Frédéric Villaret, docteur en sciences. Spécialité : ingénierie écologique des écosystèmes artificiels
♦ Irma sature les écrans télé. Le cyclone n’a pas seulement atteint les Caraïbes et la Floride, mais aussi nos esprits, manifestant une fois encore que notre monde est devenu un village. Un quidam se prend une planche dans les fesses en sortant de chez lui à 8000 km et nous nous réfugions, paniqués, dans notre salle de bain.
Et une fois planqués dans la douche, Nicolas Hulot, ex-commercial de L’Oréal, maintenant ministre, nous promet encore davantage de répression au nom du « réchauffage » climatique. Pourtant, il n’y a pas encore longtemps ces cyclones ne soulevaient rien d’autre que quelques planches.
Ces ouragans sont fréquents, ceci depuis des lustres. Quiconque a lu les récits de marins sait que cette zone était redoutée pour cela. Depuis, les scientifiques ont expliqué la cause de ces phénomènes. L’eau y est chaude, l’évaporation forte et l’atmosphère fraîche en altitude, etc. Tout ceci est à l’origine de gradients (différences) de température et d’humidité importants. Une fois certaines valeurs limites atteintes, le système se rééquilibre en dissipant de l’énergie via ces cyclones, observés partout sur la planète. Physiquement, c’est assimilable à un orage dû aux différences de potentiel électrique entre le ciel et la terre.
Irma est loin d’être le premier ouragan et, de surcroît, pas le plus fort. Il y en eut d’autres bien plus violents à des époques pré-industrielles. La littérature évoque souvent celui du 18 août 1891. Il n’est pas le seul. Donc associer ces cyclones à des conjectures indémontrables relève de la foutaise, au mieux, de la tromperie, au pire.
Dans les années 1990, les grands réassureurs mondiaux s’étaient intéressés aux conséquences de ces phénomènes naturels en concluant que les dégâts provoqués étaient en croissance, indubitablement, mais que ceci était dû non pas à l’augmentation de la fréquence et de l’amplitude de ces événements – peu de statistiques fiables existent –, mais tout simplement parce qu’il y avait davantage de gens et de biens qu’avant, donc les « sinistres » augmentaient.
Et encore, on doit relativiser cette ampleur. Ces événements provoquent bien moins de morts que les accidents de la route, et pourtant personne n’appelle à interdire les voitures. En écrivant ces lignes, Yahoo Actualités annonçait « Ouragan Irma : le bilan monte à 12 morts en Floride »… C’est triste pour les douze et leurs proches, mais ce n’est que le prix – humain – à payer pour un camion percutant un car.
Hier, les gens soumis à ces cyclones étaient habitués et savaient y faire face. Dans ma jeunesse, on racontait que chacun réagissait avec calme aux Antilles. Alors que beaucoup d’habitants vivaient encore dans des logements dignes d’un village de vacances du Club Med, ils notaient soigneusement leur nom sur chaque tôle ondulée de leur domicile et, une fois la tempête passée, s’employaient à reconstituer le puzzle. Mais depuis, une partie importante de cette population a connu un enrichissement lui permettant de se construire une maison, mais pas beaucoup plus solide que les cabanes qu’ils occupaient hier. Voilà pour les images de désolation que la télé diffuse. Quant aux hôtels abîmés, ils sont généralement construits à pas cher pour accueillir ce tourisme de masse qui n’existait pas il y a quarante ans. On remarquera que les belles maisons tiennent le coup car elles sont construites en prévision. L’approche des assureurs dans les années 1990 s’en trouve donc validée. La croissance des dommages n’est pas due à la hausse des événements naturels, mais à l’enrichissement de ces régions. L’enrichissement étant envisagé comme la quantité de biens et de services disponibles.
Cet enrichissement suscite la convoitise. Cette crise leur offre des opportunités. Pillages et violence animent ceux n’ayant pas profité de la « croissance ». Mais sur cette violence, les médias ont des pudeurs. Voir des délinquants se balader avec des machettes pour piller les maisons de la classe moyenne, Blancs et Noirs réunis, ferait désordre… Bien plus qu’un cyclone lambda.
Frédéric Villaret
15/09/2017
Correspondance Polémia – 15/09/2017
Image : « Quiconque a lu les récits de marins sait que cette zone était redoutée pour cela ! »
Bateau dans la tempête, dessin de Louis-Philippe Crépin (1772-1851) qui fut le premier à recevoir le titre de peintre de la Marine française en 1830.
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