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La chanson engagée a décampé

La chanson engagée a décampé

par | 27 septembre 2013 | Société

La chanson engagée a décampé

« Ces chansons s’inscrivent dans une tendance plus large qui révèle qu’au-delà des clivages politiques s’est amorcé un profond revirement de société. »

Encore une bonne nouvelle ! La chanson engagée a changé de camp. La gauche est aphone, la droite a retrouvé de la voix. Fin connaisseur de la chanson française, Thierry Bouzard fait le point pour Polémia.

La musique a toujours constitué un réservoir de soutiens pour la gauche française : la fête de l’Huma est un exemple de cette instrumentalisation des artistes, mais il semble que le ressort soit cassé. Pour fêter l’adoption de la loi Taubira, un grand concert gratuit avait été organisé Place de la Bastille et, malgré le plateau de vedettes, à peine quelques centaines de personnes s’étaient déplacées (1). Depuis quelques mois sont apparues de nouvelles chansons dans le sillage du mouvement d’opposition au mariage homosexuel. Ces chansons ne constituent pas un véritable courant musical, mais elles s’inscrivent dans une tendance plus large qui révèle qu’au-delà des clivages politiques s’est amorcé un profond revirement de société.

La chanson a préparé la « révolution » de Mai-68

La chanson a préparé la « révolution » de Mai-68, puis, à travers les radios « libres », elle a contribué au retour de la gauche en 1981. Les nouvelles modes musicales qui accompagnèrent ces mouvements de contestation étaient issues de multiples courants – dont certains authentiquement traditionnels –, qui furent récupérés par des producteurs et des artistes sachant profiter des occasions commerciales et par des politiques qui opéraient les récupérations idéologiques. Le rôle du rap pour garder le contrôle de la jeunesse des banlieues a été mis en évidence (2).

Les nouvelles compositions issues du courant qui s’oppose au mariage homosexuel procèdent du même processus culturel qui fait de la chanson un moyen d’expression populaire porteur d’un contenu politique. Dans les années soixante, le microsillon permettait cette diffusion du répertoire, en 1980-1981 ce furent les radios de la bande FM qui contournèrent les monopoles étatiques, en 2013, ce sont essentiellement les réseaux sociaux d’internet qui rendent possible leur échange à grande échelle, en s’affranchissant des moyens institutionnels contrôlés par un pouvoir qui fait tout pour les ignorer.

De Montand à l’underground

S’il est délicat de faire la part entre l’inspiration ou l’opportunisme qui motive le chansonnier dans les choix de ses textes, rares sont les professionnels qui versent dans le répertoire exclusivement politique. Le talent de l’artiste est une sorte d’antenne qui lui permet de percevoir la sensibilité de son époque et de la transcrire dans la forme d’expression qu’il utilise. Les évolutions des modes artistiques constitueraient ces

« signaux faibles » qui annonceraient des changements de société. Quand Yves Montand chante la première chanson antimilitariste de l’après-guerre (Quand un soldat) au premier meeting du Mouvement pour la paix en 1952, il joue un rôle de précurseur pour les chanteurs engagés et sa chanson n’a pas la virulence de celle de Boris Vian (Le Déserteur) qui, lui, n’était pas un « chanteur engagé » tout en ayant un réel impact sur un certain public. Conseillé par des cadres du Parti communiste, Montand récidivera en 1955 avec un disque qui sera rapidement interdit d’antenne (3) mais qui exercera une influence aussi considérable que sous-estimée sur le répertoire français puisqu’il s’agit de la première relecture politique de la chanson traditionnelle (4).

Les courants « underground » débutent dans les caves, les arrière-cours. Ils étaient dans les caves de Saint-Germain-des-Prés, sur les scènes folks, les clubs marginaux migrant ensuite sur des bateaux émettant au-delà des eaux territoriales et relayés par les scènes des MJC. Le courant « underground » de 2013 est à la fois un art de rue, lieu où certaines chansons sont interprétées collectivement, et un outil de prosélytisme par internet. On y retrouve un mode de diffusion traditionnel de la chanson et une adaptation aux toutes nouvelles technologies. Les bouleversements des réseaux de production et de distribution des enregistrements musicaux à la suite de la dématérialisation ont ouvert de nouveaux moyens de diffusion.

La chanson, marqueur des groupes en présence

La chanson reflète l’état d’esprit d’une population à une époque donnée. Pour être appréciée et partagée par le plus grand nombre, elle doit gommer les thèmes « clivants ». Ainsi le thème principal du répertoire chansonnier est la chanson sentimentale. La Paloma (5), Lili Marleen (6) ou Comme d’habitude (7) sont des standards mondiaux.

Dans les périodes de crise, les chansons ont toujours servi à la fois d’outil de propagande et de marqueur des groupes en présence ; le chanteur propose un moyen de communication permettant à une communauté d’entretenir ses liens avec d’autant plus d’efficacité que la chanson est connue et reprise. D’ailleurs, vouloir interdire une chanson de protestation est une erreur que les autorités commettent régulièrement. Le compositeur est d’autant plus talentueux qu’il réussit à exprimer ses idées en passant au travers de la censure. Oublié aujourd’hui, le chansonnier Béranger devait sa notoriété à son talent, mais aussi à ses séjours à Sainte-Pélagie (8). En Pologne, le régime communiste avait tenté d’interdire de chanter Zeby Polska (9), une chanson composée en 1976 et devenue l’hymne officieux du syndicat Solidarnosc. Aucun pressage n’était disponible, mais déjà les premiers lecteurs/enregistreurs de cassettes permettaient de contourner la censure en la faisant circuler.

Les nouvelles chansons sur les réseaux sociaux

À la différence de ce que l’on a pu observer en France jusque dans les années 1980 où les chansons politiques subversives étaient financées et diffusées grâce au soutien de courants politiques d’opposition, les chansons actuelles ne bénéficient d’aucun soutien. Les nouvelles technologies rendent possibles les enregistrements à moindres frais, les réseaux sociaux assurant leur diffusion rapide et gratuite en s’affranchissant des médias institutionnels qui se gardent bien de les relayer.

Procédons à un rapide inventaire de ces nouvelles chansons que l’on n’entend pas sur les ondes contrôlées par le pouvoir.

La chanson des veilleurs

L'Espérance - Chant des Veilleurs - Paroles

Tout d’abord voici ce que l’on appelle la Chanson des veilleurs, qui a été publiée pour la première fois sous le titre L’Espérance dans le recueil de chants Hodari (10) des Scouts d’Europe sans en préciser le nom de l’auteur :

1. Le front penché sur la terre
J’allais seul et soucieux
Quand retentit la voix claire
D’un petit oiseau joyeux
Il disait : Reprends courage,
L’espérance est un trésor,
Même le plus noir nuage
A toujours sa frange d’or.

2. Lorsque le soir se fait sombre
J’entends le petit oiseau
Gazouiller là-haut dans l’ombre
Sur la branche au bord de l’eau.
Il disait : Reprends courage,
L’espérance est un trésor,
Même le plus noir nuage
A toujours sa frange d’or.

3. Mais il partit vers le Père
Et jamais ne le revis,
Je me penchai sur la terre
Et la contemplai, ravi,
Car il n’est que l’espérance
Pour animer notre cœur
Qui, de nos plus noires souffrances
Sait toujours être vainqueur.

Cette chanson est d’inspiration chrétienne : l’espérance est une des trois vertus théologales, avec la foi et la charité, même si les paroles n’ont pas un objectif apologétique. La chanson va être

reprise systématiquement pour dépasser le cadre des simples veilleurs et être chantée par tous ceux qui se sentent concernés par le mouvement. Popularisée par les « veilleurs », ceux qui ont lancé une forme de protestation pacifique en restant assis et silencieux face aux forces de l’ordre, elle est bien connue des pèlerins qui vont ou partent de Chartres tous les ans à la Pentecôte depuis plus de trente ans ; elle illustre l’esprit qui anime à la fois les pèlerins et les manifestants. Fait de foi, de détermination, de sens de l’effort et de capacité à surmonter l’adversité dans toutes les circonstances, cet esprit a conduit les plus motivés des manifestants à adapter de nouvelles formes de protestation (camping, apéritif, Hommen, Antigones, veilleurs, sentinelles…) autour des énormes manifestations sans résultat politique tangible, pour continuer la lutte et en arriver à gêner les membres du gouvernement dans leurs déplacements et leur doctrine d’emploi des forces de l’ordre.

« On lâche rien »

La reprise d’airs connus, aussi appelés timbres, est une technique classique des chansonniers et des propagandistes depuis les missionnaires, les cantiques des guerres de religion, les chansons de la Révolution ou tout simplement celles des chanteurs du Pont-Neuf. Ici, l’air est emprunté à celui de la chanson popularisée par Édith Piaf : Je ne regrette rien et qui avait été reprise par les officiers légionnaires emprisonnés au fort de Nogent en 1961 pour leur participation au putsch. Les paroles sont un programme car elles exposent les revendications des manifestants :

Non, rien de rien, non on ne lâchera rien
Et d’un père et d’une mère, un enfant doit en naître sur terre
Non, rien de rien, non on ne lâchera rien
Tu es là, je suis là et la loi jamais ne passera.

1. De toutes nos régions à Paris nous venons
Et nous y resterons afin d’être écoutés
L’homme et la femme font toute l’humanité et toute filiation,
C’est pas près de changer

2. C’est d’un père et d’une mère qu’un enfant a besoin
Depuis des millénaires vous ne changerez rien,
Balayés les discours PMA, GPA, un enfant pour toujours
Ne se fabrique pas.

On lâche rien, une chanson apparue « en exclusivité » le 4 mai 2013 sur le Salon beige, un blog d’actualité politique catholique qui a connu un formidable développement de sa fréquentation ces derniers mois. En mettant le titre en ligne, il précisait que l’auteur des paroles et de la musique est Bruno Lamy, ancien chanteur de Sclérose. Il ajoutait « la chanson des manifs de ce week-end dans les régions pour appeler à la grande manifestation nationale du 26 mai à Paris ». Ici, ce n’est plus un air connu mais une création, montrant l’investissement du compositeur qui croît dans un mouvement suffisamment important pour qu’il puisse créer une nouvelle mélodie. Pas d’enregistrement commercialisé, uniquement une mise en ligne sur le site de partage de vidéos YouTube, ainsi la chanson peut atteindre tous les publics.

1. Des fous ont pris ta route, et le contrôle de toi.
Et moi, le ciel m’a donné toute sa liberté
Je n’ai plus peur des hommes ni même de leur loi
Et je sais que demain un grand ciel bleu se lèvera.

Refrain
Y’ aura tellement de gens partout et tellement de lumières
Y’aura tellement de fous – Tu respireras tellement d’air…

[…] Le 26 mai à Paris, viens manifester, On lâche rien
Allons enfants, il est temps de vous réveiller, On lâche rien
Le droit d’un enfant est une priorité, On lâche rien
Une vraie famille pour un amour équilibré,
On lâche rien
On lâche rien. […]

« Pelot de zonzon »

Parmi les chansons qui ont réagi à l’emprisonnement du jeune Nicolas, nous avons retenu une adaptation d’une ancienne chanson qui pourrait remonter au-delà des guerres révolutionnaires (Pelot d’Hennebon), même si la mélodie est une création plus récente (11). Un animateur du Printemps français en distribuait des copies devant le commissariat où étaient retenus d’autres manifestants quelques jours plus tard. Les paroles de Pelot de zonzon illustrent avec ironie une origine idéologique revendiquée puisque cette chanson appartient aux mouvements scouts, au répertoire des soldats et aux milieux contre-révolutionnaires. Même si elle a été popularisée par le groupe Tri Yann (des artistes pas vraiment à droite) dès 1974, l’enregistrement qui a contribué à la réintroduire dans le répertoire des nationaux est celui du Chœur Montjoie en 1992 (12). En conservant le style patoisant qui fait son charme, la chanson expose les convictions simples de celui qui s’adresse à sa mère pour lui expliquer sa situation en même temps qu’il montre sa détermination. Les acronymes sont là pour illustrer la réalité de l’expérience ainsi que son détachement à l’égard des forces de l’ordre et de la justice puisqu’il veut faire de son incarcération un exemple pour ceux qui le soutiennent. S’il n’existe pas d’enregistrement disponible, la mélodie est suffisamment connue pour que les paroles soient reprises, comme nous avons pu le constater à plusieurs reprises. Les paroles sont signées d’Ajax, et comme la plupart de celles diffusées par le Printemps français, elles sont écrites par l’un de ses actifs animateurs.

D’autres chansons ont repris le thème particulièrement mobilisateur de l’emprisonnement de Nicolas : Prisonnier politique, Mon petit ami Nicolas et Dans les prisons d’Fleury (13) :

1. Ma chère Maman je vous écris
Que nous serons bientôt sortis
Que nous avons déjà signé
Et serons bientôt libérés.

2. Avant la GAV je combattions
Les ennemis de la nation
Et nous chantions à l’Élysée
Et nous sommes fait interpeller.

3. Quand l’OPJ m’a z’appelé
C’est sans quartier qu’i m’a nommé
C’est sans quartier c’est point mon nom
Moi j’lui dirai jamais mon nom.

4. Y m’a donné un bout d’papier
Et une espèce d’encrier
J’a mis la main sur l’encrier
Appuyé fort sur l’bout papier.

5. Faut qu’ce soit qq chose d’important
Pour qu’ils me gardent aussi longtemps
Mais ils vont pas m’intimider
Et l’on finira par gagner.

6. Dites à mon père, à l’avocat,
À mes amis que je vais bien
Et que j’emmerde le procureur
Qu’j’embrasse la France de tout mon cœur.

7. Dites aux veilleurs que les campeurs
Par leur courage sont les meilleurs
Et qu’il faut vraiment résister
Désobéir pour triompher.

« Moi j’paie plus mes impôts »

MOI J'PAIE PLUS MES IMPOTS

Nous avons passé en revue quelques chansons militantes axées sur l’opposition au mariage homosexuel, mais le vote de la loi, comme le refus de prendre en compte la mobilisation considérable de la population, a fait déborder la thématique des revendications. La chanson a suivi le mouvement et l’on trouve un sujet propre à mobiliser encore plus largement les administrés avec Moi j’paie plus mes impôts signée du groupe The Exploiters, comme pour en rajouter une couche. Au premier couplet, un portrait de la classe politique issue des « mêmes bancs » ; au deuxième, la description du détournement des élections ; et, dans le dernier, la collusion des journalistes pour conclure sur « ça m’rappelle vaguement une dictature/Le marteau, la faucille et le mur ». Au-delà de l’emphase confortant l’analyse voulant qu’ « on ne fait pas la révolution avec des gens bien élevés » (14), l’énergie déployée par les forces de l’ordre pour contrer les manifestations est le signe de la détermination comme du désarroi du pouvoir.

Refrain
Moi j’paie plus mes impôts
Tant que l’État les jette à l’eau
Tant qu’on nous tient comme des otages
Tant que la dictature fait rage.
Moi j’paie plus mes impôts
Tant que l’État les jette à l’eau
Tant qu’on nous dit comment penser
Tant qu’on nous coupe nos libertés.

1. Hypocrite c’est la famille de nos dirigeants
Car à l’école ils étaient assis sur les mêmes bancs
À la récré ils ont pris la France pour décider
Une fois c’est toi une fois c’est moi et entre-temps on va s’payer
Pour la vie, on se donnera des avantages en nature
Pourquoi pas un salaire, un chauffeur et une voiture
Prions qu’ils restent jeunes et naïfs pour que ça dure
Il ne faut pas qu’ils se réveillent et cassent le Mur.

2. Pour le vote, ce sera toi ou moi et rien d’autre
À 100 % légitime on peut commettre toutes les fautes
On créera tout de même une possible abstention
Sans la compter, bien sûr, ce ne sera qu’un truc bidon.
Pour les petits élus, on maîtrisera l’investiture
Les obligeant pour toujours à donner leur signature.
Et maintenant il va falloir faire pour que ça dure
Il ne faut pas qu’ils se réveillent et cassent le Mur.

3. Les journalistes et les médias ils n’auront qu’à faire semblant
À leurs têtes on collera ta maîtresse ou ton amant.
Si certains pensent, se cultivent et se mettent à dériver
Ils seront idiots exclus et bannis pour l’éternité.
Les cours de morale civique, de politique et d’éthique
Pour implanter et renforcer la pensée unique,
C’est bizarre ça m’rappelle vaguement une dictature
Le marteau, la faucille et le Mur.

Des influences musicales transversales

Contrairement aux Inconnus, avec Rap Tout, qui exploitaient le même thème dans le style comique, ici les paroles n’évoquent plus le mariage homosexuel, mais dénoncent un système politique sur une mélodie contemporaine, sans saveur ni odeur, bien éloignée de la chanson militante des générations précédentes. C’est d’ailleurs un des traits de ce répertoire, à côté des chansons carrément militantes – on en retrouve une (La Rue est en colère) sur l’air militaire germanique de La Rue appartient –, les autres se sont adaptées au style contemporain où, pour séduire, l’homme ne doit plus être séducteur, mais fragile. Cette apparente contradiction avec les thèmes réactionnaires revendiqués ne semble pas gêner les chansonniers comme les auditeurs, bien au contraire. Il faut probablement y voir une autre forme de dérision, un art justement peu prisé de nos politiques, envers les contradictions de notre époque.

J'ai demandé à Hollande - Les enfoirés du Printemps Français

On retrouve ce style dans J’ai demandé à Hollande, interprété par « Les enfoirés du Printemps français » sur l’air de J’ai demandé à la lune du groupe Indochine et Prisonnier politique des Hurluberlus (!).

Hurluberlus - Prisonnier Politique

On peut aussi y voir l’influence du courant rock chrétien qui pourtant a été plutôt absent de la mobilisation. Dans un autre genre, le thème du prisonnier politique a inspiré aussi le chanteur/compositeur de rap traditionaliste Goldofaf.

GOLDOFAF - Hommage aux Prisonniers

Ces influences musicales transversales montrent qu’il ne faut pas enfermer les chansons dans des répertoires cloisonnés. La chanson est une tradition orale même si l’enregistrement a tendance à nous le faire oublier. Dans les influences antérieures de ces répertoires, il faudrait aussi regarder du côté des grands noms de la chanson française. Malgré le conformisme des médias, certains n’hésitent pas à laisser apparaître leurs inclinations, même si leurs titres ont pu passer relativement inaperçus lors de leur sortie. Didier Barbelivien a ainsi commercialisé en 1992 un album qui a remporté un certain succès auprès des jeunes filles « tradis », Vendée 93. Comme le nom l’indique, il faisait revivre les combats des Vendéens dans un style qui privilégie le sentimental au guerrier. La chanson Les Mariés de Vendée http://youtu.be/U2EwTY3Kd7w est un de ses plus grands succès. Plus récemment en 2011, Alain Souchon, qui n’est pas non plus classé dans les chanteurs engagés, avait enregistré un album pour enfants, À cause d’elles, – mais pas seulement –, où l’on trouvait une chanson de Théodore Botrel bien connu pour son engagement catholique et royaliste, et une autre, La Petite Hirondelle … « qui nous a volé trois petits sacs de blé ». Au couplet suivant, Souchon substitue, à l’hirondelle des enfants, le ministre qui recevra la même correction de « coups de bâton ». Sous des dehors anodins transparaît une timide contestation politique.

Rock militaire, pastiches, rock identitaire, une sortie de la confidentialité

Il ne faudrait pas croire que la chape de plomb médiatique empêche d’autres formes d’expression. Il est un fait que cette forme de totalitarisme neutralise des talents, il suffit d’observer la vitalité de la scène alternative italienne pour s’en convaincre. Mais il existe des répertoires et des publics improbables qui sortent, en partie, de la confidentialité, grâce à internet. L’exemple des groupes de rock militaires qui enregistrent plus ou moins régulièrement depuis une vingtaine d’années des créations sur les thèmes de leur formation pour les élèves officiers, des pastiches ou des reprises illustrent ces influences très éclectiques. Au milieu des indispensables chants militaires, on y croise des musiques de film, des cantiques grégoriens, Anaïs, Les Inconnus, Gloria Gaynor, Henri Salvador, les Pixies, Quilapayun, Jacques Brel, Tri Yann, Jean-Pax Méfret, Jean-Jacques Goldmann, Era, Gilles Servat, In Memoriam, Soldat Louis, Michel Tonnerre, Alan Stivell… un répertoire des plus diversifiés, mais traversé par des convictions, à commencer par l’amour de la France : incontestablement réactionnaire, les médias ne peuvent pas apprécier, donc vous n’avez jamais entendu parler de ces groupes (Dol’s Men, Cœur de Cyrat, Incyrious Bastards ou les Kilt Brothers…).

Le « Blues du policeman »

Ces emprunts multiples montrent que les répertoires sont loin d’être étanches et qu’une chanson comme le Blues du policeman, qui n’est jamais passée sur les ondes et n’a jamais été commercialisée, est pourtant bien connue dans les commissariats de la République. Elle illustre aussi l’importante mouvance du rock identitaire français, dont les formations musicales sont périodiquement dénoncées dans les médias pour maintenir leur interdiction de se produire sur une scène française, des fois qu’un public apprécie ! La technologie n’a pas amoindri la puissance d’expression collective de la chanson, bien au contraire : en offrant les moyens de s’affranchir d’intermédiaires aussi pointilleux dans leur censure qu’ils sont avides à monnayer leurs services, elle permet à ceux qui savent s’en servir de toucher les plus larges publics.

 Thierry Bouzard
Patron d’émission sur Radio Courtoisie
25/09/2013

Notes

1. rtl.fr (lien mort)
2. Cardet, Matthias, L’Effroyable Imposture du rap, éd. Blanche, 2013.
3. Chansons populaires de France, 30 cm, Odéon, OSX 110, 1955.
4. Voir : Thierry Bouzard, La Chanson de soldat, outil du combattant et enjeu idéologique (1948-2013)
5. Composée en 1863 à Cuba par l’Espagnol Sebastian Iradier. Certains la créditent de plus de 2000 enregistrements.
6. Paroles de Hans Leip, musique de Norbert Schulze. La chanson aurait été traduite en 48 langues.
7. Composée par Jacques Revaux en 1967 et reprise en anglais sous le titre My Way.
8. Prison aujourd’hui disparue qui était située dans le 5e arrondissement de Paris.
9. Paroles de Jan Pietrzak sur une musique du grand compositeur de chansons populaires Wlodzimierz Korcz. Sous la loi martiale, son interprétation en public fut interdite.
10. Hodari, Carrick éditions, 1993, p. 130.
11. La mélodie actuellement chantée a été composée par Simone Morand en 1930 (Anthologie de la chanson de Haute-Bretagne, Maisonneuve et Larose, 1976).
12. Chants d’Europe IV, 30 cm, SERP, 1992.
13. lerougeetlenoir.org (lien mort)
14. Expression d’Alain de Benoist

Thierry Bouzard
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