Entretien avec Jean-Yves Le Gallou ♦ Le projet de loi « pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration » porté par Gérald Darmanin devrait être débattu à l’Assemblée nationale à partir du mois de mars. Ce projet de loi devrait se traduire par une hausse de l’immigration extra-européenne. Entretien à ce sujet avec Jean-Yves Le Gallou.
Polémia
Polémia : Darmanin présente une nouvelle loi sur l’immigration, la 23e en quatre décennies. Qu’en pensez-vous ? Êtes-vous sceptique ?
Jean-Yves La Gallou : Hélas ! non, cette loi ne sera pas inutile, elle sera néfaste. Comme les précédentes. C’est le même théâtre, le même cinéma. Le pouvoir parle de « projet équilibré ». En fait, c’est la vieille recette du pâté d’alouette : un cheval, une alouette. Médiatiquement, on annonce de la fermeté – souvent théorique – qu’on compense par des dispositions plus « généreuses ». La gauche immigrationniste proteste, l’opinion croit au sérieux des mesures gouvernementales. Mais, finalement, il reste de vraies mesures facilitant l’immigration et des mesures cosmétiques la restreignant. Et c’est reparti pour un tour…
Impact du projet de loi sur l’immigration : des chiffres très sous-évalués
Polémia : Darmanin a réenfourché le discours sur « l’intégration ». Qu’en pensez-vous ?
Jean-Yves La Gallou : La même chose, figurez-vous, que le fondateur de SOS Racisme, Julien Dray, qui y voit une vieille lune des années 80 ! Je n’ai jamais cru à l’intégration mais, enfin, soyons sérieux : comment ce qu’on n’a pas réussi à faire avec 50 000 à 100 000 entrées annuelles d’immigrés du tiers-monde deviendrait une réussite avec 400 000 à 500 000 entrées ?
Dans le texte, Darmanin nous dit qu’on va conditionner l’octroi des titres de séjour à la maîtrise du français et au respect des valeurs républicaines.
C’est déjà ce qui est prévu pour l’accès à la nationalité et qu’on n’applique pas. On voit des benêts en uniforme de préfet(e) remettre solennellement des titres de nationalité à des femmes voilées parlant à peine notre langue. Et le Conseil d’État a imposé d’accorder la nationalité française à un candidat qui se l’était vu refuser après avoir déchiré la charte des valeurs qu’on lui avait proposé de signer. Authentique !
Ajoutons que les fonctionnaires de préfecture qui veillent à appliquer la loi dans toute sa rigueur sont souvent découragés, lâchés, voire écartés de leur poste par la hiérarchie préfectorale qui sait que c’est le pasdevaguisme la clé d’une carrière !
Polémia : Vous êtes bien sévère !
Jean-Yves La Gallou : Pas assez ! Permettez-moi de compléter mon propos : comment voudriez-vous que les fonctionnaires de préfecture qui n’ont ni le temps ni le nombre suffisant pour s’assurer que les 100 000 candidats à la nationalité répondent aux critères d’intégration puissent le faire pour les 320 000 (chiffres 2023) solliciteurs d’un titre de séjour ?
Polémia : Il y a aussi tout un volet restrictif dans le projet Darmanin.
Jean-Yves La Gallou : Oui, mais c’est du « Gérald », c’est-à-dire du bobard. Il s’agit de renforcer sur le papier des dispositifs législatifs qu’on n’applique pas…
Deux exemples :
- À quoi sert de prévoir des sanctions pour les plates-formes de services qui emploient des clandestins comme auto-entrepreneurs alors qu’on n’applique pas ces mêmes sanctions pour les emplois salariés ? Et qu’il suffirait de prononcer des fermetures administratives des entreprises délinquantes comme on l’a fait lors du psychodrame du Covid ?
- À quoi sert de rendre possible de délivrer des obligations de quitter le territoire français (OQTF) aux parents d’enfants mineurs alors que 95 % des OQTF ne sont pas appliquées !
Ce que nous propose Darmanin, c’est une loi Potemkine.
Toujours plus d’immigration extra-européenne en France en 2022 avec Emmanuel Macron
Polémia : Aucun contenu vraiment dans la loi Darmanin ?
Jean-Yves La Gallou : Si ! Des mesures d’extension de l’immigration de travail. D’abord, l’accès au travail immédiat est rendu possible pour les demandeurs d’asile en provenance de pays à qui l’OFPRA accorde un fort taux de protection. L’étude d’impact réalisée chiffre à 12 000 le nombre de bénéficiaires possibles. Grâce à un double biais : l’étude part des chiffres de demandeurs d’asile de 2021, 100 000, alors que le gouvernement en attend 500 000 pour les trois prochaines années ; l’étude ne retient que trois pays concernés : l’Afghanistan, l’Érythrée et le Soudan, liste très restrictive qui oublie notamment la Guinée et la Côte d’Ivoire. C’est plutôt 30 000 à 50 000 demandeurs d’asile qui seront concernés, en attendant un élargissement progressif probable de ce dispositif. C’est faire de l’asile une nouvelle filière d’immigration de travail.
Polémia : Sans oublier la régularisation des clandestins employés dans des « métiers en tension ».
Jean-Yves La Gallou : Bien sûr. C’est le cercle vicieux. Une main-d’œuvre étrangère et clandestine dégrade les conditions de travail et les salaires dans certains métiers (hôtellerie, restauration, bâtiment, travaux publics, livraisons). Résultat, les Français et même plus largement les résidents étrangers réguliers en France n’en veulent pas. On fait donc venir une main-d’œuvre clandestine qu’on régularise ensuite, suscitant ainsi une nouvelle vague migratoire.
Toute régularisation (Defferre, 1981 ; Chevènement, 1998) amplifie les vagues d’immigration :
- une partie des clandestins régularisés s’installe dans l’assistance et doit donc être remplacée dans l’emploi ;
- d’autres profitent de la régularisation pour faire bénéficier leurs proches du regroupement familial.
Polémia : La loi Darmanin a-t-elle des chances de passer ?
Jean-Yves La Gallou : Oui, la Macronie joue sur du velours.
Entre la NUPES qui feindra de s’étrangler de rage devant les rares mesures (en apparence) restrictives et le RN qui s’opposera (avec modération) à des dispositifs facilitant l’immigration clandestine, Darmanin – avec la connivence des médias – la jouera « cercle de raison » et loi d’équilibre. Vous reprendrez bien un Gérald ?
Polémia : Que faudrait-il faire ?
Jean-Yves La Gallou : Changer totalement de paradigme. Passer d’un droit à l’immigration à un droit de la remigration. Simplifier drastiquement les textes. Sortir les juges du processus. En revenir au fond : l’accès à la nationalité comme au séjour en France des étrangers doit redevenir DISCRÉTIONNAIRE. Cela s’appelle la souveraineté !
Entretien avec Jean-Yves Le Gallou
23/02/2023
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