Une très belle cérémonie d’hommage public à Dominique Venner a eu lieu vendredi 31 mai à Paris, Salle Equinoxe, devant plus de 600 personnes. Parmi les hommages rendus, voici celui de l’essayiste espagnol Javier Portella. Polémia
Voilà donc qu’aux temps de la grande mollesse où nos seuls dieux s’appellent confort, loisirs et commodités ; aux temps où tout se vaut et rien ne vaut rien – sauf l’argent et sa quête –, voilà qu’en de tels temps quelqu’un ôte sa vie pour affirmer tout le contraire : la beauté, la grandeur et la noblesse de notre destin.
Le camouflet infligé à notre monde im-monde est brutal ; les leçons, multiples. Mais je tiens à en souligner une. Devant l’homme pantouflard ; devant ce lâche qui ne croit qu’à ce qui est utile, pratique et faisable, Dominique Venner vient affirmer aussi bien la grandeur que la gratuité de son geste.
Il avait de la classe, Dominique Venner, cet aristocrate dans l’âme qui appartenait à la haute « aristocratie secrète » qu’il appelait de ses vœux. Or, voilà que, contrairement aux petits-bourgeois qui règnent aujourd’hui, les aristocrates sont – ou étaient – des gens capables d’accomplir des gestes aussi grands que gratuits ; des gestes qui ne visent pas à l’efficacité tangible, concrète, mesurable ; des gestes qui ne sont qu’un signe, un symbole, un exemple. À suivre… et tant pis si on ne suit pas !
Ils n’ont rien compris, les petits-bourgeois qui font grief à Dominique Venner d’un geste – prétendent-ils – qui « ne sert à rien », « n’a aucune utilité » et donc « aucun sens », comme le concluent ces « utilitaristes » qui semblent croire que le sens se réduit à l’utile et à l’agréable.
Ils n’ont pas compris que Dominique Venner savait parfaitement que son geste n’allait pas changer le cours du monde d’une façon mesurable, immédiate. Ils n’ont pas compris qu’il visait tout autre chose : la beauté, la noblesse d’un geste qui s’inscrit dans la longue durée et dont l’efficacité politique – si l’on tient au mot – ne peut se mesurer qu’en termes de semences, de germes à éclore. Et tant pis s’ils n’éclosent pas !
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Dulce et decorum est pro patria mori, disait Horace : « Il est doux et glorieux de mourir pour sa patrie ». Il disait aussi : Carpe diem. « Cueille le jour présent ! » En se bornant au Carpe diem, les enfants gâtés d’aujourd’hui – l’Homo festivus dont parle Philipe Murray – croient avoir trouvé chez le pauvre Horace l’exaltation de leur hédonisme aussi misérable qu’égotiste ; leur hédonisme vulgaire, faudrait-il dire pour l’opposer à l’hédonisme héroïque que proclame Horace, lui qui nous enjoint à jouir de notre vie mortelle… et à être capables, s’il le faut, d’offrir cette même vie en défense de la patrie.
À quelle patrie a offert sa vie, cet autre grand hédoniste héroïque qu’était Dominique Venner ? La réponse se trouve dans ses livres. Il est mort pour notre patrie européenne, pour défendre le long lignage de cette Europe en proie aujourd’hui à ses propres démons et à ceux qui découlent du Grand Remplacement – ce mot heureux, forgé par Renaud Camus – que nos oligarques nous infligent. Dominique Venner est mort pour l’Europe. Il est donc mort aussi pour la France, partie intrinsèque de l’Europe.
Il n’y a nulle opposition, nulle contradiction entre nos peuples européens. Il n’y a qu’une foisonnante, riche diversité au sein du même esprit. Il est heureusement disparu le nationalisme chauvin qui dans « Le Siècle de 1914 » nous a menés à la perdition. Voilà encore l’une des grandes leçons que nous donne Dominique Venner, cet Européen de France.
C’est fier de cette leçon et en tant qu’Européen d’Espagne que je viens ici saluer la mémoire de Dominique Venner en même temps que j’apporte à vous tous – et en tout premier lieu à sa famille –, en mon propre nom et au nom de tous les amis de l’autre côté des Pyrénées et de l’autre côté de l’Atlantique, notre salut ému.
Javier Portella
05/06/2013