Par Françoise Monestier, journaliste pour Présent ♦ Il y a trente ans, Jean-Pierre Stirbois disparaissait. Dans un texte publié récemment, Jean-Yves Le Gallou revenait sur les quelques points fondamentaux qui ont fait de cette personnalité incontournable de la droite un épouvantail pour la caste politico-médiatico-culturelle française, si attachée au cosmopolitisme.
Le 20 novembre paraîtra aux éditions Synthese Nationale dans la collection Les Cahiers du Nationalisme un livre consacré a Jean-Pierre Stirbois. Il s’agira d’un ouvrage collectif sous la direction de Franck Buleux avec des collaborations de Françoise Monestier et Francis Bergeron.
Vous trouverez ci-dessous, en avant-première, un extrait consacré aux victoires de Jean-Pierre Stirbois.
Dans cet extrait exceptionnel, Françoise Monestier revient en effet en détail sur l’extraordinaire force militante de Jean-Pierre Stirbois. Une mobilisation totale au service de la France qui a permis au Front national de devenir une force politique majeure dans l’hexagone, jusqu’à provoquer l’affolement des partis institutionnels.
Polémia
Le 10 mai 1981, ils sont plus de trois mille à défiler derrière Jean-Marie Le Pen et Jean-Pierre Stirbois qui rendent hommage à Jeanne d’Arc en s’associant, pour la deuxième année consécutive, au défilé traditionnel organisé depuis des lustres par l’Action française. Quelques mois plus tard, ils seront tout aussi nombreux pour la première Fête des Bleu-Blanc-Rouge, une contre-fête de L’Huma imaginée par Michel Collinot qui ne manquait pas d’idées, lui qui inventa également Radio-Le Pen, deux créations qui connaîtront le succès que l’on sait et installeront le mouvement dans le paysage politique national. Les premiers BBR se déroulèrent dans la vallée de Chevreuse, et plus précisément dans les bois de la Roche-Couloir.
Fort de ces premiers succès qui font oublier l’échec de Tixier et les premières déconvenues du Front — il est vrai contrarié par les velléités du PFN et les crocs-en-jambe de certains de ses membres —, Stirbois, qui avait réalisé en 1979 le meilleur score de la droite nationale, décide de se lancer à l’assaut de Dreux pour les cantonales de 1982. Son raisonnement est simple : « Je vais faire l’impossible pour améliorer sérieusement ce score dans les cantons de Dreux. Je me présenterai avec Marie-France. Je veux créer un fief et, si je perce, le mouvement percera ensuite aux Municipales de 1983 avec Jean-Marie Le Pen et à Dreux avec moi. Nous aurons un an pour préparer les Européennes et, cette fois, nous emporterons le morceau. » Superbe vista politique alors qu’à la même époque, on ne donnait pas cher de l’avenir du Front national.
La divine surprise
Le nouveau secrétaire général réussit à présenter un peu plus de soixante candidats sur l’ensemble du territoire, dont cinq en Eure-et-Loire. Il a choisi, pour sa part, le canton de Dreux-ouest tandis que Marie-France se présente dans celui de Dreux-sud. Il visite systématiquement tous les HLM de son canton et dénonce la complaisance des socialo-communistes à l’égard de l’immigration. A l’issue du premier tour, il obtient 12,60 % des voix et appelle tous ceux qui ont choisi le FN à battre les candidats socialistes. Une semaine plus tard, le 21 mars 1982, ce canton de gauche est enlevé par René-Jean Fontanille, candidat du RPR. En contrepartie,ce dernier s’était engagé, en cas de victoire, à constituer avec Stirbois une liste d’union de l’opposition pour les prochaines Municipales afin de balayer socialistes et communistes qui sévissaient à Dreux, grâce au soutien de nouveaux électeurs issus de l’immigration. Fontanille confirme son accord par une lettre en bonne et due forme.
Une campagne municipale éprouvante
Alors que Dreux connaissait depuis des années des chiffres record en matière de délinquance, Françoise Gaspard, son maire, pratiquait ouvertement la préférence étrangère et comptait parmi ses plus fidèles soutiens quantité de jeunes Beurs délinquants en s’étant fait une spécialité du clientélisme systématique. Elle avait même eu le toupet, alors qu’elle avait été missionnée par François Autain, secrétaire d’Etat chargé des immigrés, pour rédiger une étude sur les problèmes de l’immigration, d’écrire dans l’hebdomadaire Sans frontières : « L’amalgame immigré-sécurité n’a pas lieu d’être. Je dirai même que les immigrés, toutes choses égales, sont globalement moins délinquants que les Français. »
La campagne municipale se déroule alors dans un climat particulièrement délétère, la violence des « quartiers » étant manifeste. Comme on pouvait s’y attendre, l’UDF refuse une liste d’union avec le Front national. Mais le RPR tient parole et les deux formations partent groupées. Le premier tour leur donne 33% et l’UDF accepte de rejoindre les vainqueurs… à condition que Stirbois ne soit qu’en quatrième position.
Tripatouillages divers et variés, fraudes et autres irrégularités sont flagrants dans de nombreux bureaux de vote pour ce second tour que Gaspard veut gagner à toute force. Elle l’emporte certes, mais de huit voix seulement. La frontiste Mireille Brion, juriste de formation, obtient l’annulation de l’élection et le Tribunal administratif fixe le troisième tour… au 4 septembre ! Autant dire que les vacances seront studieuses pour les militants et pour le couple Stirbois. Et cela d’autant plus que se met en place un véritable Front républicain auquel Chirac prend une part active en intimant à Jean Hieaux, qui reste sourd à cet appel, de ne pas faire alliance avec Stirbois pour le second tour.
La liste Union des Drouais pour la France (UDF) prend cependant forme. Quant à la campagne elle-même, elle est … très musclée avec les repris de justice et les Maghrébins en situation irrégulière que Françoise Gaspard utilise comme colleurs d’affiches. Mais cette dernière est tellement sûre de sa défaite qu’elle laisse la place à un industriel drouais, Marcel Piquet qui troquera sa Mercedes pour une petite cylindrée, histoire de faire peuple… On n’entendra plus guère parler d’elle jusqu’à son « mariage » en 2013 avec Claude Sadoc, ex-Mme Jean-Louis Servan-Schreiber.
Au soir du premier tour, le 4 septembre, avec 16,72 % des voix, Stirbois voit triompher sa stratégie et l’immense travail de terrain mené avec d’excellents militants. Les négociations avec Jean Hieaux sont menées tambour battant.
Tonnerre de Dreux et chœur des pleureuses
A peine la liste d’union était-elle constituée que Simone Veil appelait à faire barrage au Front national. Yves Montand, Alain Krivine, Jean-Edern Hallier, Daniel Gélin et quantité de vieilles gloires du Parti communiste et du Parti socialiste firent le déplacement jusqu’à Dreux, entourés de toute une faune qui sonnèrent le grand rassemblement antifasciste. Ce fut peine perdue pour tous ces donneurs de leçons puisque, le 11 septembre suivant, plus de 55% des électeurs drouais choisissaient de chasser la gauche qui, depuis des années, avait transformé cette ville en un relais de l’immigration maghrébine.
Les vaincus acceptent difficilement cette victoire et font de la ville un champ de ruines. Jets de boulons, cocktails Molotov envoyés sur les CRS, attaques physiques contre des militants frontistes, tout leur est bon. Mais, pour la première fois depuis 1945, la Droite national remporte une brillante victoire.
Stirbois est donc parvenu à faire entrer le Front national dans l’arène politique. Il a surtout prouvé qu’un mouvement national et populaire était capable de conquérir un électorat socialo-communiste trompé depuis des lustres par ses responsables politiques qui avaient depuis longtemps fait le choix de la préférence étrangère.
1983, l’immigration sort du bois
Le coup de tonnerre de Dreux passé, les émissions de radio et de télé se multiplient pour Le Pen qui bénéficie ainsi indirectement du succès de Stirbois, qu’il s’agisse du Club de la Presse d’Europe 1 dont le Menhir sera l’invité en 1983 ou de l’emblématique Heure de Vérité du 13 février 1984 qui sera suivie par plus de 14 millions de personnes. Des téléspectateurs qui reçurent cinq sur cinq les propos de Le Pen sur l’immigration alors que, comme l’a récemment précisé Jérôme Fourquet dans une note destinée à la Fondation Jean Jaurès, l’année 1983 avait ainsi vu se produire une série d’événements sociaux qui montraient la réalité, et le danger, de l’immigration maghrébine dans notre pays.
Rappelons tout d’abord les grandes grèves des OS immigrés dans l’automobile, qu’il s’agisse de Renault, Citroën ou Talbot. Elles confirment l’émergence de l’islam et les Français découvrent les parkings d’usines transformés en lieux de culte ainsi que les harangues en langue arabe. Ces conflits sociaux administrent surtout la preuve qu’une fois de plus, la CGT est aux manettes pour récupérer le vote musulman lors des assemblées générales. Et les Français prennent soudain conscience que ces immigrés taperont l’incruste dans notre pays grâce au regroupement familial offert sur un plateau d’argent par la droite.
Un autre signal dans cette année 1983 fut la Marche des Beurs organisée un mois après le tonnerre de Dreux, du 15 octobre au 3 décembre 1983. On connaît la suite avec Mitterrand qui reçut une délégation de « marcheurs » et céda à leur chantage en annonçant la création d’une carte de séjour de dix ans en même temps que le droit de vote des étrangers aux élections locales. Six mois plus tôt, le même Mitterrand s’était rendu à La Courneuve, à la suite de la mort de Toufik Ouanés abattu à la Cité des 4000 par un agent de la RATP excédé par le bruit que lui et ses potes imposaient à leurs voisins. L’ancien décoré n°2202 de la Francisque lançait ainsi une opération charme dans les banlieues de l’islam. L’architecte maoïste Roland Castro était du voyage et montait l’opération Banlieues 89 dont on connaît l’échec, ce qui n’empêche cependant pas, trente-cinq ans plus tard de retrouver le même Castro, entre-temps protégé de… Charles Pasqua pour une opération urbanistique se soldant elle aussi par un fiasco, dans la liste des grands patrons du Grand Paris !
Le temps des victoires
Un mois plus tard, Jean-Pierre transformait l’essai de Dreux en montant une liste Front national pour la municipale partielle d’Aulnay-sous-Bois, cette ville ouvrière de Seine-Saint-Denis tenue par les communistes depuis des lustres et forte d’une importante population maghrébine, dont de nombreux OS travaillant chez Citroën. Les habitants de la commune avaient mal vécu le violent conflit social du printemps qui avait mis en lumière le poids réel de l’islam dans la ville. Sans implantation réelle, la liste frontiste obtient 9,3 % dés le premier tour au grand dam des caciques communistes qui voient d’un très mauvais œil un tel score inimaginable quelques années plus tôt.
La vraie victoire sera cependant l’entrée au Parlement européen, le 17 juin 1984, de dix députés élus sous l’étiquette Front national pour l’Europe des Patries et conduits par Jean-Marie Le Pen.
L’éternel manque d’argent aurait pu faire capoter l’affaire. Mais deux courageux imprimeurs, Jacques Tauran et Fernand Le Rachinel n’hésiteront pas à se porter caution pour l’impression des professions de foi et des bulletins de vote qui aurait été à la charge du mouvement si la liste n’avait pas franchi le seuil des 5 %. Pari gagné donc pour Stirbois et le Front national qui apportait la preuve d’un véritable enracinement et marquait l’émergence d’un nouvel électorat. Certes, les fidèles étaient toujours là, mais de nouveaux électeurs venus de la gauche et du parti communiste apparaissaient qui votaient pour le seul mouvement politique assez courageux pour dénoncer un futur « grand remplacement » et une insécurité galopante.
Dés les premières joutes oratoires dans l’enceinte du Parlement européen, Stirbois soulève l’indignation sur les bancs de la gauche en déclarant à propos de l’Afrique du Sud : « Ce pays est un rempart contre le communisme. Condamner l’Afrique du sud alors qu’elle s’efforce, dans l’ordre et sans soubresauts, d’organiser l’indépendance des nouveaux Etats noirs à l’intérieur de ses frontières, ne peut que servir le terrorisme et les seuls pays totalitaires de cette seconde moitié du XXe siècle. » L’avenir lui donnera malheureusement raison !
Stirbois continue l’implantation du mouvement et ne se laisse pas enfermer dans le piège d’un Parlement européen qui offre certes une tribune aux nationaux mais, en réalité, est tenu par une bande de mondialistes qui ont tout verrouillé depuis sa création. Il se lance dans la bataille des cantonales de 1985 et parvient à aligner 1 470 candidats sur toute la France, qui comptait alors 2 044 cantons renouvelables. Chirac condamne, dans une réunion publique à Marseille « des principes qui conduiraient au racisme, à la pire des aventures ». Ces propos imbéciles n’empêcheront pas le Marseillais Jean Roussel de devenir le premier conseiller général frontiste, et le mouvement de réunir prés de 12% des suffrages en données corrigées.
L’avenir nous appartient
Les législatives et les régionales qui seront regroupées le même jour de mars 1986 (proportionnelle départementale à la plus forte moyenne à un tour) se profilent à l’horizon du VIIe congrès du FN qui se tient à Versailles en novembre 1985. Le programme est particulièrement musclé puisque concocté par Jean-Yves Le Gallou qui a quitté le Parti républicain à cause de ses prises de position trop tièdes. « Pour la France » — c’est le nom du programme — affiche noir sur blanc la préférence nationale dans tous les domaines.
La politique de rassemblement national voulue par Le Pen et Stirbois se met en place. Beaucoup y répondent comme le capitaine Pierre Sergent, Pierre Descaves, le Dr François Bachelot, le brillant universitaire Bruno Gollnisch, le grand avocat Georges-Paul Wagner ou le polytechnicien Bruno Mégret. Seul le patron du Centre national des Indépendants Philippe Malaud fait grise mine alors qu’Edouard Frédéric-Dupont se laissera débaucher et sera élu député de Paris.
Le 16 mars 1986, le travail militant aura, encore une fois, payé puisque 35 députés seront élus au Palais-Bourbon tandis que 136 conseillers siégeront dans les Régions. Stirbois fera, bien sûr, le choix d’abandonner son mandat européen pour celui de député de la Nation. Il se distinguera aussitôt par un discours musclé à l’intention du nouveau Premier ministre Jacques Chirac qui n’avait pas digéré le succès frontiste : « Trublions, nous ne le sommes pas et nous ne le serons jamais. Aiguillons, nous serons là pour éviter toute dérive à gauche de votre gouvernement. Nous ne voterons pas conditionnés par un esprit de chapelle. Nous voterons toujours et d’abord dans l’intérêt de la France et des Français. »
Pendant deux ans, les élus frontistes affronteront la dure réalité d’une Assemblée verrouillée par le système. Pour la Présidentielle de 1988, Le Pen crèvera l’écran et créera la surprise avec plus de 14% des voix. Pour les Législatives –Chirac avait supprimé la proportionnelle, croyant être définitivement débarrassé du Front national —, seule Yann Piat tirera son épingle du jeu jusqu’à son assassinat quelques années plus tard. Quant à Jean-Pierre, il frôlera la victoire à Vitrolles, mais le système avait une fois de plus bien verrouillé les choses. N’avait-il pas eu raison d’écrire, quelques mois avant sa disparition tragique : « Chaque fois, depuis deux siècles, qu’un rassemblement national s’est dessiné pour jeter à bas le régime des partis représenté aujourd’hui par la Bande des Quatre, c’est cette droite bourgeoise préoccupée par ses seuls intérêts, toujours prête à trahir la patrie pour les préserver, qui a tout fait pour qu’échoue la reconnaissance nationale » ? Souvenons-en bien aujourd’hui.
Françoise Monestier
03/11/2018
A noter que le Rassemblement national organise un hommage pour les 30 ans de la mort de Jean-Pierre Stirbois, le lundi 5 novembre à 17 heures. Rendez-vous Porte Froidevaux, cimetière de Montparnasse, 89 avenue du Maine.
Source : Correspondance Polémia
Crédit photo : M.A. Chantelot [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons