Par Paul Tormenen, juriste et spécialiste des questions migratoires ♦ Le 10 mars, deux parlementaires ont rendu public un rapport sur la délinquance des mineurs non accompagnés en France. À l’issue de sept mois d’investigation, François Eliaou (LREM) et Antoine Savignat (LR) font le constat que les faits de délinquance commis par des mineurs non accompagnés se multiplient et s’aggravent. Ils formulent également des propositions pour contenir ce phénomène et améliorer la prise en charge des MNA délinquants. Mais celles-ci font malheureusement l’impasse sur la seule mesure véritablement à même d’éradiquer ce problème qui gangrène de nombreuses villes françaises : la remigration.
Les « mineurs » étrangers délinquants : les alertes n’ont pas manqué
L’augmentation des faits de délinquance commis par des jeunes étrangers transparaît dans de nombreux articles de la presse quotidienne régionale. C’est très souvent comme un phénomène isolé que ceux-ci sont décrits dans les médias de grand chemin (1). En septembre 2020, nous soulignions que les statistiques sur la progression de la délinquance des mineurs étrangers étaient données au compte-gouttes par les autorités (2). Les moyens à la disposition des membres de la commission parlementaire qui vient de rendre son rapport permettent d’avancer dans la compréhension des « problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés » (3).
« Des faits de délinquance variés qui tendent à se multiplier et s’aggraver »
Partant du constat empirique de « la multiplication et [de] l’aggravation des faits de délinquance commis par certains mineurs non accompagnés », les deux députés ont mené pendant plusieurs mois des investigations et des auditions afin de faire un diagnostic sur ce phénomène et de présenter des préconisations au gouvernement et au Parlement. Le rapport rendu public le 10 mars 2021 est le fruit de leur travail.
Si les rapporteurs soulignent l’absence de statistiques fiables pour apprécier l’ampleur de cette délinquance sur le territoire national, la compilation des nombreuses données auxquelles ils ont eu accès donne un aperçu de la nature et de l’ampleur du phénomène.
La définition des MNA : un mineur est considéré MNA quand il n’a pas de responsable légal sur le territoire ou n’est pas pris en charge par une personne majeure (Code de l’action sociale).
Le nombre de MNA délinquants : il était estimé en 2020 entre 2 000 et 3 000 par la direction de la Protection judiciaire de la jeunesse.
Commentaire – L’estimation de la PJJ apparaît particulièrement basse, compte tenu notamment du nombre de mises en cause de MNA d’origine nord-africaine recensées par la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne : 7 988 pour la seule année 2020 (4). Si, bien évidemment, nombre de ces jeunes délinquants multiplient les délits et peuvent être mis en cause à plusieurs reprises durant la même année, le nombre de ces faits de délinquance pour la région parisienne est un indice de la sous-estimation de la PJJ.
La nationalité des MNA délinquants : les mineurs – ou les jeunes majeurs – sont très majoritairement originaires du Maghreb, en particulier d’Algérie et du Maroc. Leur identification est rendue difficile car « les MNA interpellés par la justice et déférés ne disposent pas toujours de documents d’identité incontestables et ont souvent recours à divers alias, qu’ils modifient à chaque nouvelle interpellation ».
L’âge des jeunes délinquants : des magistrats du parquet de Paris soulignent que de nombreux « jeunes » se font passer pour mineurs afin de bénéficier d’une réponse pénale plus clémente. Une expérimentation a permis de constater que « pour 154 jeunes formellement identifiés, 141 étaient majeurs, soit 91,6 % d’entre eux ».
Commentaire – Ces constats sont corroborés par une expérimentation menée par la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne à partir de la prise des empreintes digitales de jeunes délinquants et de la consultation des fichiers d’état civil algériens, marocains et tunisiens. Elle aboutit à un taux de 96 % de jeunes ayant indiqué à tort être mineurs (5).
Les villes où ils commettent leurs méfaits : « … principalement les grandes villes comme Paris et la couronne parisienne, Bordeaux, Rennes, Montpellier, Nantes, Toulouse, etc. ».
Les faits de délinquance des MNA : essentiellement « des vols sur la voie publique et les transports en commun, des vols par effraction et des vols avec violences ».
Le mode opératoire : la Direction centrale de la sécurité publique a observé que les MNA qui commettent des vols avec violence sont « particulièrement belliqueux [et] recourent aisément à la violence lors de leurs méfaits, sans aucune considération de la faiblesse des victimes. Des personnes âgées ont notamment été attaquées sous la menace d’une hache. Ils sont souvent porteurs d’armes blanches, voire d’armes de poing ».
Les victimes : à Paris, depuis le début de la crise sanitaire, les Parisiens ont remplacé les touristes.
Les indicateurs qui rendent compte de la progression de la délinquance des MNA
Les rapporteurs de la mission d’information soulignent l’absence de statistiques nationales sur la délinquance des MNA. Des auditions et le recueil d’informations glanées ponctuellement permettent toutefois de dresser une tendance : les faits de délinquance des MNA augmentent fortement depuis quelques années.
À Paris
Le nombre de MNA déférés au parquet de Paris est passé de 1 557 en 2015 à 2 958 en 2019, soit une progression de + 87 %. Dans le périmètre de la préfecture de police de Paris, le nombre de MNA mis en cause n’a jamais été aussi important qu’en 2020 en nombre (5 046) et en proportion (11 % du total des mis en cause). Leurs actes délictueux seraient de plus en plus souvent commis avec violence.
En province
À défaut de données statistiques nationales, les rapporteurs ont obtenu ponctuellement des informations de responsables départementaux de la sécurité publique.
Dans le département de la Gironde, « 23 % des mis en cause mineurs étaient MNA en 2018, contre plus de 40 % en 2020 ».
« Dans les Alpes-Maritimes, entre 2015 et 2020, le nombre de délinquants mineurs est resté stable, celui des délinquants étrangers a augmenté de 3,5 % et celui des délinquants mineurs étrangers de 6,3 % ».
Le rapport contient un certain nombre de constats et de propositions visant à répondre, selon les rapporteurs, à ce problème de sécurité publique qui devient « majeur ».
La difficile évaluation de l’âge des jeunes étrangers
- Faute de présentation de documents d’état civil ou de documents fiables, les départements doivent déployer aux frais du contribuable d’importants moyens pour évaluer l’âge des jeunes extra-Européens. Les rapporteurs soulignent que la procédure d’évaluation de la minorité repose sur un « faisceau d’indices » constitué par l’évaluation sociale, les informations données par le préfet et des examens radiologiques osseux qui peuvent être refusés par le jeune (!) sans que cela lui porte préjudice.
- Le fichier national d’appui à l’évaluation de la minorité a de nombreux trous dans la raquette : seuls 77 conseils départementaux auraient donné leur accord pour « [répertorier] toutes les personnes étrangères ayant fait l’objet d’une demande de prise en charge auprès d’un département ».
- La charge de la preuve de l’âge du jeune revient à l’administration. Une inversion de cette charge, qui aboutirait à présumer majeur un jeune qui ne peut pas justifier de sa minorité, encourrait selon les rapporteurs une « censure du Conseil constitutionnel ». Un nouvel exemple du droit au service de l’immigration, délinquante qui plus est !
- Les MNA délinquants refusent fréquemment de se faire prendre leurs empreintes digitales. Ce refus est une infraction qui serait peu sanctionnée par les juges des libertés et de la détention.
Les obstacles à une identification rapide de l’âge et de l’état civil des jeunes délinquants et à un traitement judiciaire adapté (justice des mineurs ou justice de droit commun) sont donc nombreux. Cela illustre une nouvelle fois le fait que le droit est excessivement favorable aux délinquants et peu protecteur pour les victimes qui se trouvent fréquemment exposées à des récidivistes. Vous avez dit anarcho-tyrannie ?
Des propositions totalement insuffisantes
Plus largement, le rapport d’information pointe du doigt de nombreuses autres carences des pouvoirs publics face à ce phénomène, qui aboutissent souvent à ce que des jeunes s’évanouissent dans la nature pour renouveler ad nauseam leurs méfaits.
Les rapporteurs formulent 18 propositions visant à mieux combattre la délinquance des mineurs non accompagnés. Elles sont de trois ordres :
- administratif : un meilleur suivi statistique des faits de délinquance commis sur le territoire national et une évaluation rapide de l’âge des jeunes sont notamment préconisés ;
- social : les rapporteurs souhaitent une prise en charge sociale prenant mieux en compte les spécificités des MNA délinquants (logement, accompagnement, etc.) ;
- pénal : les rapporteurs préconisent une réponse pénale plus adaptée (démantèlement des réseaux de traite des êtres humains, prise en charge en assistance éducative dès la première infraction, accompagnement des délinquants incarcérés, etc.).
L’abrogation en septembre 2021 de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante est considérée comme positive par les rapporteurs, car elle devrait permettre d’accélérer les procédures judiciaires.
Si ce rapport permet de mieux appréhender le phénomène des MNA délinquants, il est important de souligner qu’il ne dévie pas d’une orientation idéologique qui mène notre pays dans le mur.
- À aucun moment les rapporteurs n’évoquent la possibilité de remise en cause de la dispense de titre de séjour dont bénéficient les jeunes étrangers en France.
- À aucun moment ils ne préconisent de remettre en cause l’aide sociale à l’enfance dans sa forme actuelle, qui sert pourtant de nouvelle voie d’immigration clandestine à un coût faramineux.
- À aucun moment ils ne préconisent que la France fasse pression pour refuser l’accueil des bateaux des ONG et des passeurs sur les côtes européennes. Cela permettrait pourtant de tarir le flux des clandestins qui comptent parmi eux des délinquants, dont les pays d’origine sont bien contents de se débarrasser. Bien au contraire, le gouvernement français est l’un des premiers à se porter volontaire pour accueillir des migrants dans le cadre des relocalisations.
- À aucun moment n’est envisagée la dénonciation de la ratification par la France de la Convention internationale des droits de l’enfant et la modification de la Constitution. Les rapporteurs ont une préoccupation majeure : « L’accueil de ces mineurs sur le territoire français est un devoir humanitaire auquel vos rapporteurs sont particulièrement attachés. »
Une seule solution : la remigration
Les députés évoquent la nécessité de renforcer la coopération avec les pays d’origine des MNA délinquants et mentionnent furtivement la possibilité d’organiser leur retour « si l’intérêt supérieur de l’enfant le justifie », comme le droit actuel le prévoit. Mais l’on apprend aussitôt qu’« aucun mineur n’a toutefois bénéficié de cette procédure en 2019 ». Les Français, quant à eux, n’ont en revanche pas « bénéficié » d’une baisse de la délinquance, bien au contraire.
La seule solution rapide et efficace pour venir à bout de ce problème est d’organiser la remigration des MNA délinquants. Elle peut être réalisée :
- à droit constant. Certains pays européens, comme l’Allemagne et l’Espagne, organisent le retour de MNA délinquants et financent parfois leur prise en charge dans des centres d’hébergement dans leurs pays d’origine, afin que ce retour remplisse la condition d’être organisé dans l’« intérêt supérieur » du jeune (6). Un accord a été conclu en décembre 2020 entre la France et le Maroc visant à faciliter le retour des mineurs issus de ce pays (7). D’autres pays, comme le Royaume-Uni et les Pays-Bas, organisent le retour des jeunes étrangers à leur majorité.
- en changeant le droit. La dénonciation de la ratification de la Convention internationale des droits de l’enfant et la modification de la Constitution permettraient de rendre possible l’organisation du retour des jeunes extra-Européens délinquants, et plus largement des MNA, dans leurs pays. Resterait à obtenir l’accord des pays d’origine. La Commission européenne, dans un rare accès de lucidité, vient d’annoncer son projet de conditionner la délivrance de visas à la coopération des pays tiers en matière de réadmission de leurs ressortissants (8).
Dans leur rapport qui vient d’être rendu public, les deux députés ont tout simplement oublié de prendre les choses à l’endroit : ce problème, des bandes de jeunes délinquants étrangers qui commettent leurs méfaits dans des villes françaises, est imputable à des ressortissants de pays étrangers qui n’ont rien à faire en France et dont nous n’avons pas à supporter le coût exorbitant. Leur place est dans leur pays. La France n’a pas vocation à devenir la maison de correction du Maghreb.
Paul Tormenen
23/03/2021
(1) « Délinquance des mineurs étrangers : un phénomène isolé pour les médias de grand chemin ». Observatoire du journalisme. 2 mars 2020.
(2) « Délinquance des mineurs étrangers en hausse : la faiblesse du gouvernement ». Polémia. 8 septembre 2020.
(3) Rapport d’information sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés. Assemblée nationale. 10 mars 2021.
(4) « Délinquance des mineurs isolés : le casse-tête de l’État ». Le Figaro. 15 mars 2021.
(5) Cf. (4).
(6) « En Europe, les mineurs non accompagnés ne sont pas protégés ». AEDH. 20 juin 2017.
« Accord franco-marocain sur les mineurs : “Un enfant ne devrait jamais être éloigné de force !” ». InfoMigrants. 15 janvier 2021.
(7) Cf. (6).
(8) « Réunion de l’UE ce lundi sur le retour des migrants n’ayant pas obtenu de droit d’asile ». RFI. 15 mars 2021.