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Jeanne d’Arc métissée : la droite divisée ?

Jeanne d’Arc métissée : la droite divisée ?

par | 24 août 2018 | Société

Jeanne d’Arc métissée : la droite divisée ?

Par Nicolas Faure, entrepreneur ♦ Article initialement paru le 24 février dernier. Jeanne d’Arc est morte, brûlée vive pour hérésie, en 1431. Rapidement réhabilitée par l’Eglise, elle est devenue l’une des saintes patronnes de la France il y a moins d’un siècle. Depuis, elle est régulièrement courtisée par la droite française qui voit en elle un symbole de la lutte nationale et même de l’expulsion des étrangers. Depuis quelques jours, une nouvelle polémique enfle au sein du royaume de France. En cause ? Une jeune métisse afro-européenne incarnera Jeanne d’Arc lors des prochaines fêtes johanniques d’Orléans. Et c’est cette fameuse droite qui s’est toujours sentie fille de Jeanne d’Arc qui semble se diviser.


Les faits

Le 19 février dernier, le nom de la jeune fille qui incarnera Jeanne d’Arc lors de l’édition 2018 des traditionnelles fêtes johanniques était dévoilé. Mathilde Edey Gamassou, 17 ans, est cheftaine au sein des Scouts d’Europe, réputés plus « tradi » que les SUF. C’est également une fille « brillante et pieuse » selon un membre du jury. Elle pratique l’escrime, le chant lyrique et est engagée au sein de l’association « Sainte Jeanne hier, aujourd’hui et demain ».

Elle remplit par ailleurs toutes les conditions requises pour incarner Jeanne d’Arc durant ces fêtes johanniques.

Mais un élément, essentiel pour certains, dérisoires pour d’autres, a créé la polémique. Mathilde est métisse. Son père est Béninois.

La polémique est donc née de cet élément. Certains internautes de droite ont semblent-ils moqué ce choix. C’est en tout cas ce que déclarent certains médias qui ont immédiatement dénoncé des actes de racisme. A partir de ce moment où les médias ont relayé l’affaire, à peu près toutes les composantes de la droite ont donné leur avis sur cette affaire.

Individualisation et généralisation

Les réactions à cette nouvelle ont donc été nombreuses. Grossièrement, on pourrait classer ces commentaires en deux catégories : ceux se focalisant sur la personnalité – exemplaire – de Mathilde Edey Gamassou et ceux préférant voir avant tout l’impact général de cette polémique.

Ainsi, on a pu noter des positions de soutien à la jeune habitante d’Orléans, même chez des personnalités très engagées dans la lutte contre l’immigration.
Et, inversement, des personnes mesurées n’ont pas hésité à attaquer violemment cette désignation d’une jeune métisse pour incarner Jeanne d’Arc.

Cette affaire a vu deux parties de la grande famille identitaire se chamailler comme le feraient deux frères. Et ces petites lignes de conflit s’articulent en fait autour de cette distinction entre point de vue individuel d’un côté, et généralisation de l’autre.

Il ne s’agit donc pas d’une différence idéologique mais simplement d’une différence de point de vue.
Certains ont choisi de remarquer l’extraordinaire assimilation de Mathilde Edey Gamassou, d’autres ont préféré se concentrer sur le principe.

Une droite bienveillante

Une partie extrêmement large de la droite est venue au secours de Mathilde. Même chez les plus féroces identitaires. Preuve qu’il s’agissait bien là d’une polémique de point de vue plutôt que de fond.

Au premier rang de ces commentateurs bienveillant, beaucoup de catholiques ont publiquement apporté leur soutien à la jeune fille. Même les ecclésiastiques classés les plus à droite du spectre politique par les médias n’ont pas hésité à condamner publiquement le racisme de certains commentateurs.

Ainsi l’abbé de Tanoüarn apporte-t-il son soutien à Mathilde, considérant que le fait que Jeanne d’Arc soit incarnée une métisse n’est pas problématique.

Même soutien de la part de l’abbé Grosjean, très médiatique représentant de la droite conservatrice : « Tout mon soutien à Mathilde : sa foi catholique vécue, son attachement à sa ville et son engagement au service des autres dans le scoutisme lui donnent légitimement d’avoir été choisie pour incarner Jeanne d’Arc, selon les critères en usage depuis bien longtemps. »

Au sein de la droite politique, Gabrielle Cluzel et Charlotte d’Ornellas ont rapidement défendu la jeune Mathilde. L’entretien de Charlotte d’Ornellas accordé à Boulevard Voltaire est d’autant plus intéressant que la journaliste qui officie régulièrement à L’Heure des Pros sur CNews a elle-même été choisie pour incarner Jeanne d’Arc en 2002.

Dans cet entretien, Charlotte d’Ornellas déplore la polémique lancée par la droite identitaire : « Je trouve cette polémique particulièrement triste. Et je pense que les gens qui l’alimentent ne connaissent pas les fêtes de Jeanne d’Arc. Ce n’est pas un mal en soit ou un reproche de ma part, mais il faut essayer de comprendre comment la Jeanne d’Arc est choisie à Orléans et pourquoi la petite Mathilde cette année est parfaitement légitime.
Jeanne d’Arc n’est pas élue pour ressembler à Jeanne d’Arc physiquement. Elle est choisie sur des critères très simples. Il faut habiter à Orléans depuis au moins dix ans, être baptisée, catholique pratiquante et donner du temps bénévolement pour les autres. Il faut effectivement connaître l’histoire de Jeanne d’Arc, savoir l’incarner et la comprendre pour faire passer son message aujourd’hui. »

Une position mesurée que la journaliste de droite précisera à nouveau dans un billet à Valeurs Actuelle : « Pour qui n’est pas Orléanais, ne pas connaître les fêtes de Jeanne d’Arc n’est pas blâmable… Mais ne pas chercher à mieux les comprendre avant de polémiquer l’est déjà beaucoup plus.
Le fait que Mathilde ait des origines béninoises n’a eu absolument aucun impact ni dans sa candidature, ni dans son élection. À Orléans, c’est Jeanne que l’on remercie, et c’est la France que l’on célèbre. Point barre. »

Charlotte d’Ornellas s’appuie bien sur une lecture « zoomée » de la situation. La spécificité du concours et la personnalité de Mathilde Edey Gamassou sont les seuls éléments qui, pour elle, expliquent cette nomination et la justifient pleinement.
Toujours chez Valeurs Actuelles, le rédacteur en chef, Bastien Lejeune a « retweeté » le tweet de l’Abbé Grosjean, marquant ainsi son soutien à la jeune Mathilde.
Eugénie Bastié, égérie catholique d’une partie de la droite conservatrice, n’a pas manqué, elle, de retweeter l’abbé de Tanouarn.

La position nuancée de cette droite, majoritairement catholique, bienveillante est évidemment compréhensible. Notamment car elle s’appuie à raison sur la personnalité de Mathilde et la spécificité des fêtes johanniques.
Il serait incomplet d’oublier ceux qui, par stratégie, ont préféré s’abstenir d’attaquer cette jeune fille. Plusieurs figures de la droite ont ainsi préféré ne pas polémiquer pour éviter d’effrayer les spectateurs de cette discussion.

Reste qu’une partie de la droite s’est levée contre cette incarnation de Jeanne d’Arc par une métisse en adoptant un autre point de vue, plus global.

Les limites de la bienveillance et de l’approche individuelle

Le contexte global

Le contexte de cette annonce est fondamental pour comprendre les réactions de chaque camp à droite.
Depuis plusieurs semaines, tous les sympathisants de droite auront remarqué une accélération de la propagande anti-identitaire dans tous les pans de la société. Un point particulièrement clair est l’attaque contre les Européens dans les productions culturelles.

Récemment, Polémia a justement publié un article de Michel Geoffroy sur ce phénomène : Le grand remplacement, des écrans de cinéma jusque dans les têtes !

Ce contexte, personne ne l’ignore chez la droite bienveillante. Charlotte d’Ornellas le reconnaît bien volontiers : « La réaction exaspérée de ceux qui ne connaissent pas ces fêtes est à première vue compréhensible, à une époque où l’Histoire de France passe sans cesse devant le tribunal du révisionnisme « antiraciste » ou multiculturel.
Si ces fêtes étaient en effet la reconstitution d’un tableau historique et que la jeune fille était choisie pour ressembler à Jeanne d’Arc, ce choix serait grotesque. Parce que c’est certain : la petite Lorraine n’avait pas d’ancêtre béninois. C’est d’ailleurs ce qui rend le choix d’acteurs noirs – dont le seul rôle est de ressembler à ceux qu’ils incarnent – pour des rôles historiques européens grotesques.
Sauf qu’à Orléans, il ne s’agit pas d’une représentation figée mais d’une transmission. »

La droite identitaire est donc en guerre totale contre la gauche. C’est ce contexte tout à fait particulier qui est considéré comme plus important par certains que la personnalité de Mathilde Edey Gamassou et le règlement des fêtes johanniques.

Qui, parmi les défenseurs de cette Jeanne d’Arc métisse pourrait leur donner tort ? Ou, à tout le moins, refuser de comprendre leur position ?

La naïveté

Pour certains identitaires, séparer ce qui se passe à Orléans de ce qui se passe dans les salles de cinéma du monde entier est donc insensé. En effet, pour beaucoup d’observateurs, la distinction très fine opérée par certains « bienveillants » entre les fêtes johanniques et une production culturelle hollywoodienne n’a pas de sens.

En effet, où s’arrête la frontière entre « incarnation » et « biopic » mise en avant par tant de commentateurs « bienveillants » ? Jugez plutôt en lisant la réponse de l’actrice africaine jouant Jeanne d’Arc dans une pièce de théâtre aux Etats-Unis : « Je crois qu’il y a un malentendu sur le fait que nous essayons de réécrire l’histoire […]. Personne ne prétend qu’elle était réellement noire. Je suis une conteuse, je conte l’histoire. »

De bonne fois, qu’est-ce qui sépare cette argumentation de celle de certains catholiques bienveillants ? Les ennemis de la droite auront beau jeu de piéger ceux qui ont défendu cette jeune Mathilde. Bon courage pour expliquer la nuance entre « biopic » et « fêtes johanniques » en débat contre un bretteur affuté !

Le symbole de Jeanne d’Arc

Face à l’immigration-invasion, le peuple français suffoque. Il ne lui reste que son histoire et ses mythes pour ne pas sombrer dans l’indignité. Et quel plus grand symbole que celui de Jeanne d’Arc ?
Alors, comment en vouloir à ceux qui critiquent ce choix qui africanise une combattante européenne ayant bouté d’autres Européens hors de France au motif qu’ils n’étaient pas chez eux ?

Jeanne d’Arc est un symbole national et la sélection de son incarnation ne concerne pas que le microcosme scouto-catholique d’Orléans mais bien l’ensemble des français !
L’effet de sidération est donc maximal.

De la LICRA à Valeurs Actuelles en passant par AJ+, la sainte alliance antiraciste ?

Comment minorer le fait que de nombreux catholiques et identitaires se retrouvent tout d’un coup sur l’exacte même ligne que ceux qui les attaquent régulièrement ?

La LICRA, Marlene Schiappa, Laurent Bouvet… Tous se sont découverts une passion pour Jeanne d’Arc !

AJ+, officine de propagande issue de la télévision d’Etat qatarienne Al Jazeera, ne s’y est pas trompée. Prenant la défense de Mathilde, AJ+ a notamment attaqué Jean-Yves Le Gallou dont un tweet apparait dans la courte vidéo de propagande.

De tels soutiens devraient peut-être interroger ceux qui, à droite, ne font pas de cet événement local un symbole national.
C’est l’ennemi qui vous désigne et c’est également lui qui définit le plan sur lequel doit se dérouler le combat.

Et force est de constater que ceux qui pensent que le combat ne concerne plus seulement les fêtes johanniques ont de bonnes raisons de le penser.

Le tabou racial

Cette question majeure pourrait être passée sous silence. Il est au contraire nécessaire de l’aborder frontalement car, en famille, il faut tout se dire, sous peine d’aggraver le malaise.

Le camp d’en-face ne s’y est pas trompé : cette alliance de circonstance avec les pires ennemis de l’identité française peut s’expliquer par le tabou racial.

Jeanne d’Arc n’est pas un principe universalisable mais un mythe singulier qui appartient aux français. C’est un mythe enraciné dans un espace géographique qui dispose de ses propres particularismes. Particularismes culturels, bien entendu, mais aussi génétiques.

Le tabou racial étant le sujet le plus inabordable pour une droite aux abois, il ne s’agit pas ici de reprocher à quiconque de ne pas l’aborder. Il s’agit juste de bien faire comprendre à chaque camp comment pense l’autre.

Il n’est pas non plus question d’ouvrir un débat long et douloureux sur l’existence de races humaines. Les généticiens, pour éviter d’employer ce terme, utilisent celui de « populations ». Soit. Et bien, la population européenne dispose d’une identité génétique propre.

Dès lors qu’on aborde ce point précis, l’on comprend totalement la ligne de fracture entre « individualistes » et « globalistes ». Le premier camp minore ou évacue totalement la question génétique tandis que le second, lui, en fait la pierre angulaire de son raisonnement.

Pour les premiers, ultimement, si une majorité de Français était d’origine africaine mais parfaitement assimilée, ils n’y verraient finalement pas d’inconvénient.
Soyons sérieux, ce n’est sans doute pas leur pensée profonde mais c’est en tout cas le message qu’ils font passer.

Pour les seconds, les extra-européens, quel que soit leur degré d’assimilation, doivent rester « une petite minorité », selon les mots du Général de Gaulle.

« C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. »

Pendant que la droite se dispute sous les yeux de tous les lobbies de gauche, le bûcher brûle. Cependant, ce n’est pas Jeanne qui se consume, mais bien la France.

Les membres d’une même famille se chamaillent. Pendant ce temps, chez les nouveau-nés français : près de 20 % de prénoms musulmans et 40 % de dépistés à la drépanocytose. Et c’est une certitude, parmi ceux-ci, peu seront aussi bien assimilés que Mathilde.

Plus que jamais… Jeanne, au secours !

Nicolas Faure
24/08/2018

Crédit photo : Jeanne d’Arc au sacre du roi Charles VII, dans la cathédrale de Reims – Jean Auguste Dominique Ingres – Domaine public, via Wikimedia Commons

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