Dimanche 16 février, un débat organisé par la chaine RT France a opposé Jean-Yves Le Gallou à Catherine Withol de Wenden, directrice de recherche au CNRS et à une avocate spécialisée dans la défense des étrangers, Danielle Babin.
Si le thème de ce débat était « Immigration, des chiffres faux ? », il a permis d’aller au-delà de la querelle des chiffres et de soulever de nombreuses questions d’une actualité brûlante. Nous revenons sur les principales questions qui ont été abordées et les réponses qui y ont été apportées.
Frank, faux réfugié, vrai clandestin
L’émission commence par une interview de Franck, un « migrant » ghanéen. En Europe depuis 10 ans, Franck exprime son souhait d’avoir une vie meilleure en France. Son refoulement à la frontière franco-italienne est un motif d’indignation pour une militante d’Amnesty international, tout comme son impossibilité à déposer une demande d’asile en France.
L’avocate spécialisée dans la défense des étrangers, Danielle Babin, reconnait que « les conditions de l’asile ne sont pas ce qui est à la base de l’immigration ». Voilà une façon de reconnaitre que Franck, le jeune ghanéen issu d’un pays classé comme sûr, n’est pas un réfugié politique. Les motivations de Franck pour venir en France sont exprimées en toute transparence par l’avocate pro-migrants : « La France fait beaucoup d’efforts pour améliorer l’accueil des migrants ».
On trouve là une illustration de l’appel d’air créé tant par la décision de « mise à l’abri » systématique des clandestins annoncée à Orléans par le Président Macron en juillet 2017 que par l’octroi de droits toujours plus nombreux aux étrangers à s’installer en France. Catherine Withol de Wenden le dit à juste titre, un étranger issu d’un pays sûr peut déposer une demande d’asile en France et exiger qu’elle soit étudiée. Une pratique qui se développe notamment « grâce » à la Loi asile et immigration adoptée en 2018 qui a étendu le nombre de motifs pouvant être invoqués (orientation sexuelle, risque de mutilation génitale, etc.).
La contradiction est difficile à apporter à Jean-Yves Le Gallou quand il qualifie la procédure d’asile de « nouvelle filière d’immigration clandestine » : cette qualification a été retenue en 2015 par la Cour des comptes dont un rapport a fuité dans les médias (source : Ce que révèle le rapport confidentiel de la Cour des comptes sur le droit d’asile.20 Minutes, 13 avril 2015).
Le shopping migratoire
Tant la directrice de recherche au CNRS que l’avocate spécialisée dans la défense des étrangers ne manquent pas de le rappeler : il est possible à un demandeur d’asile débouté dans un pays européen de déposer une nouvelle demande dans un autre pays européen. Afin qu’elle ne soit pas qualifiée d’abusive, des « éléments nouveaux » par rapport à la demande initiale doivent être apportés. Cette possibilité de demandes à répétition, ajoutée au déploiement de moyens considérables pour l’accueil des clandestins, aboutit à ce que la France devient un pays « de rebond » pour les demandeurs d’asile (source : La demande d’asile continue à augmenter en France, pays de rebond. Le Point, 21 janvier 2020). Le shopping migratoire mentionné par Jean-Yves Le Gallou est d’autant plus favorisé que la France accorde plus facilement l’asile, à nationalités identiques, que les autres pays européens (source : Immigration, le suicide français. Paul Tormenen. Polémia. 31 janvier 2020).
La notion de « shopping migratoire » ou de « benchmarking » a été accréditée par des enquêtes de terrain. Comme le soulignait en 2018 le délégué général de l’Institut Thomas More, « les détails du droit, des systèmes sociaux, de l’accessibilité des systèmes éducatifs ou de santé sont connus de bien des candidats à l’immigration et constituent des critères de choix de la destination finale » (source : Oui, les migrants font du benchmarking. J.T. Lesueur. Institut Thomas More. 23 juin 2018).
« Les demandeurs d’asile viennent de pays sûrs »
Cette affirmation de la journaliste n’a pas pu être contredite par les deux invitées farouchement favorables à l’immigration. Bien que ces pays soient classés comme sûrs par l’OFPRA, la Géorgie et l’Albanie fournissent les 3e et 4e plus gros contingents des demandeurs d’asile en France (source : Décision du 9 octobre 2015 fixant la liste des pays d’origine sûrs. OFPRA). Cette pratique illustre le dévoiement du droit d’asile qui est utilisée comme un moyen détourné d’entrer et de séjourner dans le pays sans disposer de titre de séjour. Contrairement à d’autres pays européens, non seulement le gouvernement français ne freine pas cette pratique, mais il contribue à la développer, en augmentant les motifs d’étude des demandes d’asile et de protection.
« On ne peut pas reconduire les déboutés car leur pays est souvent en guerre »
Cette assertion prononcée au cours du débat renvoie à deux sujets :
-La délivrance de laisser passer consulaires. Jean-Yves Le Gallou a souligné la stratégie de certains pays pour rendre impossible les mesures d’éloignement du territoire et le retour des clandestins dans leurs pays d’origine. Si le faible nombre de retours forcés est parfois dû à la non délivrance ou la délivrance tardive de laisser passer consulaires, un négociation vigoureuse doit s’établir avec les pays d’origine des migrants à ce sujet. Le faible taux en France de reconduites effectives des clandestins par rapport aux autres pays européens est une nouvelle illustration du laxisme du gouvernement français à ce sujet.
-Les conflits sont endémiques dans certaines régions du monde. Refuser de renvoyer des déboutés du droit d’asile sur le seul motif qu’il y a des conflits dans une partie du pays d’origine aboutit à rendre possible une immigration massive par la procédure d’asile, une immigration de peuples et non d’individus. Certains pays comme la Suisse permettent le retour forcé dans des pays en conflit, sans que cela enfreigne les engagements internationaux pris par le gouvernement (source : La Suisse renvoie à nouveaux des réfugiés vers des zones de guerre. RTS. 21 avril 2019). Un retour qui a parfois été précédé par d’autres voyages dans le pays d’origine, à l’initiative des « réfugiés » cette fois-là.
« On ne peut pas renvoyer les jeunes étrangers qui arrivent en France »
Jean-Yves Le Gallou a souligné l’importance de l’interprétation des textes et de la jurisprudence dans l’application du droit ainsi que la nécessité de changer les dispositions en vigueur quand cela devient nécessaire. Le droit n’est pas une matière intangible, qui ne devrait pas être adaptée aux réalités et aux pratiques qui visent à détourner la finalité des dispositifs (asile, aide sociale à l’enfance, etc.).
La directrice de recherche au CNRS a invoqué lors du débat la convention 89 sur les droits de l’enfant, ratifiée par la France, qui interdirait le renvoi des mineurs étrangers dans leur pays.
Une comparaison des conditions d’« accueil et de prise en charge des mineurs non accompagnés dans huit pays de l’Union européenne » a été effectuée en 2010 par plusieurs Organisations Non Gouvernementales (source : L’accueil et de prise en charge des mineurs non accompagnés dans huit pays de l’Union européenne. I Red, France Terre d’asile, Cir. Octobre 2010). Il en ressort que la France est, dans le panel des 8 pays retenus, parmi ceux qui ont les conditions les moins restrictives. « Les mineurs non accompagnés sont nécessairement en situation régulière sur le territoire français et l’obligation de détenir un titre de séjour ne leur est pas applicable », concluent les ONG dans leur étude comparative. Ce qui n’est pas le cas dans plusieurs pays européens qui renvoient des jeunes étrangers arrivés clandestinement. Ce qu’une disposition du code de l’action sociale prévoit peut être modifié par un vote des parlementaires. Encore faut-il que la majorité d’entre eux le souhaite.
« On a suspendu l’immigration de travail depuis 1973 »
La directrice de recherche au CNRS devait ignorer quand elle a affirmé péremptoirement que l’immigration de travail était suspendue depuis 1973 que le travail détaché explose en France (près de 600 000 recours en 2018) et que plusieurs milliers premiers titres de séjour sont accordés à des extra européens chaque année pour le travail.
L’immigration de travail et la régularisation des « sans-papiers » ont été présentés par les deux intervenantes comme souhaitables, car les emplois vacants seraient nombreux en France.
Comme l’a souligné Jean-Yves Le Gallou, de meilleures rémunérations et de meilleures conditions de travail permettraient sans nul doute de pourvoir par des français les emplois vacants.
Une position qui est confirmée dans un récent article du Monde par la pression d’un employeur du BTP auprès des autorités pour recruter de jeunes « migrants » (traduire : des clandestins) (source : Mes petits gars ne peuvent pas travailler. Le Monde, 12 février 2020). « Tous ceux qui dépassent la deuxième génération d’immigration ne veulent plus bosser dans le BTP, constate-t-il depuis un moment. On embauche dix jeunes de quartier, il en reste cinq à l’arrivée », affirme-t-il.
L’embauche de clandestins risque d’être le début d’un nouveau parcours où l’emploi sert de tremplin à la régularisation, voire à la naturalisation, puis à des arbitrages entre l’assistanat et un emploi mal rémunéré et aux conditions de travail difficiles. Ce qui en cas d’arbitrage en faveur de l’assistanat aboutit à augmenter les prélèvements sociaux qui grèvent la compétitivité des entreprises…
« En même temps », le nombre de jeunes de 16 à 25 ans « ni en emploi, ni en formation, ni en études » est estimé à 963 000 en 2018 (source : PDF Les jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formation, quels profils, quels parcours ?. Dares, février 2020). L’immigration de travail, une priorité nationale ?
Les risques d’invasion migratoire
Jean-Yves Le Gallou a souligné l’enjeu de préserver l’Europe d’un afflux massif de population étrangère. Il y a effectivement un enjeu énorme dans la capacité des pays européens à arrêter les flux migratoires dont le potentiel est considérable. La population de l’Afrique devrait doubler d’ici 2050 et passer de 1,25 milliard en 2017 à 2,5 milliards en 2050 (source : La population de l’Afrique devrait doubler d’ici 2050, tripler d’ici 2100. Capital, 29 septembre 2017). L’explosion démographique est particulièrement importante en Afrique subsaharienne, dont est issue une forte diaspora en France (source : La population sub-saharienne devrait doubler d’ici 2050 selon l’ONU. France Info, 18 juin 2019). Comme le soulignait récemment Bernard Lugan, « vue d’outre méditerranée, l’Europe continuera d’être considérée comme une terre à prendre ». Le droit des européens à leur continuité historique va plus que jamais être menacé par l’instauration du multiculturalisme qui s’impose par la loi du nombre.
« L’immigration en Europe a baissé ces dernières années, après le pic de 2015 »
Les derniers chiffres communiqués par Eurostat montrent que si l’immigration légale en Europe a baissé après un pic en 2015 (4,2 millions d’arrivées dans les 16 principaux pays européens), l’immigration depuis 2016 dépasse fortement le niveau qu’elle avait avant ladite crise migratoire : 3,8 millions d’arrivées en 2016, 3,9 millions en 2017 (source : Immigration by age group, sex and citizenship. Nombre total d’immigrants de longue durée arrivant dans le pays déclarant pendant l’année de référence. Pays concernés : France, Allemagne, Pays Bas, Belgique, Autriche, Suisse, Irlande, Suède, Danemark, Finlande, Norvège, Grèce, Grande Bretagne, Espagne, Portugal, Italie. Eurostat. 15 novembre 2019). Si l’immigration illégale recensée a fortement diminuée depuis 2015, elle accuse un important regain en Grèce et en Italie depuis l’année 2019 (Operationnal portal, refugee situation. UNHCR. 18 février 2020). Il est donc abusif de dire que la crise migratoire est derrière nous, surtout en l’absence de volonté de nos dirigeants de nous en prémunir.
« L’immigration rapporte plus qu’elle ne coûte »
La directrice de recherche au CNRS Catherine Withol de Wenden s’est basée sur un récent rapport parlementaire pour affirmer que « l’immigration rapporte plus qu’elle ne coûte » (source : Rapport d’information sur l’évaluation des coûts et bénéfices de l’immigration en matière économique et sociale. S. Do, P.H. Dumont. Assemblée nationale. 22 janvier 2020). Mauvaise pioche, les rapporteurs de l’étude en question, tout en mettant en garde sur les différents biais des études disponibles à ce sujet, indiquent que « l’impact de l’immigration sur les finances publiques est un peu plus négatif (en France) sur les finances publiques qu’en moyenne dans l’OCDE, notamment en raison du faible taux d’emploi des immigrés et de l’ampleur redistributive du système socio-fiscal français au bénéfice des ménages modestes, parmi lesquels on compte beaucoup d’immigrés ». D’autres études tout aussi sérieuses et l’examen des récentes lois de finances montrent que l’immigration non seulement coûte cher, mais également coûte de plus en plus cher (sources : Immigration, la catastrophe. Que faire ? ». J.-Y. Le Gallou. Ed. Via Romana.2016. « La France interdite ». L. Obertone. Ed. Ring2018. « Etude : peut-on chiffre le coût de l’immigration ? ». La Voix des français. 16 février 2019).
« Des moyens considérables sont consacrés à la lutte contre l’immigration clandestine »
Alors que l’espace Schengen a vu l’abaissement des frontières intra-européennes, le budget de l’agence européenne des garde-frontières et de garde côtes (FRONTEX) est de 320 millions d’euros (source : Qu’est-ce que l’agence européenne de gardes-frontières et gardes côtes (FRONTEX) ?. 28 août 2019). Par un récent vote de la majorité des parlementaires européens, le budget du Fonds asile, migration et intégration, destiné à « soutenir la migration légale vers les Etats membres en fonction de leurs besoins économiques et sociaux » a plus que doublé pour la période 2021-2027, pour atteindre 10 milliards d’euros (source : Immigration : coup de pouce financier de l’UE aux pays d’accueil des migrants. RFI. 14 mars 2019). Si gouverner c’est choisir, les choix budgétaires de l’Union européenne montrent quelles sont les priorités.
Le débat organisé par RT France a permis de cerner plusieurs enjeux du déferlement migratoire qui est en cours. Tant la directrice de recherche du CNRS que l’avocate spécialisée dans la défense des étrangers ont utilisé une stratégie désormais courante en France : invoquer et critiquer des lois et des mesures soit-disant restrictives alors qu’elles permettent toujours plus d’immigration subie. Si le sondage réalisé à l’occasion de l’émission montre, une nouvelle fois, une franche opposition à la politique migratoire du gouvernement, il devient de plus en plus clair que seul un changement de majorité parlementaire permettra d’arrêter l’augmentation incessante de l’immigration.
Paul Tormenen