La cabale qui s’est déclenchée dès la parution de l’hebdomadaire Rivarol daté du 9 avril 2015 traduit, si l’on y réfléchit bien, une véritable attaque contre la liberté de la presse et la liberté d’expression. Les médias, la classe politique, les membres du gouvernement, les hauts dirigeants du Front national, tous, souscrivant au totalitarisme ambiant, se sont ligués pour dénoncer le « scandale » : le président d’honneur du FN, Jean-Marie Le Pen, aurait tenu, lors d’un entretien avec la rédaction de Rivarol, des propos « insupportables ».
Comme toujours dans ce genre de diatribe, ceux qui hurlent le plus n’auront pas lu la livraison de Rivarol du 9 avril. Aussi, dans un souci de bonne information, Polémia a décidé de publier in extenso cet entretien pour que le public puisse, posément, à l’écart de tout esprit partisan, juger par lui-même. On rappellera néanmoins qu’il y a exactement trois mois, le 11 janvier 2015, le président de la République, entouré de tout son appareil et de plusieurs chefs d’État étrangers, défilait dans une rue de Paris à la tête d’un immense cortège pour la LIBERTÉ D’EXPRESSION !
Polémia
Jérôme Bourbon, directeur de la rédaction de Rivarol. Entretien avec Jean-Marie Le Pen, président d’honneur du Front national, relu et validé avant publication par Jean-Marie Le Pen. Source : Rivarol, n° 3183 du 9 avril 2015.
Rivarol : Quel bilan faites-vous du second tour des élections départementales pour le Front national ?
Jean-Marie Le Pen : Il fallait s’attendre à ce que les résultats ne correspondissent pas tout à fait à notre très grand succès du premier tour. Le FN, conformément aux textes officiels du ministère de l’Intérieur, est bien le premier parti de France ayant réuni au premier tour plus de 25% des voix et plus de 5 millions de suffrages. Il est devant l’UMP et le PS. Je ne parle même pas des petites formations quasiment inexistantes comme les Verts ou Debout la France de Dupont-Aignan. Le FN a réalisé un très beau parcours au premier tour mais, s’agissant d’un scrutin majoritaire à deux tours, nous avons été apparemment battus le 29 mars au soir car nous avons obtenu 62 élus sur 2054.
On fait des gorges chaudes là-dessus mais c’est ignorer que les conseils généraux sont composés de personnalités politiques connues, implantées, le plus souvent maires d’une commune dans laquelle elles font tout naturellement 60 ou 70% des voix, comme l’ont fait d’ailleurs les maires du FN dont la gestion était critiquée médiatiquement et qui, en moyenne, ont rassemblé 75% des électeurs.
Il faut savoir par ailleurs que ces conseils généraux sont composés d’hommes et de femmes se connaissant depuis des années et qu’il existe entre eux des relations d’amitié, de sympathie, des connivences établies. Nous avions un sortant contre 2053 et nous avons eu quand même une soixantaine d’élus, ce qui n’est pas rien. Le résultat a été excellent, supérieur même à ce que l’on pouvait espérer, ce type d’élections locales au scrutin majoritaire à deux tours étant certainement le plus difficile qui soit pour un mouvement comme le nôtre qui ne dispose encore que de peu de notables.
« Je ne suis pas homme à ramper »
Une nouvelle polémique politico-médiatique s’est déclenchée le 2 avril à la suite des propos que vous avez tenus sur BFM-TV en réponse à Jean-Jacques Bourdin, et qui reprenaient ceux que vous aviez déjà exprimés sur les chambres à gaz le 13 septembre 1987 sur RTL, le 5 décembre 1997 en Allemagne, en avril 2008 au mensuel Bretons et en mars 2009 au Parlement européen. Le parquet a ouvert une enquête préliminaire pour contestation de crimes contre l’humanité. Le ministre de l’Intérieur et celui de l’Éducation nationale vous ont condamné, tout comme la classe politique tout entière. Des associations se constituent parties civiles contre vous (SOS-Racisme, UEJF, LICRA…) et même au Front national les principaux responsables ont solennellement condamné vos déclarations, à commencer par la présidente du mouvement et ses lieutenants. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Je ne suis pas homme à changer d’avis ni à ramper. J’ai sur cette question une opinion que je crois justifiée. Ceux qui s’appuient sur ce genre d’opérations pour porter jugement ont le plus grand tort. J’ai cessé de marcher à quatre pattes depuis l’âge de 18 mois. Je ne suis pas l’homo a plat ventrus.
La politique, comme la vie, c’est un combat. Si l’on ne veut pas prendre de coups, on ne choisit pas d’être boxeur. Parce que si on choisit d’être boxeur, on sait qu’on peut gagner mais qu’on prendra beaucoup de coups. Le champion du monde, quand il descend du ring, avec sa ceinture de champion à la main, a le visage bosselé. Parce qu’il vient de combattre contre le meilleur du monde après lui, son challenger. Il ne sort pas intact. Il a gagné comme un combattant, en acceptant d’être blessé, parfois d’être défiguré. Si l’on ne veut pas prendre de coups, mieux vaut rester ou rentrer chez soi, c’est plus sage.
« Je reste candidat à la présidence de la région PACA »
Plusieurs responsables du Front national (le secrétaire général Nicolas Bay, le vice-président et numéro 2 du mouvement Florian Philippot, le cofondateur de Gay-Lib et président du collectif Culture Sébastien Chenu) ont expliqué dans les media audiovisuels, jeudi 2 et vendredi 3 avril, que votre candidature comme tête de liste du Front national pour la région PACA pourrait être remise en question par la commission nationale d’investiture à la suite de vos dernières déclarations et que d’autres candidatures que la vôtre pourraient se faire jour car vous vous seriez mis en marge du mouvement et de son actuelle ligne politique. Quelle est votre réaction ?
Je suis candidat tête de liste pour mettre à la porte les socialo-communistes. Je rappelle que j’ai fait aux dernières élections européennes, il y a moins d’un an, plus de 33% des voix dans la région PACA. Je suis donc légitime pour conduire la liste du Front national dans cette région où, de surcroît, je suis conseiller régional et président du groupe FN depuis 1992.
Et êtes-vous également candidat à la présidence de la région PACA pour succéder au socialiste Michel Vauzelle ?
Je suis candidat à la présidence de la région PACA par la logique des choses.
Cette condamnation appuyée et solennelle par les dirigeants du Front national du Fondateur et Président d’honneur du mouvement a eu lieu le Jeudi Saint (jeudi 2 avril), le jour où Jésus a été trahi par Judas qui lui a donné un baiser fielleux au jardin des Oliviers pour le livrer au Sanhédrin. N’est-ce pas là un hasard assez étrange ?
L’on n’est jamais trahi que par les siens.
Perméabilité des nouvelles générations à la vulgate
À la suite de vos déclarations controversées, Florian Philippot a expliqué que le FN devait s’occuper des préoccupations quotidiennes des Français, du chômage, du pouvoir d’achat, de l’insécurité, de l’islamisme et qu’il ne fallait pas parasiter le message du mouvement par des déclarations intempestives et provocatrices sur la Seconde Guerre mondiale. Mais c’est oublier que les problèmes de la France sont en grande partie liés à la chape de plomb sur son passé et sur celui de l’Europe. Car au nom de la Shoah on ne peut pas maîtriser l’immigration et inverser les flux migratoires car, nous dit-on, ce serait déporter les immigrés comme furent naguère déportés les juifs ; on ne peut pas défendre la famille et les valeurs traditionnelles car c’est faire du pétainisme ; on ne peut pas critiquer l’influence de la franc-maçonnerie et d’autres lobbies « puissants et nocifs » dans la vie politique car ce serait faire du vichysme ; on ne peut pas contester la condamnation de la France par Chirac au Vél’ d’Hiv’ en 1995 car ce serait manquer de respect aux « victimes de la Shoah » ; on ne peut pas dénoncer les incessantes réparations financières réclamées à la SNCF ni dénoncer le rôle de la finance internationale anonyme et vagabonde car ce serait être suspect d’antisémitisme.
N’est-ce donc pas une vision erronée de croire que l’on peut totalement éviter de parler du passé d’autant que les media et l’Éducation nationale le ressassent sans cesse et que les journalistes posent régulièrement des questions sur ces sujets ? N’est-ce pas une faiblesse, un manque de formation intellectuelle et doctrinale et aussi sans doute un déficit de courage de la plupart des formations de droite nationale et populiste en Europe de céder à la pression médiatique, certes très forte, sur ces questions-là, comme l’a fait lamentablement en son temps un Gianfranco Fini en Italie ?
Les nouvelles générations qui n’ont pas connu la guerre sont plus perméables que les anciennes au discours médiatiquement dominant et à une vision manichéenne de l’histoire, comme le faisait déjà remarquer François Mitterrand à Georges-Marc Benamou : « Jeune homme, vous ne savez pas de quoi vous parlez. »
Par ailleurs, en France, nous sommes en campagne électorale permanente car il y a une ou plusieurs élections quasiment chaque année. Le Front national est donc naturellement très impliqué dans des problèmes électoraux. C’est à la fois sa force et sa faiblesse :
Sa force parce que c’est ce qui lui permet d’apparaître, d’être présent dans la vie publique, de faire connaître ses propositions et sa vive contestation des politiques conduites. Le fait de trouver des candidats, de les former aux techniques électorales absorbe une grande partie de l’activité du Front national, non seulement de son activité physique, civique mais aussi intellectuelle, conceptuelle ;
Sa faiblesse parce que le temps pris pour préparer des élections, trouver des candidats (près de 8.000 aux dernières départementales, excusez du peu !), ce qui est une nécessité, se fait forcément un peu au détriment de la formation doctrinale.
Les pétainistes sont des Français comme les autres
Les dirigeants du FN ont vivement contesté votre affirmation selon laquelle il y avait aussi au Front national d’« ardents pétainistes » ?
J’ai toujours œuvré à la réconciliation des Français. Comme le disait avec une grande dignité le président Georges Pompidou, interrogé en conférence de presse sur la grâce partielle qu’il avait accordée à Paul Touvier : « Allons-nous éternellement entretenir saignantes les plaies de nos désaccords nationaux, le moment n’est-il pas venu de jeter le voile, d’oublier ces temps où les Français ne s’aimaient pas, s’entredéchiraient et même s’entretuaient ? »
Pour ma part, comme je l’ai déjà dit, je n’ai jamais considéré le maréchal Pétain comme un traître. L’on a été très sévère avec lui à la Libération. Et je n’ai jamais considéré comme de mauvais Français ou des gens infréquentables ceux qui ont conservé de l’estime pour le Maréchal. Ils ont selon moi leur place au Front national comme l’ont les défenseurs de l’Algérie française, mais aussi les gaullistes, les anciens communistes et tous les patriotes qui ont la France au cœur.
Êtes-vous favorable comme l’actuelle direction du FN à la retraite à soixante ans ?
J’ai essayé d’expliquer à Marine Le Pen et à ses conseillers que c’était une erreur. C’est ridicule de demander la retraite à 60 ans alors que moi, à la tête du FN, pendant des décennies, je l’ai demandée à 65 ! J’étais en avance, encore que les Allemands sont aujourd’hui à 67 ans ! L’équilibre démographique désastreux de l’Europe boréale, c’est-à-dire celle qui va de Brest à Vladivostok, est suicidaire et implique de reculer l’âge légal de la retraite. En politique on ne doit jamais sombrer dans la facilité ni faire de la démagogie. Il ne faut pas tomber dans le ridicule de paraître défendre le système de retraite à 60 ans parce que même si l’on y apporte des amodiations (comme les 40 ans d’annuités), elles ne sont pas audibles politiquement. Pourquoi s’accrocher là-dessus ? Je leur ai dit : « Rectifiez le tir. » En vain pour le moment.
Que vous répondent Marine Le Pen et Florian Philippot sur ce sujet ?
On a extrêmement peu de rencontres politiques parce que le bureau politique et le bureau exécutif sont souvent consacrés à des comptes rendus de missions du secrétaire général ou d’autres responsables nationaux et malheureusement l’on ne traite pas beaucoup les problèmes politiques proprement dits.
Le chevénementisme est malfaisant
Beaucoup s’inquiètent du nombre et de l’influence des homosexuels militants au Front national. Notre confrère Minute a évoqué à plusieurs reprises un « lobby gay » au sein du parti et Roger Holeindre affirme qu’il a quitté le Front en 2011 en grande partie à cause du nombre de pédérastes autour de Marine Le Pen. Certains attribuent les positions quelque peu ambiguës de la direction du mouvement sur le « mariage » gay et le refus de la présidente de participer en 2013 aux manifestations de masse contre la loi Taubira à l’influence jugée nocive de ce lobby arc-en-ciel. Quelle est votre position sur la question ?
Il ne faut pas exagérer et trouver là l’explication générale. Ce n’est pas cette particularité de la vie privée qui explique tout. Il se trouve qu’il y a en effet un assez grand nombre d’homosexuels au Front national, comme il y en a d’ailleurs dans les autres partis, et ceci pour une raison somme toute assez simple : c’est que ce sont des gens qui sont beaucoup plus libres de leur temps que d’autres. En général ils n’ont pas de responsabilités familiales. Et donc ils sont beaucoup plus disponibles. Comme de surcroît ils ont le sentiment d’être un peu en marge de la société, ils ont tendance à se regrouper, même s’ils se détestent les uns les autres. Ils forment une communauté. A mon avis ce n’est pas aussi important qu’on le dit au Front national mais ce n’est pas non plus totalement indifférent, c’est vrai. Il faudrait par ailleurs démontrer que cette particularité de la vie personnelle a une conséquence politique directe sur la ligne ou la doctrine du Front.
Je crois que l’origine politique de certains actuels dirigeants du Front a plus d’importance que leur comportement personnel. Je pense à l’influence nocive d’un homme que je trouve pour ma part tout à fait détestable : Jean-Pierre Chevènement. Il a les apparences d’un patriote alors qu’il est au fond un marxiste. L’influence chevènementiste, si elle continue de s’exercer, est nuisible. Cette tournure d’esprit m’est totalement étrangère.
« Valls est français depuis trente ans, moi depuis mille ans »
Que pensez-vous de Manuel Valls ?
En soixante ans de vie politique je n’ai jamais vu un Premier ministre se comporter de cette façon haineuse et hystérique, mettant en accusation une jeune femme, députée (NDLR : Marion Maréchal-Le Pen), représentant le double de ce que représente Valls dans le pays et la traiter de manière aussi odieuse, lui assenant avec morgue : « Vous n’êtes pas la République, vous n’êtes pas la France. » Et vous, Monsieur Valls, qui êtes-vous ?
Nous sommes gouvernés par des immigrés et des enfants d’immigrés à tous les niveaux. Estrosi et Ciotti à Nice, Mariani, ce sont des gens dont les parents étaient italiens. Je n’ai rien contre les Italiens ni contre les Espagnols. Je n’ai rien non plus contre le fait que Valls ait les mêmes droits civiques que moi mais cela ne lui donne pas l’autorisation de me donner des conseils ou de me faire des remontrances sur le plan de la morale civique.
Valls est français depuis trente ans, moi je suis français depuis mille ans. Quel est l’attachement réel de Valls à la France ? Cet immigré a-t-il changé du tout au tout ? Qu’a-t-il apporté à notre pays ? J’admire beaucoup l’Espagne, c’est un grand pays. Malheureusement Manuel Valls ne nous transmet pas de la civilisation espagnole ce qu’elle a de plus remarquable, qui est justement son esprit chevaleresque. Valls n’est pas un caballero, c’est un très petit monsieur.
La France, contrairement à ce que pense M. Valls, ce n’est pas seulement un espace administratif qui distribue des cartes d’identité et des passeports. La France a existé au cours des siècles. Cela a coûté cher à ceux qui nous ont précédés. Ils en ont bavé, que ce soit dans les champs pour gratter la terre ou en maniant la baïonnette pour défendre le pays.
Et puis cette référence incessante de Valls à la République ! Ils commencent à me gonfler tous avec la République ! Je ne suis pas royaliste mais cette référence n’est faite d’évidence que pour gommer la référence à la nation.
Il faut sauver le monde blanc
Quelle sont les chances de la France et de l’Europe de résister à la décadence et à la submersion ?
Les chiffres sont terrifiants. D’un côté 735 millions d’Européens. Age moyen : 45 ans. Taux de reproduction : 1,4 enfant par femme. En face 6 milliards d’individus. Âge moyen 20 ans. Taux de reproduction : 4 à 5 enfants par femme. Le problème est géopolitique. Si l’on ne coupe pas les tuyaux entre les deux, si l’on ne supprime pas les pompes aspirantes, si l’on n’inverse pas le torrent de l’immigration, nous sommes battus sans même qu’il y ait besoin de révolution ou de guerre. Nous serons battus par les urnes. C’est une réalité mathématique incontournable. Nous aurons alors le gouvernement prévu par Houellebecq, la charia.
Autres chiffres auxquels il faut réfléchir : la Chine compte 1 milliard 400 millions d’habitants, l’Inde 1 milliard 500 millions. Si la Chine abandonne, comme c’est probable, sa loi inique de l’enfant unique, il est à craindre que sur le plan démographique le retour de balancier ne se traduise par des familles nombreuses puisqu’elle en était privée jusque-là. De sorte qu’on peut avoir une Chine à trois ou quatre milliards d’habitants ! Cela semble vu de Sirius mais c’est à cet échelon-là que l’on doit regarder l’avenir du monde. Il y a un million de Chinois en France. Ce sont des gens intelligents, actifs, discrets mais néanmoins puissants et redoutables. Comme nous voulons vendre nos dépouilles, les perles de la couronne à ceux qui ont les moyens de l’acheter, il y a du souci à se faire !
C’est pourquoi nous devons impérativement nous entendre avec la Russie pour sauver l’Europe boréale et le monde blanc. L’Europe boréale intègre les Slaves mais aussi la Sibérie dont je crains que les Russes ne puissent la garder eux seuls.
Kiev-Moscou : une affaire de famille
Précisément que pensez-vous des tensions actuelles entre l’Ukraine et la Russie ?
Je suis de ceux qui pensent que la situation s’est aggravée par l’intervention des puissances occidentales, et notamment celle des États-Unis. Disons les choses clairement : l’Ukraine est ruinée, que ce soit celle de Porochenko ou celle du Donbass. Je crois que c’est une affaire de famille qui doit se régler entre les Ukrainiens et les Russes. Il ne faut pas oublier que la Russie est née à Kiev. Par conséquent il y a beaucoup plus que des intérêts géographiques ou politiques dans cette affaire. Il faut que l’on trouve dans ces pays des hommes ayant une large compréhension des problèmes politiques et humains qui deviendraient inextricables si l’affaire tournait mal.
J’ai de l’admiration pour le président Poutine car c’est un homme responsable, ayant beaucoup de sang-froid ; j’espère que les tensions suscitées ou aggravées en Ukraine s’atténueront entre cousins germains, pour ne pas dire entre frères.
Syrie : la diabolisation artificielle d’Assad
Et quelle votre évaluation du conflit déchirant la Syrie ?
La diabolisation d’Assad est tout à fait artificielle. Bachar el-Assad n’était d’ailleurs pas désigné pour être le chef de la Syrie, cela devait être son frère. Je crois que ces pays composites, qui ne connaissent pas le système démocratique, qui n’ont l’expérience que des systèmes autoritaires, trouvent leur équilibre lorsque le pouvoir est issu d’une minorité. Car s’il est issu d’une majorité, il fait régner le totalitarisme. En revanche, s’il est issu d’une minorité comme c’était le cas en Irak où Saddam Hussein était un sunnite dans un pays majoritairement chiite, et comme c’est le cas en Syrie où les partisans de Bachar el-Assad sont alaouites, et donc minoritaires par rapport aux sunnites, on atteint à un certain équilibre. Et avoir voulu le perturber au nom de la démocratie formelle est un véritable crime contre l’esprit. Quel a été le but, quel est encore le but de la diplomatie américaine dans l’aggravation du désordre qui s’est institué au Moyen-Orient ? Je me perds en conjectures.
Quand on dresse en Syrie le bilan de la guerre civile, il ne faut pas oublier qui sont les attaquants et qui sont les attaqués. Le devoir d’un État, quel qu’il soit, est évidemment de se défendre. Le passif est inscrit totalement au compte de M. Bachar el-Assad et du gouvernement légal syrien. Ce qui est une position scandaleuse de la part d’observateurs et laisse à penser que le conflit a été suscité de l’extérieur. Le raccrochage misérable de M. Hollande à la résistance démocratique syrienne est un leurre. Il se moque du monde ou alors il n’a rien compris. Ces gens-là ne sont pas une force. Même les Américains commencent à s’en rendre compte. Il y a clairement deux forces en présence : ce sera soit la victoire de la Syrie sur le djihadisme, soit l’inverse.
Juppé et Sarkozy sont responsables du djihadisme en Libye
Et quid de la Libye ?
Nous avons été les instruments des États-Unis, en particulier Sarko l’Américain, dans l’installation du désordre. Certes l’ordre de Monsieur Kadhafi, aux yeux de la City ou même de Saint-Germain-des-Prés, pouvait être discutable. Mais alors il ne fallait pas le recevoir avec un tapis rouge comme on l’a fait. C’était un tyran qui était plutôt bienveillant car sur le plan social il procédait à un certain nombre de redistributions de la manne pétrolière qui ne se font plus désormais. Je rappelle que ce sont les bombardiers français qui ont cloué sur place l’offensive des blindés de Kadhafi sur Benghazi considéré pourtant comme le nid central du djihadisme. Ce sont donc les Français, c’est Sarkozy, c’est Juppé évoquant, avec des sanglots dans la voix, des torrents de sang, alors que le maire de Bordeaux n’en a jamais vu que dans des livres d’histoire, qui sont responsables de cette situation. Dans ce pays régnait naguère un ordre autoritaire et probablement assez éloigné de celui dont nous pouvons rêver, nous, en Occident, mais c’était un ordre. Or l’ordre, aussi injuste soit-il, est toujours supérieur au désordre.
Une politique américaine contraire aux intérêts de l’Europe
Comment jugez-vous la politique américaine en Europe et au Proche-Orient ?
Le problème de l’immigration est compliqué par le fait qu’une grande partie de cette immigration est musulmane et que le monde musulman est largement influencé par des conceptions extrémistes, des interprétations belliqueuses du Coran. Or force est de constater que lorsqu’il s’est agi de l’Europe, les Américains ont pris le camp des musulmans, des Bosniaques et des Kossovars contre les Serbes, chrétiens orthodoxes. Ils poussent par ailleurs à l’entrée dans l’Union européenne de la Turquie, musulmane à 95%. Il y a une arrière-pensée politique dont je suis bien obligé de constater que les résultats sont hostiles à la survie de l’Europe.
Est-ce que c’est délibéré de la part de certains milieux américains qui se débarrassent ainsi d’un concurrent redoutable ou est-ce de l’aveuglement ? Je ne sais, ne sondant pas les reins et les cœurs. Mais je m’aperçois que même le président Obama commence à hésiter sur les choix qui ont été faits.
Les opérations menées au Proche-Orient ont été désastreuses, en Irak, en Afghanistan, en Syrie. L’intérêt supérieur d’Israël auquel les États-Unis sont très liés a certainement joué un rôle important dans les décisions prises. Qu’Israël lutte pour sa survie et sa puissance, c’est somme toute logique. Il a donc tout intérêt à la division des pays arabes. Pour Tel-Aviv mieux vaut trois Irak qu’un seul ! Ou trois Syrie qu’une seule ! Reste que le patouillage américain dans cette région a été catastrophique.
L’instinct vital du peuple français !
Y a-t-il des raisons d’espérer ?
Malgré la modestie de ses moyens (il n’a même pas un journal, et il n’a ni radio ni télévision), le Front national est arrivé en tête aux élections européennes et départementales. Il est un courant qui remonte la pente. C’est la première fois en géographie qu’on voit ça : une rivière qui remonte la pente !
Nous représentons une force qui s’est constituée contre tout et contre tous au cours des années et qui correspond à une traduction de l’instinct vital des Français. Les Français qui ne veulent pas mourir se battent à nos côtés. La vie est un combat, à moins d’accepter d’être un voyeur de l’histoire qui regarde passer les événements sur des voies tracées par d’autres comme les vaches regardent passer les trains. Si on a le sentiment de jouer sa vie, celle des siens, car chacun a des responsabilités à l’égard de ceux qui l’entourent, ses enfants, ses camarades de travail, ses voisins, ses concitoyens, alors on veut résister de toutes ses forces à une entreprise de destruction, de désintégration qui vise sans le savoir au néant. Car si on néantise l’ensemble des problèmes, il n’y a plus de problèmes, il n’y a plus rien et Dieu même perd ses droits !
L’un des principaux mérites du Front national, comme d’ailleurs de Rivarol, c’est d’avoir duré, malgré les épreuves, les traversées du désert, l’adversité générale et de ne pas avoir été emporté, comme tant d’autres, par la débâcle financière, la lassitude, le découragement. Je crois beaucoup à cette devise des parachutistes : « Être et durer. » Sans durée, il n’y a pas d’impact. Il faut du temps pour se faire connaître, respecter et emporter l’adhésion du public.
Indulgence pour nos camarades
Plusieurs dizaines de candidats du Front national ont été sanctionnés pour avoir tenu des propos jugés politiquement incorrects par la direction du mouvement. N’est-on pas trop sévère avec eux et ne donne-t-on pas le sentiment fâcheux de céder à la pression médiatique, SOS-Racisme et l’UEJF ayant annoncé des dépôts de plainte contre ces candidats frontistes ?
On conçoit très bien que le FN soit contraint dans sa démarche générale de défendre son image lorsqu’elle est quelque peu atteinte par les faiblesses ou les imprudences de quelques-uns de ses adhérents ou de ses candidats. C’est la supériorité de l’ordre public. Toutefois j’insiste beaucoup pour que cela soit fait dans le strict respect de nos statuts, ce qui n’a pas toujours été le cas.
Lorsque quelqu’un contrevient à une disposition générale de notre mouvement, il doit être suspendu et traduit devant la commission des conflits qui va instruire son affaire, s’informer, savoir de quoi il s’agit, donner la parole à la défense, instruire à charge et à décharge et prendre une décision. Dans ce genre d’affaires la direction du mouvement craint, à mon sens de manière excessive, la malveillance de nos adversaires. Parce que je suis de ceux qui pensent que cette malveillance est aussi un de nos éléments de force. Ceux qui détestent et méprisent les gens qui nous attaquent les détestent et les méprisent d’autant plus qu’ils nous attaquent injustement.
Les journalistes ont essayé à plusieurs reprises de me « coincer » sur ces affaires ; beaucoup de ces camarades ont certes été imprudents. Ils n’ont pas encore le sens de la responsabilité du net, croient à tort que l’on peut dire ce que l’on veut sur la Toile, que c’est un espace de liberté. On peut certes écrire ce que l’on veut à ses risques et périls lorsque l’on n’a pas de responsabilités politiques. Mais lorsque l’on est dans un mouvement, que l’on a l’honneur de porter un drapeau électoral, on doit faire attention à ce que l’on dit, essayer de ne pas nuire à la cause que l’on sert. Quelquefois les sanctions peuvent être sévères mais elles doivent être en tout état de cause corrigées par la sauvegarde de l’esprit de camaraderie. Par exemple je n’ai pas trouvé que l’image de Madame Taubira et du singe était d’une grande finesse ni du meilleur goût mais je n’ai pas retiré pour autant mon estime à Madame Leclère scandaleusement condamnée à neuf mois de prison ferme. Quand Charlie-Hebdo procède à des caricatures, là, cela ne choque personne, lorsque nous sommes représentés sous des formes bestiales voire sous des formes d’étrons, tout cela est jugé très drôle. En revanche, lorsque l’on fait le quart du centième de cela, nous sommes cloués au pilori.
Comprenez-vous que l’on puisse être anti-démocrate ?
Je comprends tout à fait qu’on mette en cause la démocratie, qu’on la combatte, ce n’est pas le problème. Mais souvent ce que ne comprennent pas les antidémocrates et les monarchistes, c’est que l’on est de fait dans un système démocratique avec des règles qui s’appliquent. Nous nous battons sur un terrain donné, que nous ne choisissons pas, c’est ainsi. Quand les marins combattent à terre, ils deviennent des fusiliers marins et ce sont des soldats. Quand les soldats embarquent sur un bateau, ils deviennent des fantassins de marine. C’est le terrain qui définit la mission et le comportement. Si l’on ne comprend pas cela, on ne comprend rien à la politique.
Peu importe que l’on parle de nous en bien ou en mal. L’essentiel, c’est qu’on en parle ! Il faut exister politiquement. Ceux qui ne se rendent pas compte de cela n’ont rien compris. Auraient-ils les meilleures idées du monde, s’ils les partagent avec leur cousine ou avec leur frère, cela fait trois voix. Dans un système démocratique c’est inexistant.
Œuvrer à des Pâques françaises !
En conclusion que voulez-vous dire aux lecteurs de Rivarol ?
Le rôle du Front national, c’est d’aller aux élections mais ce n’est pas nous qui régentons la philosophie, l’histoire. Chacun doit sur son terrain se battre avec un objectif qui est élémentaire : vivre, et si l’on est menacé, survivre. Or nous sommes menacés. Et il n’y a rien de plus grave pour un organisme, un homme, un État que d’être menacé sans s’en rendre compte.
Je m’honore d’avoir été un sonneur d’alerte, d’avoir depuis des décennies procédé à une analyse de l’évolution géopolitique de notre temps et d’avoir décrit les problèmes que nous allions rencontrer. C’est si vrai que la première affiche du FN il y a 43 ans disait : « Avec nous, avant qu’il ne soit trop tard. » C’est donc que nous avions déjà le sentiment de l’urgence des réformes à faire et des remèdes à apporter à une décadence qui s’esquissait à la fin des Trente Glorieuses. Décadence qui touchait au profond de la société française, à sa morale, à sa psychologie, à sa conception du monde, déjà entraînée dans un torrent mondial, ne s’étant pas physiquement relevée des deux conflits mondiaux, le premier où elle avait perdu beaucoup de jeunes hommes, beaucoup de sang français et le second qui avait été très ambigu, très complexe, très contradictoire, très démoralisateur.
Je m’honore aussi d’avoir rétabli l’honneur d’être de droite. Pendant un long moment les gaullistes ne voulaient pas être de droite. Ils méprisaient le terme. L’un des premiers livres du FN qui n’est pas assez connu et que je vais faire rééditer, c’est Droite et démocratie économique. Un livre qui est l’exaltation de la libre entreprise comme moyen économique et politique d’équilibre de la nation. Nous revendiquions cette étiquette de droite qui ne nous était pas accordée. Alors qu’il n’y avait pas de droite, nous étions déjà qualifiés d’extrême droite. Or ce choix sémantique n’est pas innocent. Car extrême gauche, cela donne gauchiste, mais extrême droite, cela ne donne pas droitiste mais extrémiste de droite. C’est très subtil mais très vicieux en même temps. La sémantique est aussi un terrain de bataille qu’il ne faut pas négliger.
Plus que jamais aujourd’hui nous devons avoir conscience que se joue l’avenir de notre pays, de notre peuple, de la vie individuelle de chacun d’entre nous et de nos descendants. La France et même l’Europe ont-elles encore la capacité et la volonté d’exister dans le monde alors qu’elles en ont tracé le cadre civilisationnel depuis 2.000 ans ? Le torrent démographique mondial conjugué à la volonté délibérée de nos élites de ne pas assurer la reproduction de nos familles au nom d’un individualisme et d’un hédonisme qui seraient les parangons de la vertu moderne vont-ils conduire au suicide de notre nation, de notre continent, de notre civilisation ? Nous voulons croire que l’instinct de vie sera plus fort que les forces mortifères. Sur le papier c’est un défi certes aussi invraisemblable que celui de David contre Goliath. Et pourtant au final c’est David qui a gagné. C’est là qu’il nous faut être habiles dans le choix de l’arme et de son maniement.
Quand nous faisons la comparaison des forces en présence et que nous constatons leur disproportion, il y a de quoi être terrifié. Mais nous devons croire en notre capacité à gagner et à survivre car dans la longue histoire de notre pays il y eut des moments comparables à celui-ci, où il apparaissait qu’il n’y avait plus de chances pour la France. Et grâce à l’action de la Providence et à celle d’une poignée d’hommes résolus et courageux, la France est repartie.
En ces fêtes pascales où la vie triomphe sur la mort, l’espérance sur le désespoir, nous devons plus que jamais croire aux Pâques françaises tant il est vrai que c’est la nuit qu’il est beau de croire en la lumière.
Propos recueillis par Robert Spieler
et mis en forme par Jérôme Bourbon
Source : Rivarol, n° 3183 du 9 avril 2015