Par Pierre Boisguilbert ♦ Un an après son investiture, Joe Biden est à la dérive. Même la presse bien-pensante le lâche. Le sauveur de la démocratie est pour le moment un naufrageur du parti démocrate et Trump revient. Rien ne va. Tout le monde le critique, même la presse qui l’a fait élire par haine de Trump. Les médias ont joué gros, ils ont gagné, mais ils sont en train de subir un terrible choc en retour. L’élection de novembre 2020 a eu des effets dévastateurs sur le regard porté par une partie importante des Américains sur le système médiatique dominant leurs institutions, leurs élus, et sur l’état dans lequel leur pays se trouve sous la présidence de Joe Biden. Malgré le matraquage médiatique, 75 % des électeurs républicains continuent à affirmer que le vote a été truqué.
Au cours d’une conférence de presse de près de deux heures, un Joe Biden fébrile et en pleine zone de turbulences a défendu le bilan de sa première année à la Maison-Blanche. Mais sa mise au point a été éclipsée par la crise ukrainienne, alors qu’il a semblé fataliste sur une probable « incursion mineure » de la Russie. Le voilà considéré comme une sorte de Munichois face à de nouveaux Sudètes. Il a dû s’expliquer pour rassurer, mais il n’a pas été très convaincant. Il ne l’est sur aucun sujet.
Et, quelques heures plus tard, les démocrates ont échoué au Sénat à faire adopter la réforme électorale défendue par le président américain, Un revers emblématique de ces douze derniers mois que l’électorat noir et hispanique, qui craint de voir son vote minoré par des critères plus stricts dans certains États, ne lui pardonnera pas. Cela pèse déjà sur les dix prochains mois, avant des midterms de novembre qui s’annoncent périlleuses pour les démocrates. Un an après, Joe Biden est désormais comparé à Jimmy Carter, idéaliste mais maladroit, calamiteux en politique étrangère et inefficace en politique intérieure, humilié par la prise d’otages de Téhéran et victime du choc pétrolier. Il avait été battu après un unique mandat par Ronald Reagan.
L’histoire, certes, ne se répète pas mais parfois elle bafouille. Trump, plus monstre d’énergie que jamais par rapport au falot Biden, a même estimé que la comparaison était injuste pour Carter. « Carter ne faisait que mal gérer crise après crise, Biden lui, provoque crise après crise », s’est moqué l’ancien président. Biden accumule les échecs même sur le plan sanitaire. Lors de sa cérémonie d’investiture, le 20 janvier 2021, Joe Biden avait fait observer une minute de silence à la mémoire des victimes du Covid-19. Ils étaient 424 000 ce jour-là, selon le décompte des centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC). Un an plus tard, une seconde prière serait opportune : le nombre de morts a doublé – les 850 000 décès ont été dépassés –, tandis que le nombre d’Américains touchés par le virus est passé de 24,5 millions à 65,2 millions. Avec 257 morts pour 100 000 habitants, contre 191 en France, le bilan des États-Unis est très médiocre. Seuls 49 % des Américains jugent que leur président gère bien la crise sanitaire, contre 67 % en mars, selon une enquête pour YouGov. « Je ne vais pas abandonner et accepter les choses telles qu’elles sont maintenant. Certains appellent ce qui se passe la “nouvelle normalité”. J’appelle cela un travail non achevé », a lancé Joe Biden. Échec aussi pour son plan de réformes sociales et environnementales. Sur le plan politique, incapable de contenir les extrémistes de son parti, il est en train de perdre l’aile modérée alors que Trump caracole à nouveau. « Pouviez-vous imaginer un jour qu’un homme plus en fonction puisse intimider un parti entier ? », s’est interrogé Joe Biden.
C’est sûr que Biden n’intimide pas, il désespère plutôt. Son expression publique est jugée à la dérive. À Atlanta, il a prononcé un discours apocalyptique, dans lequel il a appelé à une urgente réforme du système électoral, qui a été repoussée. « Dans nos vies et dans la vie de notre nation existent des moments si importants qu’ils séparent tout ce qui a précédé d’avec tout ce qui a suivi », a prévenu Joe Biden. « Ils arrêtent le temps. Ils distinguent le trivial de l’essentiel, et nous obligent à affronter de dures vérités sur nous-mêmes, sur nos institutions et sur notre démocratie. » Surréaliste et crépusculaire.
Les médias sont en train d’affronter la dure vérité sur le candidat qu’ils ont fait élire. Et plus dure sera la chute !
Pierre Boisguilbert
23/01/2022