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La démocratie est confisquée et personne ne dit rien ?

La démocratie est confisquée et personne ne dit rien ?

par | 8 janvier 2018 | Politique

La démocratie est confisquée et personne ne dit rien ?

Par Jean-Michel Vernochet, écrivain, ancien grand reporter au Figaro Magazine ♦ La démocratie n’est certainement plus qu’une coquille vide. Parmi les mutations en cours, nous avons précédemment constaté que le politique tend à s’effacer au profit d’un juridisme contractualiste en pleine expansion. Autrement dit, faisant la part belle aux accords entre personnes (physiques ou morales) et réduisant ipso facto le contrôle de l’État (et ses immixtions autoritaires) sur les transactions privées. En fait, c’est tout l’esprit du droit anglo-saxon moderne qui contamine notre système juridique et, par voie de conséquence, bouleverse nos institutions et l’esprit de nos lois… ainsi que des structures mentales héritées du monde romain et presque inchangées depuis vingt siècles. Comprenons que cette configuration inédite modifie en substance notre rapport au monde et la perception que nous en avons (le filtre idiosyncrasique). Le gouvernement des juges (ceux d’instances arbitrales séparées du domaine régalien) annonce ainsi un changement de nature du pouvoir.


Maintenant, il est d’autres manifestations du dépérissements du politique beaucoup plus immédiatement appréhensibles et préexistant à l’élection fracassante de M. Macron… mais que celle-ci a mises à nu. À commencer par la dislocation des partis traditionnels de gauche et de droite et celle du Front national qui – normalement – ne devrait pas survivre à son effondrement d’entre les deux tours. Maintenant, reste à savoir si les morceaux peuvent être encore recollés et si les partis décomposés sont susceptibles de resurgir de leurs cendres. Ceci pourrait être effectivement envisageable si ces éclatements n’étaient, en réalité, les révélateurs d’un vide préexistant. En témoigne la disparition déjà ancienne des lignes de démarcation entre gauche et droite, confusion des genres qu’ont épinglée des formules comme l’UMPS ou la drauche (*).

Depuis longtemps, les factions politiques dominantes sont paradoxalement minoritaires (La République en marche écrase l’Assemblée de tout son poids avec seulement 14,5% des inscrits !). Le condominium sur les affaires publiques socialistes et républicains n’est, en fait, parvenu à se maintenir pendant un demi-siècle que grâce à de tortueuses politiques d’alliance, de redistribution de la manne des postes et des prébendes, et de découpages électoraux ad hoc. En un mot, la dichotomie droite/gauche non seulement a vécu, mais elle était devenue depuis belle lurette une fiction que seule masquait l’inertie du système. Les arbres vermoulus et creux peuvent rester debout indéfiniment en dépit des bourrasques jusqu’à ce qu’un souffle indu les mette à bas !

Or, il ne s’agit pas d’une simple reconfiguration du paysage politique mais bien d’un phénomène dont il n’est pas certain que les observateurs aient bien mesuré toute la portée. Alors, quelles leçons tirer de la débâcle structurelle des partis ?

La première est que la démocratie n’est certainement plus qu’une coquille vide. On en est à stigmatiser ceux qui (par exemple la Manif pour tous) s’insurgent contre des lois jugées scélérates au motif qu’il serait antirépublicain (illégal) de contester des textes adoptés par les assemblées. Mais qui compose le Parlement ? Les votes y sont-ils à ce point légitimes qu’il devienne interdit de les contester ? Car par quels mécanismes d’exclusion des partis plus ou moins fantoches sont-ils parvenus à un tel degré de monopole législatif ? Peut-on, en effet, prendre au sérieux une représentation du peuple interdisant à un quart de l’électorat toute voix au chapitre ? Cela commence à se voir et certains, d’ailleurs, font mine de s’en émouvoir. Le plus surprenant, dans l’affaire, n’étant pas que la démocratie soit confisquée mais que se soit tissé un tel consensus du silence autour de ce déni de démocratie – une forfaiture avérée. Que les bénéficiaires se taisent, soit, mais les autorités morales, les intellocrates, les juristes ? Personne ne s’indigne et tous cohabitent jusqu’à présent dans le meilleur des mondes politiciens en négation du principe de souveraineté populaire… réduite à n’être plus qu’un savant criblage de toutes les impuretés électorales qui pourraient gripper une machine à produire une forme molle de goulag consensuel. Il était temps que cela s’arrêtât.

Jean-Michel Vernochet
03/01/2018

Note:

(*) Expression que vulgarise Benoît Hamon en décembre 2012 alors qu’il est ministre de l’Economie sociale et solidaire, pour désigner « les politiques dites sociales mais tout à fait libérales ».

Source : Boulevard Voltaire

Correspondance Polémia – 04/01/2018

Crédit photo : D.WAQUET via Wikimédia (cc)

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