Camille Galic, journaliste, essayiste
♦ Hystérie dans les médias la semaine dernière après la publication d’un sondage Harris Interactive réalisé pour France Télévisions et donnant pour la première fois Emmanuel Macron en tête des intentions de vote pour le premier tour avec 26% des voix devant Marine Le Pen (25%) et François Fillon (19,5%).
Au banquet républicain, rendez-nous les fourchettes !
L’édition 2017 de la « reine des élections » aura été celle de tous les coups de théâtre, de la renonciation de François Hollande le 1er décembre dernier à la désignation du quasi-inconnu Benoît Hamon à l’issue de la primaire de la gauche le 29 janvier, en passant par la liquidation des superfavoris Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et Manuel Valls, sèchement désavoués par leur électorat respectif malgré les sondages leur prédisant de flatteuses victoires.
Ces échecs répétés n’ont pourtant découragé ni les instituts de sondages ni ceux qui les leur commandent, d’où une cascade de rebondissements. Ainsi, deux jours après l’enquête de Harris Interactive hissant sur le pavois un Macron quasiment installé à l’Elysée grâce au ralliement de François Bayrou dont nul – et surtout pas l’intéressé lui-même qui, redoutant une humiliante défaite, préféra finalement bouder la course – n’avait mesuré l’importantissime influence, le sémillant éphèbe se retrouvait remis sur le même pied (26 % chacun) que la présidente du Front national par l’institut BVA-Salesforce, qui accordait 20% à François Fillon.
Quant aux deux enquêtes menées du 1er au 5 mars puis les 6 et 7 mars par le Centre de recherches de Sciences Po (Cevipof), elles témoignent, devait ensuite admettre Le Monde, que « le tohu-bohu du mois de février et de ces derniers jours autour de l’”affaire Fillon” n’a pas modifié sensiblement les intentions de vote des Français ». L’ancien Premier ministre rattrape son retard « entièrement au détriment d’Emmanuel Macron», tandis que « la candidate du Front national continue à renforcer sa position de favorite du premier tour », soulignait le quotidien vespéral, puisque, avec 27 % des intentions de vote, elle « fait, plus que jamais, la course en tête », alors même que l’institut canadien Filteris (qui avait prévu le choix de Fillon à la primaire de la droite et celui de Trump par les électeurs états-uniens) créditait Marine Le Pen de 23,86 % des suffrages et François Fillon de 24,13%, Macron étant éliminé avec 21,98 % seulement.
Dans ces conditions, qui croire ?
Pendant longtemps, les instituts ne publièrent pas des résultats à la décimale près mais des « fourchettes », avec une marge d’erreur de 2 à 3 points. Une méthode qui aurait dû perdurer, d’autant plus que l’électorat, lui, devenait sans cesse plus volatil, à l’image de la société tout entière. Mais si le recours aux « fourchettes » était honnête, il était moins vendeur aux yeux des médias, surtout les radios et chaînes d’information continue, molochs ayant sans cesse besoin de chair fraîche pour amorcer et doper l’audience. Comment, en effet, à la manière de BFMTV, consacrer chaque jour des heures d’antenne à la campagne présidentielle sans lasser le public, sinon en transformant en séisme de magnitude 9 la moindre inflexion sondagique, sur laquelle les politologues homologués peuvent gloser – voire se contredire, ce qui met du sel dans le brouet – à l’infini ?
Pourtant, comme le rappelle régulièrement Le Figaro, les intentions de vote ne constituent en aucun cas « une prévision de résultat », elles indiquent simplement « l’état des rapports de forces et des dynamiques au jour de la réalisation du sondage ». Rapports aisément manipulables au gré des commanditaires qui peuvent avoir intérêt à gonfler tel candidat pour effrayer le peuple souverain, ou à minorer tel autre afin de mieux mobiliser autour de lui… De fait, non seulement l’opinion mais aussi les responsables politiques sont manipulés par les sondages. Au risque de se déshonorer comme on l’a vu depuis le début de « l’affaire Fillon » avec le fol enchaînement des trahisons suivies de retours précipités au bercail.
Bien plus essentielle, à la vérité, est l’estimation du socle d’électeurs fidèles et résolus de chaque candidat. Or, parmi les personnes certaines d’aller voter, la proportion de celles qui déclarent que leur choix est définitif est de 83% pour les électeurs de Marine Le Pen (+ 2 points), de 76% pour ceux de François Fillon (avant, du moins, le sandale des costards offerts par un généreux ami), de 56% pour ceux d’Emmanuel Macron (avant que l’association Anticorruption) ne s’intéresse à la disparition du patrimoine du candidat des 3 millions gagnés chez Rothschild) et de Jean-Luc Mélenchon, et de 51% pour ceux de Benoît Hamon. Cela pourrait causer de nouvelles surprises et faire quelques déçus au soir du 23 avril.
Hollande en campagne… contre Marine !
Ce socle granitique dont dispose Marine donne des sueurs froides au président sortant. De conseil européen en zones de non-droit (telle, samedi dernier, Aubervilliers qui a bien changé depuis le temps où Pierre Laval en était l’indéboulonnable maire, si bien que la seule blonde à l’horizon était ce jour-là Elizabeth Guigou, député de Seine-Saint-Denis), il bat donc la campagne. Non pour soutenir le candidat officiel du PS mais pour remplir son « ultime devoir » : ameuter les populations contre « la menace de l’extrême droite » dont le seul objectif serait de « quitter l’Europe, se fermer au monde et imaginer un avenir entouré de barrières de toutes sortes et de frontières défendues par des miradors ». Un mix de IIIème Reich et de Corée du Nord, voilà donc ce que serait, selon le président en sursis obligeamment relayé par son Premier ministre Cazeneuve nous promettant également l’apocalypse, la France bleu marine !
Que Normal 1er regrette sa décision de décembre est un fait si patent que nul ne s’est étonné des révélations du Parisien affirmant qu’au mépris de toute transparence démocratique, le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius garderait au chaud 500 signatures d’élus parrainant Hollande, afin de les sortir éventuellement à l’heure H si le « petit Hamon » échouait décidément à séduire les foules. Encore un coup de théâtre !
Hautement improbable, il est vrai mais, à la faveur de son activisme, le futur retraité peut espérer reprendre la main sur son parti en lambeaux et tenter de le transformer en machine de guerre en prévision de l’alternance, lui qui déclarait dans ses vœux de la Saint-Sylvestre que « servir notre pays, agir pour la France, se battre pour la justice et le progrès est l’engagement de toute [s]a vie », concluant : « Je n’y renoncerai jamais » (voir ma chronique du 6 janvier : « “Moi, président”… à répétition ? »). Reste le cauchemar qui le hante : devoir le 8 mai, anniversaire de la victoire de 1945 sur les « forces du mal », remettre les clés de l’Elysée à la représentante de « l’extrême droite » honnie.
Qu’il ne s’inquiète donc pas : alors que plus de cinq semaines nous séparent du premier tour, les augures à calculette nous annoncent déjà qu’au second, Macron, le petit chéri des banques, du mondialisme et de mémée Trogneux, l’emportera haut la main sur Marine car plébiscité par 61 % des Français.
Mais peut-on vraiment faire confiance à la sondocratie ?
Camille Galic
17/03/2017
Source : Présent du 17 mars
Correspondance Polémia – 21/03/2017
Image : Marine Le Pen
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