Après le décès de Jean-Marie Le Pen ce 7 janvier 2025, les hommages se multiplient. Découvrez ci-dessous celui de Françoise Monestier, qui évoque le rapport de l’ancien président du Front national à la Grèce, antique et moderne.
Polémia
D’aussi loin que je m’en souvienne, Jean-Marie Le Pen, fils de marin-pêcheur fier de ses racines celtes et bretonnes, n’avait cependant jamais oublié tout ce qu’il devait à la Grèce antique. Mais également au peuple grec qui, en 1821, avait su se libérer du joug ottoman. Il évoquait ainsi volontiers ces pallikares qui aimaient en découdre avec l’Agha au nom de la Liberté. Il se rappelait également les horreurs de la guerre civile qui divisa le pays de 1947 à 1951, qu’il s’agisse des massacres commis par les communistes soutenus par Moscou ou de l’enlèvement de plus de 30.000 gamins grecs ravis à leurs parents et déportés derrière le Rideau de fer pour y être « rééduqués », une tragédie soigneusement occultée.
En 1984, lors de l’arrivée de dix députés du Front National à Strasbourg, il avait accueilli au sein du groupe des Droites Européennes, Chryssanthos Dimitriadis, représentant la Droite nationale grecque, sans oublier bien sûr les députés « missini » conduits par Giorgio Almirante, le chef du Mouvement social italien.
Comme tout homme civilisé de son temps, il avait fait ses humanités, connaissait sur le bout du doigt ses déclinaisons latines et grecques, mais ne s’était pas contenté de remiser Thucydide, Aristote ou Héraclite dans un coin de son cerveau.
« Moi, je suis philhellène. La Grèce est ma nourrice. Il existe un ouvrage important, l’Anthologie de la Poésie grecque, de Robert Brasillach. D’un côté, le texte grec, de l’autre la traduction. Quand je lis la poésie grecque, je rajeunis » , aimait-il à dire, se moquant du tiers comme du quart d’avouer sa prédilection pour un écrivain maudit dont, après avoir fait enregistrer Les Poèmes de Fresnes par Pierre Fresnay pour sa société la SERP, il récitait encore de tête « Noël en taule » le 25 décembre 2021.
Il parlait même un peu le grec moderne, qu’il avait pratiqué lorsque à bord du bateau de François Brigneau en 1973. Il avait navigué entre les îles grecques, en compagnie de Jean Bourdier et de leurs femmes respectives, Pierrette et Brigitte. Certains Crétois se souviennent encore de leurs escales bien arrosées et ponctuées de chants de marins.
Il nous arrivait même de parler quelques mots de grec quand je le voyais à Montretout ou dans les locaux du FN à Saint-Cloud.
Il ne perdait jamais une occasion de rappeler que la « France est la fille aînée d’Athènes et de Rome ». Il aimait à dire, sur un ton patelin, devant des journalistes médusés, que les Grecs avaient été les « inventeurs de la préférence nationale », ce en quoi il avait parfaitement raison.
Lors d’un colloque du Conseil scientifique du Front national tenu le 12 octobre 1996 à Paris, le Menhir avait ressuscité les mânes de l’auteur de L’Anabase en ces termes : « Ressusciter le sens premier des mots vrais, des choses vraies et les vivre intensément, en un mot réinventer le sens du vrai, du bon et du beau dont Xénophon il y a vingt-cinq siècles, avait fait une exigence de vie, telle est notre ambition ». Dénonçant une classe politique qui perçoit le monde à travers le prisme déformant des écoles du « prêt- à -penser », Jean-Marie Le Pen opposait à cette servilité « la liberté dont Thucydide nous a enseigné qu’elle constituait le plus précieux des biens » et concluait sont intervention en rappelant avec Héraclite, que « Polemos est le père de toutes choses ».
Kalos Kagathos, tel était l’homme que nous pleurons aujourd’hui.
Françoise Monestier
08/01/2025
Crédit photo : Jean-Marie Le Pen, le 02 octobre 2006, dans sa résidence de Montretout à Saint-Cloud – Nikeush [CC BY-SA 4.0]
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