La revue de presse du Libre journal de Dominique Paoli sur Radio Courtoisie du 5 août 2019 portera sur des questions internationales passionnantes.
L’interdiction du port du voile intégral aux Pays-Bas
Le 1er août 2019 entrait en vigueur aux Pays-Bas la mesure d’interdiction du port du voile intégral dans l’espace public. Aux termes de la loi votée en juin 2018, l’interdiction vise les vêtements qui couvrent le visage quelle que soit leur nature. Cependant la police, comme les sociétés de transports publics et les hôpitaux ont annoncé qu’ils renonçaient à faire appliquer la loi. Comme argument, la police a indiqué qu’il ne s’agit pas pour elle d’une priorité. Par ailleurs, le journal Libération dans son édition du 2 août 2019 indique que le parti communautaire Nida qui se décrit comme une formation « d’inspiration islamique » et met l’accent sur la lutte contre la discrimination envers les musulmans, a annoncé qu’il payerait les éventuelles amendes reçues par les femmes voilées.
Certes, pour un Français, il paraît surprenant que des organismes publics et en premier lieu la police refuse d’appliquer une disposition législative, en l’occurrence une disposition qui touche à l’ordre public. Mais les Pays-Bas ont une tradition historique d’un large degré de liberté qui remonte à la création des Provinces-Unies au XVIe siècle. Ces dernières décennies, ils se sont montrés particulièrement libéraux concernant la drogue, sa consommation et son commerce.
Comme les autres pays d’Europe occidentale, les Pays-Bas, qui furent aussi une puissance coloniale, ont vu arriver des populations immigrées d’origine non européenne venant notamment de Turquie, du Maroc, d’Indonésie. Ils subissent donc dans leur démographie des transformations culturelles majeures.
Au regard de la loi et de son application, la France peut paraître plus restrictive que les Pays-Bas mais les apparences ne doivent pas faire illusion. Les deux pays sont enserrés dans les mêmes ensembles multinationaux, l’Union européenne d’abord mais aussi le Conseil de l’Europe avec la Cour européenne des droits de l’homme qui tendent à définir des normes communes. Néanmoins, il faut souligner, s’agissant de l’interdiction du port du voile que la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt du 11 juillet 2017 a reconnu le droit pour la Belgique d’interdire le port du voile intégral. Les juges ont considéré qu’il s’agissait comme pour la France d’assurer « la sécurité publique, l’égalité entre l’homme et la femme et une certaine conception du vivre-ensemble dans la société ».
Les immigrés qui arrivent en Europe, pour la plus grande part sans qu’ils y soient autorisés, sont dans une large majorité d’origine musulmane et ils constituent surtout en France et au Royaume-Uni une masse significative ce qui ouvre la voie à des revendications communautaires. Or, au sein du monde musulman, la pression de la mouvance islamiste va grandissante, favorisée dans son expansion par les monarchies du Golfe persique, riches de leurs ressources pétrolières.
En face, malgré l’inquiétude croissante des peuples européens, un pouvoir dominant, constitué par les partis qui gouvernaient traditionnellement, certes en net recul quant à leur assise politique (en Italie, ils ont cédé la place), les dirigeants de l’Union européenne et les univers médiatiques et intellectuels, promeut l’immigration et ce qu’il estime être son corollaire, la société multiculturelle. Or l’islamisme, dont la fraction la plus importante mais non la moins déterminée est représentée par les Frères musulmans, est conquérant. Il s’agit d’abord pour les islamistes d’imposer leur emprise sur les communautés musulmanes et d’imposer au pays d’accueil des dispositions propres, exorbitantes de leurs droits, au bénéfice de ces communautés musulmanes.
Le pouvoir dominant tel qu’il a été défini précédemment, miné par l’idéologie pour certaines de ses composantes, voulant croire pour les autres que les concessions assureront la paix civile sans compter les élus qui cherchent à garantir leur réélection, est dans une logique de recul, jetant l’opprobre sur ceux qui dénoncent une menace. Pour les idéologues, réfugiés dans la défense des minorités, les contradictions évidentes entre les valeurs de liberté et d’égalité qu’ils n’ont de cesse de mettre en avant et les codes défendus par les islamistes, notamment sur la place des femmes, sont évacuées par la figure de l’opprimé, supposé. Au nom d’une intersectionnalité, la femme musulmane ne serait pas opprimée par le port du voile, mais elle exprimerait ainsi sa liberté et son identité face à l’occidental, l’ancien oppresseur colonial et qui le demeurerait dans sa mentalité.
Dans un article publié le 30 juillet 2019 par Figarovox, intitulé « Islam : pourquoi beaucoup, en France, s’interdisent de nommer les faits qui gênent », Philippe d’Iribarne présente toutes les contradictions de la gauche, en ce domaine : La gauche s’affirme passionnément attachée à la liberté et à l’égalité. Or, les pays musulmans témoignent jour après jour du fait que l’islam fait mauvais ménage avec l’une et l’autre… La liberté de conscience y est malmenée : aucun ne reconnaît le droit pour un musulman de se convertir à une autre religion.
Il n’est pas plus complaisant pour la droite : Face à cette construction idéologique, la droite s’unirait-elle pour construire un discours de vérité ? Il n’en est rien. Certes, opérer des distinctions entre les citoyens ne la choque pas. Sa vision de l’égalité reste largement celle d’Aristote… Mais elle est engluée elle aussi dans des imaginaires qui diffèrent, pour reprendre la distinction classique de René Rémond, entre les trois droites. Du fait de leurs différences ces trois droites s’avèrent incapables de définir une vision commune. S’agissant de la droite orléaniste, telle que l’entend l’auteur, celle-ci (s’il est possible de la considérer comme de droite dans les temps actuels ou une partie de la gauche est rallié au libéralisme économique) paraît bien aveugle et aussi muré dans une idéologie face à la réalité des choses : Pour la droite orléaniste, les musulmans forment une collection d’individus indépendants dont chacun a le droit d’agir à sa guise, et il n’y a pas lieu de prêter attention à l’emprise collective d’un islam social et politique.
Philippe d’Iribarne observe que le pouvoir politique, quel qu’il soit, craint à la fois d’être accusé de maltraiter l’islam et de mettre en péril ses relations avec les pays du Golfe. Il faut reconnaître qu’aucun de ces deux arguments n’est recevable. Le premier n’est que l’expression d’une faiblesse quant au second, les relations entre les Etats sont affaire d’intérêts et, dans ce cadre, les Etats du Golfe seront respectés une volonté politique clairement affichée. D’ailleurs, chacun connaît les bonnes relations établies entre l’Arabie saoudite et Israël, et pourtant !
En conclusion Philippe d’Iribarne fait appel à l’héritage des Lumières : Il est temps, pour les Français de tout bord, de se rappeler qu’ils ont en partage l’héritage des Lumières et de chercher à se retrouver autour de son idéal de lucidité dans des débats attentifs aux réalités du monde.
L’avenir peut paraître sombre, mais, sur la carte politique de l’Europe, le camp des progressistes, cher à Emmanuel Macron, voit son espace se restreindre et réduit à une posture défensive.
La guerre commerciale Chine-Etats-Unis
Le 31 juillet 2019, les représentants des Etats-Unis et de la Chine se sont rencontrés à Shangaï pour la poursuite des négociations entre les deux pays, destinées à rééquilibrer leurs échanges commerciaux. En 2018, dans un contexte d’une diminution de l’excédent global de la balance commerciale de la Chine, le solde des échanges commerciaux avec les Etats-Unis a au contraire augmenté de 17,2% au bénéfice de l’Empire du milieu. D’une manière générale, depuis le milieu des années soixante-dix, la balance commerciale des Etats-Unis est déficitaire corrélativement avec un recul substantiel de la part de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière dans le produit intérieur brut (en 2018 aux environs de 12%). La place du dollar comme monnaie internationale de réserve permet le financement de ce déficit. Néanmoins, le recul de la production industrielle américaine a conduit à une paupérisation de la classe moyenne américaine, principal facteur qui explique l’élection de Donald Trump.
Dans la composition du déficit commercial américain, la part de la Chine est majeure (voir Figaroprémium économie du 2 août 2019 : Les fronts ouverts par Donald Trump dans sa guerre commerciale).
Selon les termes officiels, les échanges du 31 juillet entre les deux délégations, qui portaient notamment sur les transferts de technologie, les droits de propriété intellectuelle et les barrières non-tarifaires (Capital – 31 juillet 2019 : Commerce Chine-USA : pourparlers « constructifs », rendez-vous en septembre) ont été « francs, efficaces et constructifs » et la négociation devrait reprendre au début du mois de septembre. En fait, selon John Plassard (Figaroprémium économie, 2 août 2019, Guerre commerciale : « Trump est dans une course contre la montre ») : la rencontre des négociateurs à Shanghai cette semaine s’est très mal passée. Le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin est reparti au bout d’une demi-journée. Les Chinois, qui avaient promis d’acheter massivement du matériel agricole, ne l’ont pas fait. Pas plus qu’ils n’ont cessé d’exporter du fentanyl, un opiacé très puissant qui fait des ravages aux États-Unis. On voit qu’ils sont très loin d’arriver à un accord.
Le jeudi 1er août, Donald Trump a annoncé que les Etats-Unis allaient étendre les droits de douane supplémentaires de 10% déjà imposés à une part des produits chinois importés, à la totalité de ces produits importés qui représentent aux environs de 300 milliards de dollars. La Chine a annoncé des mesures de rétorsion. Face à cette situation Armelle Bohineust, titre son article du 2 août 2019 publié sur Figaropremium économie : Guerre commerciale : Trump provoque un séisme.
En fait, il apparaît que Donald Trump, hommes d’affaires, fidèle à sa ligne de conduite tente, de créer un rapport de force favorable pour aborder la prochaine étape de la négociation avec la Chine. Certes, comme le souligne John Plassard dans l’article évoqué précédemment, Donald Trump et les dirigeants chinois n’ont pas le même rapport au temps. Le premier va briguer le renouvellement de son mandat lors des élections présidentielles américaines de novembre 2016, les seconds situent leur action dans une perspective à moyen et long terme qui vise à faire de la Chine la première puissance mondiale.
Quoi que puisse penser et écrire certains commentateurs qui ne voient l’avenir de la planète qu’à travers le prisme du libre-échange, dans le cas de l’élection d’un président démocrate, il est fort probable que ce dernier, dans des formes différentes, ne renoncerait nullement à une nouvelle définition des échanges commerciaux avec la Chine. Contrairement à l’Europe, les Etats-Unis, dans leurs relations internationales sont dans un rapport de puissance et ils entendent dans cet ordre conserver la première place. A cet égard, il convient de souligner leur politique énergétique.
Grâce à l’exploitation de pétrole et de gaz de schiste (en fait, de la roche-mère), les Etats-Unis sont redevenus le premier producteur mondial d’hydrocarbures (Avec 15 millions de barils par jour en 2018, les Etats-Unis sont les premiers producteurs de pétrole, devançant l’Arabie Saoudite et la Russie, qui en ont produit respectivement 12 et 11 millions de barils par jour ; ils sont les premiers producteurs de gaz naturel avec 832 milliards de m³ en 2018, devant la Russie et le Qatar, avec respectivement 670 et 176 milliards de m³ – Atlantico Interdiction en trompe l’oeil : la France, premier importateur européen de gaz de schiste américain – Samuel Furfari ). L’Amérique dispose ainsi d’un atout économique et politique majeur. Outre l’effet sur la balance commerciale, l’Amérique peut ainsi peser sur le marché des énergies fossiles dont la Chine est une grande consommatrice. De ce point de vue, il faut comprendre aussi le retrait des Etats-Unis de la COP 21 compte-tenu de l’importance pour ceux-ci des énergies fossiles. Sur la forme un autre président que Donald Trump aurait certainement agi différemment. Sur le fond, il aurait montré peu d’empressement pour l’application de l’accord ou il aurait trouvé des biais.
Par ailleurs, ce constat sur l’importance des énergies fossiles pour les Etats-Unis amène à considérer sous un nouvel angle leurs relations avec la Russie (voir Politique internationale n° 164 Jean-Michel Quatrepoint L’extraterritorialité Arme de la guerre pétrolière). Loin de la théorie de Zbigniew Brzezinski exprimée dans les années quatre-vingt-dix selon laquelle la Russie constituait encore une menace géopolitique pour le continent européen, elle apparaît d’abord pour l’Amérique comme un concurrent sur le marché du gaz naturel en Europe. A ce jour, 35% des exportations américaines de GNL auraient l’Europe pour destination. Pour sa part, la Russie achemine par gazoduc le gaz naturel qu’elle exporte vers le Vieux continent. Au-delà des justifications politiques, il faut voir dans l’hostilité américaine à l’encontre du projet de gazoduc Nord Stream 2 qui doit relier directement la Russie à l’Allemagne des explications économiques. C’est l’interprétation qui peut être donnée à la récente décision du comité des Affaires étrangères du Sénat américain qui a adopté le 31 juillet un texte prévoyant des sanctions contre les individus et les entreprises ayant participé à la construction de ce gazoduc (RT France – 2 août 2019).
Comme toujours les Etats-Unis, allient la morale à leurs intérêts (selon le sénateur Ted Cruz la Russie aurait historiquement utilisé l’énergie comme une arme). Dans les faits, il apparaît bien qu’il s’agit d’une mesure protectionniste destinée à défendre un marché à la croissance potentielle.
La question de l’euro
Dans une série de trois articles parfaitement argumentés, publiés par Figarovox entre le 23 et le 30 juillet 2019 (Le chômage de masse en France (1/3): «Une conséquence de nos errements monétaires» Le chômage de masse en France (2/3): «Nous devons rétablir notre compétitivité face à l’Allemagne» Le chômage de masse en France (3/3) : Comment passer de la spirale déflationniste à la croissance ?) Didier Long, physicien et Sébastien Laye, chercheur associé du cercle de réflexion Thomas More montrent comment la monnaie unique est à l’origine du chômage de masse que subit la France et les pays d’Europe du sud. Selon les deux chercheurs, ce chômage de masse est lié à la surévaluation du taux de change de l’euro pour la France et les pays d’Europe du sud et aux politiques monétaires suivies depuis la fin du système de Bretton Woods. Il faut rappeler que Jacques Sapir a aussi démontré au fil de nombreux articles les méfaits de la monnaie unique sur l’économie française comme sur celles des pays d’Europe du sud.
Les deux auteurs soulignent que l’économie française se caractérise par un sous-emploi très important par rapport au Royaume-Uni, à l’Allemagne, aux Etats-Unis ainsi que par rapport à beaucoup d’autres pays comme l’Autriche, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark. En termes de chiffres, ils observent que le nombre total d’emplois en France est de 27 millions pour une population totale de 67 millions d’habitants alors qu’il est de 32 millions au Royaume-Uni pour 63 millions d’habitants, 41 millions en Allemagne pour 81 millions d’habitants et 162 millions aux Etats-Unis pour 325 millions d’habitants. En France, à partir de 2008 le non-emploi s’est mis à croître encore plus vite qu’auparavant.
Cette situation tient selon les auteurs à une politique monétaire inadaptée depuis 40 ans aggravée par la création de l’euro. Pour les promoteurs de celui-ci, outre l’idée que la monnaie unique conduirait à un Etat ou à une vraie organisation politique continentale, il y avait aussi en France une conception selon laquelle celle-ci était incapable de maîtriser son inflation sans ancrage monétaire avec l’Allemagne. Or l’observation montre que depuis 1960, les taux d’inflation sont, en moyenne, relativement parallèles entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France et c’est l’Allemagne qui par sa faible inflation constitue l’exception. La répulsion allemande vis-à-vis de l’inflation relève de raisons historiques liées à l’entre-deux-guerres, au-delà de l’épisode d’hyper-inflation de 1923-1924. L’Allemagne a donc imposé ses vues avec l’assentiment des dirigeants français au détriment de leur économie. Ainsi, Didier Long et Sébastien Laye remarquent qu’au cours des quinze dernières années, le taux de marge des entreprises françaises est passé, en moyenne, de 38% à 27%, les parts de marchés de produits manufacturés français en Europe sont passés de 18% à 12% tandis qu’un million d’emplois étaient détruits. L’euro donc ou plus exactement notre inadaptation à l’euro agit comme un étau qui écrase notre économie. La France qui était auparavant dans la moyenne en termes de déficits budgétaires a maintenant l’un des déficits les plus élevés d’Europe. Ces déficits obligent à des emprunts sur les marchés financiers qui servent non pas à financer des investissements mais à subvenir aux dépenses sociales de l’Etat engendrées par le chômage de masse.
Par comparaison, les auteurs se réfèrent au système monétaire international défini en 1944 à Bretton-Woods qui a fonctionné jusqu’au début des années soixante-dix. Dans ce système les déficits commerciaux conduisaient à des dévaluations et les excédents à des réévaluations ce qui avait pour effet, structurellement, de maintenir un équilibre des échanges commerciaux. En outre, dans le système de Bretton-Woods, le poids économique de l’Allemagne était limité compte-tenu de la présence des Etats-Unis et d’autres puissances non-européennes ce qui faisait que le mark ne pouvait guère peser par le haut sur le cours des autres monnaies. Il n’en a pas été de même avec la création du Système monétaire européen qui pouvait s’apparenter à celui de Bretton-Woods mais qui était propre aux pays européens entraînant donc un poids économique majeur de l’Allemagne et une sur-évaluation d’une monnaie comme le franc. L’économie française caractérisée par une inflation légèrement supérieure à celle de l’Allemagne était donc sous-compétitive par rapport à cette dernière. Cependant, du fait de la manière dont l’Allemagne a géré économiquement sa réunification (attribution de salaires trop élevés dans l’ancienne Allemagne de l’est), l’économie française s’est trouvée à la fin des années quatre-vingt-dix plus compétitive que l’économie allemande. Mais la France a perdu rapidement cet avantage temporaire (fixation des parités monétaires à la création de l’euro, réforme des 35h puis les réformes Schroeder au début des années 2000). L’Allemagne qui jusqu’alors n’avait guère d’excédents commerciaux (voir site Perspective du monde Outil pédagogique des grandes tendances mondiales depuis 1945 – Balance commerciale % PIB), a vu ses excédents croître pour atteindre 8% du PIB en 2015 (6,77% en 2018), ceci au détriment des pays d’Europe du sud qui sont enfermés dans une spirale de destruction de leurs économies. L’Allemagne comprime ses salaires afin de comprimer la demande interne pour pouvoir répondre à cette demande externe. Les différences de compétitivité ont pour conséquence que les industries allemandes réalisent des superprofits par rapport aux profits à l’équilibre monétaire en vendant à l’Italie, la France et l’Espagne. Ces profits sont recyclés dans le système financier pour prêter à l’Italie, l’Espagne et la France afin de financer leurs déficits commerciaux abyssaux et acheter des produits allemands.
Face à cette situation qui ne saurait être durable, la crise des gilets jaunes en est une conséquence, Didier Long et Sébastien Laye envisagent deux options. Dans la première, il serait mis fin à la culture déflationniste de l’Allemagne par une hausse de 20% des salaires et des retraites, en plus de la tendance actuelle, qui pourrait être étalée sur plusieurs années avec une hausse additionnelle de 4% par an pendant cinq ans. Ainsi, la demande adressée par l’Allemagne à l’étranger augmentera tandis que la demande extérieure adressée à l’Allemagne baissera. Sur le marché des changes, la valeur de l’euro devrait baisser de 10% en cinq ans par rapport aux cours des autres monnaies. L’autre option serait une sortie de l’euro négociée avec l’Allemagne.
La démonstration de Didier Long et Sébastien Laye s’avère particulièrement intéressante avec une argumentation particulièrement approfondie. S’agissant des deux options proposées pour résoudre la situation, il est fort peu probable que l’Allemagne puisse accepter une hausse conséquente de sa demande interne affaiblissant voire annulant son solde commercial extérieur. Par ses excédents, elle se constitue notamment une épargne au regard d’une population vieillissante où le nombre d’actifs ne cessera de diminuer. Une sortie négociée de l’euro, si elle est économiquement réaliste se heurtera à l’emprise idéologique à laquelle la monnaie unique est associée.
Si la monnaie unique n’est pas durable dans son mode de fonctionnement actuel, il est probable que c’est à l’occasion d’une crise que les dirigeants de la zone euro seront contraints de prendre les décisions qu’ils réprouvaient jusqu’alors.
Plus largement, par rapport aux propos des deux auteurs, il faut observer deux éléments. S’ils se réfèrent comme modèle au système de Bretton-Woods, force est de constater que les Etats-Unis ont mis fin à celui-ci en 1971 du fait de leur usage plus qu’abusif du dollar comme monnaie de réserve. D’autre part, les politiques monétaires européennes, si elles ont été particulièrement néfastes, ne sont pas les seules causes des difficultés constatées. En effet, les économies occidentales sont marquées depuis le milieu des années soixante-dix par une chute du taux de croissance de la productivité qui a rompu le modèle de l’après-guerre. Ainsi, si la fin de la monnaie unique, au moins dans sa forme actuelle, est une condition nécessaire, le redressement économique implique des politiques complémentaires pour retrouver un taux de croissance satisfaisant avec des agrégats économiques équilibrés.
Michel Leblay
05/08/2019
Source : Correspondance Polémia
Crédit photo : Domaine public