Par S. Quintinius ♦En Italie aussi, les juges gouvernent et empêchent les responsables politiques de réduire l’ampleur de l’invasion migratoire. Giorgia Meloni est ainsi confrontée à une équation complexe à résoudre : réduire l’immigration clandestine tout en ne disposant pas des outils juridiques pour le faire. Force est de constater que, loin de renverser la table, Meloni est en échec. Cet échec sera-t-il passager ou bien durable ? En attendant la réponse à cette question cruciale, la hausse de l’immigration en Italie a des impacts en France où Gérald Daramanin, fidèle à ses habitudes, n’hésite pas à bomber le torse – malgré un bilan désastreux – pour accabler l’Italie. Explications.
Polémia
C’est un exercice de commedia dell’arte un peu dérisoire auquel se sont livrés récemment le ministre de l’intérieur français et le ministre des affaires étrangères italien. Chacun y a joué un rôle, un rôle d’emprunt où l’un des protagonistes attribue à l’autre ses propres turpitudes, comme pour détourner l’attention d’une opinion publique qu’il jugerait peu clairvoyante. Ces simagrées ne cachent pourtant pas le refus de l’un et de l’autre de s’affranchir des règles juridiques qui permettent à l’immigration clandestine de prospérer en Europe.
Meloni, les espoirs déçus
L’arrivée au pouvoir fin 2022 en Italie de la coalition dirigée par Giorgia Meloni n’a pas entrainé de changements majeurs en matière d’immigration clandestine. En dépit des rodomontades de la présidente du conseil des ministres italien, celle-ci continue son inexorable progression.
Au 30 avril 2023, ce ne sont selon le HCR des Nations Unies pas moins de 41 815 immigrés clandestins qui sont arrivés sur les côtes italiennes depuis le début de cette année. Ces chiffres sont en forte progression par rapport à 2022, ce qui laisse augurer un bilan catastrophique pour Georgia Meloni en 2023, sa première année pleine au pouvoir en Italie. Le blocus appliqué aux bateaux des passeurs qu’elle entendait mettre en place en mer méditerranée semble avoir été oublié, et la sous-traitance du contrôle des départs d’Afrique du nord confiée aux autorités libyennes et tunisiennes tarde à produire des effets probants, c’est un euphémisme.
Immigration : le gouvernement italien tarde à faire ses preuves
Des conséquences en France
Bien évidemment, cette situation a des répercussions en France. Le département des Alpes maritimes doit faire face à un afflux de migrants clandestins et certaines de ses structures d’accueil apparaissent débordées. Cette situation dépasse le seul département des Alpes Maritimes, notamment à Paris qui voit affluer de nombreux dits « mineurs non accompagnés ».
Au micro de RMC le 4 mai, Gérald Darmanin n’a pas manqué de mettre en défaut la coalition au pouvoir en Italie, dont l’un des axes majeurs lors de la dernière campagne électorale était la maitrise des flux migratoires. Giorgia Meloni serait selon le ministre de l’intérieur français « incapable de régler les problèmes migratoires pour lesquels elle a été élue ». Et d’ajouter au sujet de la création d’une « border force », une force aux frontières : « En Australie, ça marche très bien (…) À la frontière, on interpelle les personnes et on leur fait passer des contrôles d’identité ».
Il n’en fallait pas plus pour provoquer une nouvelle crise diplomatique entre le gouvernement français et le gouvernement italien. Le ministre italien des affaires étrangères, Antonio Tajani, s’empressait d’annoncer sur Twitter : « Je n’irai pas à Paris pour la rencontre prévue avec la ministre Colonna. Les offenses du ministre Gérald Darmanin envers le gouvernement et l’Italie sont inacceptables, ce n’est pas dans cet esprit qu’il faut affronter les défis européens communs ».
Les rebondissements dans les relations diplomatiques entre le gouvernement français et le gouvernement italien sont loin d’être terminés. L’Italie est plus que jamais la principale porte d’entrée à l’immigration clandestine en Europe. Ce pays n’est bien souvent pour les migrants clandestins qu’une étape. Un universitaire italien estimait récemment qu’« au moins la moitié des 900 000 migrants débarqués en Italie depuis 2013 se sont retrouvés ailleurs en Europe ».
Mais dans cette affaire, ni le gouvernement français, qui voit affluer les demandeurs d’asile et les migrants clandestins, ni le gouvernement italien ne peuvent prétendre mener une politique ferme. Quand Gérald Darmanin fait référence à l’Australie, il omet de préciser que la politique du « No way », le refus ferme et définitif du débarquement des bateaux clandestins sur les côtes australiennes, a été une décision politique qui a valu à son gouvernement la réprobation des organisations de défense des droits de l’homme. Les autorités australiennes ont en effet délibérément choisi de retrouver la maitrise des flux migratoires en s’affranchissant des règles posées par certaines conventions internationales. Un choix et une décision que ne sont visiblement prêts à prendre ni le gouvernement français, ni le gouvernement italien. Tout le reste n’est qu’un jeu d’ombre où la lumière a bien du mal à transparaitre.
S Quintinius
05/05/2025