Pendant les travaux, la vente continue ! Ah ! Qu’ils étaient émouvants, tous ces Français animés de la flamme sacrée de l’union nationale, brandissant des drapeaux tricolores sur les places parisiennes ! Pour un peu, on en aurait oublié les drapeaux algériens et marocains brandis, tout aussi nombreux, aux mêmes endroits, après l’élection de Moi-président.
Qu’elle était exaltante cette Marseillaise chantée à l’unisson par des centaines de voix ! A vous donner envie d’oublier les sportifs français qui refusent de l’entonner pour des raisons ouvertement communautaires. Et comment le reprocher à ces musclés quand l’exemple vient d’aussi haut que la Garde des Sceaux de la République, qui refuse de chanter l’hymne national qui est certes inscrit dans la constitution, mais qu’elle ravale au rang de « karaoké d’estrade » ?
Qu’elle est admirable de souplesse, cette gauche unanime qui redécouvre les couleurs du drapeau et les paroles de la Marseillaise comme exutoires à sa trouille, après les avoir vilipendés, mis au rancart comme signes extérieurs de populisme, voire pire, de « nationalisme » pendant 30 ans !
Allons, à tout pécheur miséricorde ? Bien sûr ! Mais à condition qu’il se repente. Or, vous y croyez, vous, au repentir de ceux qui prêchent la repentance ?
Allez donc voir l’exposition « Douce France » à la mairie du XIIIe et vous y serez édifié sur la sincérité de l’amour tout neuf de la patrie, venu comme par réflexe exorciser une peur toute neuve aussi.
L’exposition – qui dure depuis le 15 décembre et se termine le 28 janvier – est celle d’un « artiste de rue » qui s’est illustré notamment en allant offrir son soutien et un tableau à Christiane Taubira, tiens, justement, l’an dernier.
Dès l’affiche de l’exposition, même les plus candides devinent l’anguille sous la roche.
Le titre « Douce France », illustré par un portrait de tirailleur sénégalais de la Grande Guerre, c’est de l’ironie, braves gens ! Enfin, vous savez bien : les Sénégalais, ce sont les indigènes que le commandement français envoyait par priorité se faire hacher par les mitrailleuses allemandes ! (Que la vérité historique ne corresponde pas au cliché n’a rien à faire dans la démonstration). Bien sûr, il y a plus gros comme ficelle, mais on s’en sert pour attacher les cargos.
Alléché par l’exorde, on entre.
Et on trouve un développement conforme à l’introduction. Parmi les personnalités qui illustrent la « Douce France », on trouve Pétain, qualifié de « Pétain l’Hitlérien », Pierre Laval accompagné du titre de son Avis aux Israélites, tous deux constellés de taches de sang, un Malraux sur fond de carte de « l’Indochine française », et… un DSK accompagné d’un commentaire curieux : « Êtes-vous plus français que lui ? » Manifestement, non, dans l’esprit de l’artiste. Tout Français y est d’abord, a priori, un trousseur de domestique black !
Si, après ça vous n’avez pas encore compris que la « Douce France » c’est un pays rassis et raciste, confiné dans les regrets de son empire colonial, marqué à tout jamais par la honte des « heures sombres de l’Occupation » (elles auront fait du service, celles-là : 70 ans et toutes leurs dents), bref, un pays assez moisi et surchargé de motifs de repentance… Ce n’est ni grand, ni beau, ni généreux, la France…
Faut-il le détester, le mépriser, ce pays, pour n’avoir, au mieux, que de l’ironie en tête quand on pense à lui !
Bien sûr, il y a d’autres personnages dans cette galerie : Léon Blum, Jean Zay, Jaurès (en petit format, et qu’on a peine à reconnaître), Gabin, Johnny Halliday, Mireille Mathieu… On se dit que si c’est tout ce que le côté lumineux de la France a été capable de produire, il n’y a décidément pas de quoi se vanter.
Je ne sais pas si les dirigeants socialistes qui viennent de redécouvrir qu’un pays « doit être fier de lui-même et de ses valeurs pour donner aux “jeunes” envie de s’y intégrer » ont visité l’exposition. Je ne pense pas ; ça aurait donné un coup de mou à leur moral ; et une baisse de moral, c’est pas bon pour les sondages. Mais ils ont encore quelques jours pour y aller et retrouver une ambiance plus familière.
En revanche, on imagine aisément les cohortes d’enfants des écoles, d’ados et de parents qui ont pu venir y trouver ou y conforter de bonnes raisons de haïr ou de mépriser la « Douce France ».
Pourquoi voudriez-vous que ça change ?
Julius Muzart
20/01/2015
Photo : capture d’écran, vidéo expo C215 Christian Guémy, Douce France, mairie du 13ème – Paris janvier 2015, de « P ARt IS », YouTube
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