, la nature des territoires, la démographie ou les conflits, entre autres, expliquent également les évolutions d’une société.

La famille nucléaire

Dans ces familles, « la relation entre les parents et les enfants est fondée sur la liberté », selon un mode « égalitaire » (issu du code Justinien) ou « absolu ». Dans le premier cas, la transmission de l’héritage s’effectue de façon égalitaire entre garçons et filles ; dans le second, elle se fait à la discrétion des parents.

Durant l’ère préindustrielle, cette dernière modalité était caractéristique de l’Angleterre, où les enfants étaient, dans toutes les classes sociales, poussés à quitter rapidement le foyer.

Au XVIIIe siècle, la structure nucléaire égalitaire se retrouvait dans le Bassin parisien, à une époque où, comme dans le reste de l’Europe, 80 % de la population était paysanne.

Cette différence persiste de nos jours : les Anglais se tournent sans complexe vers « l’ultra-libéralisme et la finance en roue libre », tandis que les Français tendent à préférer, du fait d’un modèle « égalitaire » prédominant, « le partage des richesses, la justice sociale, l’entraide et la solidarité ».

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La famille communautaire

Ce type familial, que l’on trouve en Russie, est caractérisé par un mélange d’autorité paternelle brutale et d’égalité entre les frères qui resteront au foyer alors que leurs sœurs partiront.

« Contre toute attente, le statut des femmes est assez élevé et beaucoup plus égalitaire avec les hommes qu’on peut le penser », bien que celles-ci dépendent toujours de l’autorité du chef de famille.

À la fin du XIXe siècle, cette structure a été ébranlée par l’abolition du servage, l’urbanisation du pays, les débuts de l’industrialisation et l’alphabétisation, puis, après 1917, par les conséquences de la révolution bolchevique. « L’État, le parti, le KGB et l’économie centralisée seront des substituts parfaits de famille communautaire » (ce qui ne signifie pas que tous les enfants élevés dans ce type familial deviendront communistes, mais qu’un nombre conséquent – inférieur à 50 % – le sera et suffira à imposer cette idéologie).

Emmanuel Todd observe que « la culture russe, en explosant a, en même temps, produit le communisme (…) et les littérature, musique et peinture les plus dynamiques pour plonger l’Europe occidentale dans la modernité ».

Dans le régime de Vladimir Poutine, « le KGB est devenu le FSB, l’État a maté les oligarques, mais il n’y a plus de parti unique et les Russes ont échangé le Gosplan contre l’économie de marché et la liberté de circulation ».

La famille souche

Dans la famille souche allemande, la transmission se fait au bénéfice d’un unique héritier. Quand il n’y a pas de garçon, c’est l’époux de l’héritière qui devient le chef de famille. Les autres enfants partent à l’âge adulte.

Ce modèle peut fonctionner selon trois modes que l’auteur qualifie ainsi :

1/ « Normal », durant l’ère préindustrielle. Il est régi par des principes d’autorité et d’inégalité ;

2/ « Crise », à l’occasion de la révolution industrielle et de l’urbanisation du pays. La collectivité remplace alors la famille dans une perspective où les nations sont, à l’instar des frères, considérées comme inégales ;

3/ « Hystérique », lors de l’avènement du nazisme. L’inégalité est portée à son paroxysme par une idéologie basée sur une conception biologique des peuples.

Depuis 1945, l’Allemagne est revenue au mode « normal » de la famille souche.

La comparaison de ce pays avec le Japon, où ce type familial existe également, permet cependant « de mesurer à la fois la puissance et la limite de l’explication familiale ». La structure à héritier unique est la même, avec ses valeurs d’autorité et d’inégalité, mais alors que la culture japonaise cherche à éviter le conflit et à gérer avec élégance les rapports d’autorité, son homologue allemande valorise la franchise (ce qui engendre une certaine brutalité dans un système autoritaire et inégalitaire).

Cette différence pourrait s’expliquer par l’insularité du Japon, facteur d’isolement et donc de protection, ainsi que par des conceptions religieuses issues du bouddhisme et de l’animisme.

La défaite de l’Occident : encore un effort, Emmanuel Todd !

***

La diversité des types familiaux ne se réduit pas à ces trois grandes catégories, que l’auteur affine considérablement dans ses travaux, car d’autres structures existent en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est, par exemple.

De même, leur répartition géographique est beaucoup plus complexe. Ainsi, la famille communautaire existe également dans diverses régions des Balkans, du nord de l’Italie et du centre de la France.

Notre pays connaît une particularité qui le rend unique au monde : outre la structure familiale nucléaire égalitaire caractéristique de la moitié nord (sauf en Bretagne) et des côtes méditerranéennes, cinq autres modèles sont observés, notamment la famille souche dans le sud.

Selon Emmanuel Todd, la méconnaissance ou l’ignorance de ces systèmes explique en partie les échecs de la politique étrangère américaine, de même que la faillite inéluctable du projet de l’Union européenne qui vise, par le biais d’une monnaie unique, à « transformer des Français en Allemands » alors que leurs types familiaux sont « à l’opposé l’un de l’autre »…

Johan Hardoy
19/10/2024

Johan Hardoy
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