Par André Posokhow, consultant ♦ L’École de guerre économique (EGE) a été créée en octobre 1997 par le général Jean Pichot-Duclos et Christian Harbulot. Elle propose un troisième cycle spécialisé en « Stratégie d’intelligence économique » pour des étudiants issus de grandes écoles et universités. Elle offre également, à des cadres supérieurs déjà en activité, la possibilité de suivre des formations professionnelles d’un an.
Son savoir-faire et sa position de leader sur le marché de la formation en intelligence économique sont reconnus dans le milieu.
La filière énergétique de la France est en danger et plus particulièrement son système de production d’électricité, ce qui pourrait entraîner la faillite d’EDF et son découpage industriel.
Certaines ONG influentes sont les sous-marins de groupes industriels ou de pays dont les intérêts ne coïncident pas avec ceux de la France et poussent dans le sens de cette dérive dans le cadre d’une guerre économique majeure. C’est particulièrement le cas de Greenpeace, ONG mondialiste de renom, qui a déclaré une guerre médiatique et judiciaire à EDF, pilier de la production et de l’indépendance énergétique de notre pays.
C’est le thème du rapport pénétrant et passionnant de Thibault Kerlirzin, titulaire d’un MBA en stratégie d’intelligence économique de l’École de guerre économique, qui met en relief, entre plusieurs études de cas, celui des conflits d’intérêt de Greenpeace, notamment avec Vestas, numéro un mondial de l’éolien industriel.
1) La guerre déclarée au nucléaire et à EDF
L’un des objectifs fondamentaux de Greenpeace est la lutte contre le nucléaire, aussi bien militaire, souvenons-nous du Rainbow Warrior, que civil, en référence à Tchernobyl et Fukushima.
C’est au premier chef à ce titre que l’ONG s’en prend à EDF devenue l’un des premiers producteurs mondiaux d’électricité nucléaire par décision politique de la France des années 1960 et 1970. Cette décision avait pour objectif de pallier la hausse du coût du pétrole et d’assurer l’indépendance énergétique de notre pays.
On peut, à la lecture du rapport et au-delà des intrusions dans les centrales nucléaires contre EDF et des actions judiciaires, déceler trois axes d’attaque :
– la contestation des chiffres du coût de production du nucléaire avancé par EDF et les autorités françaises afin de démontrer que les ENR sont plus rentables ;
– la dénonciation de « l’impasse financière » d’EDF et de son endettement ;
– le rappel de la dégradation de la note d’EDF par Standard & Poors et Moody’s, agences de notation dont le rapport souligne à quel point elles sont loin d’être fiables et indépendantes. En 2015 un rapport de la SEC a souligné la rigueur à géométrie variable des études de ces agences de notation financière.
Il s’agit bien d’une entreprise de destruction d’EDF et de notre système électrique jugé comme l’un des plus efficaces et les moins polluants de la planète.
2) Le scénario de transition énergétique de Greenpeace
En 2013, Greenpeace a mis au point un « scénario de transition énergétique » qui est le document de référence vers lequel renvoie Greenpeace France. Il n’est pas question de détailler ce scénario mais seulement d’en rappeler les points essentiels.
– La voiture électrique. Le rapport de T. Kerlirzin souligne les sévères impacts environnementaux des batteries de ces machines qui contiennent une terre rare : le lithium, dangereusement toxique pour l’homme, dont le recyclage, qui pose autant de problèmes que les déchets nucléaires, n’est pas mentionné par l’ONG.
– Il en va de même des écrans à cristaux liquides. L’étude de Greenpeace s’abstient de préciser que ces écrans sont produits via le trifluorure d’azote qui serait potentiellement 17.200 fois plus négatif pour le réchauffement climatique que le CO2.
– Greenpeace préconise, à juste titre, l’installation de panneaux solaires, énergie cependant intermittente et aléatoire, mais ne fait pas mention des risques environnementaux liés au silicium (« Il faudrait 280 kg de produits chimiques par kg de silicium produit » selon le rapport) et sanitaires.
– Enfin l’éolien industriel est la vache sacrée de Greenpeace depuis de nombreuses années. Le rapport souligne que le manque de rigueur de Greenpeace sur cette question remet en cause le principe de précaution au bénéfice de l’environnement dont cette ONG se réclame, notamment quant aux effets néfastes des éoliennes sur la santé humaine.
Greenpeace passe allégrement sur la problématique de cette source d’énergie : le saccage des paysages, le nombre astronomique de machines nécessaires pour remplacer le nucléaire, le coût de l’éolien qui ne baisse pas et même augmente légèrement, le subventionnement imposé aux consommateurs au travers de la CSPE, l’intermittence de la production, avec un facteur de charge moyen de 23% en l’absence de stockage de l’énergie.
C’est cette dernière raison qui explique que l’éolien augmente les émissions de CO2 et la pollution puisqu’il faut avoir recours à des centrales thermiques de complément.
Si Greenpeace occulte le fait que le charbon (le lignite en Allemagne) et le gaz sont nécessaires aux centrales thermiques qui pallient les éoliennes à l’arrêt, son principal mensonge par omission porte sur la question du néodyme. Il s’agit d’une terre rare présente à raison de plusieurs centaines de kg dans les aimants des éoliennes, extraite dans la province chinoise de Mongolie intérieure qui est pour cette raison une des régions les plus polluées du monde. Son extraction diffuse de la poussière radioactive, des vapeurs d’acide sulfurique et entraîne des déversements de déchets toxiques dans les sols et les nappes phréatiques.
Enfin l’éolien est vecteur de corruption, comme l’a souligné en 2014 le Service central de prévention de la corruption.
Mais pour Greenpeace : motus !
3) Le « double-fond » : Greenpeace et ses partenaires, parties prenantes du business écologique. Les liens avec les groupes de pression énergétiques
Greenpeace a coécrit en 2012 un rapport de 340 pages sur la révolution énergétique avec Global Wind Energy Council (GWEC) qui se présente comme « la voix du secteur de l’énergie éolienne mondiale » et l’European Renewable Energy Council (EREC), qui est une organisation parapluie de l’industrie européenne des énergies renouvelables qui emploie 550.000 personnes et dont les retombées financières se chiffraient en 2012 à 70 milliards€.
Les liens avec le business énergétique
– Greenpeace possède des intérêts économiques dans le business énergétique avec sa structure allemande Greenpeace Energy. Depuis 1999, Greenpeace Energy, profitant de la libéralisation du marché de l’énergie, est un fournisseur d’électricité verte, sous la forme d’une coopérative avec une part « toujours plus grande » d’énergie éolienne.
– Greenpeace Energy a une filiale, Planet Energy GmbH, qui a construit dix parcs éoliens, trois centrales photovoltaïques, et s’implique dans trois parcs éoliens. Planet Energy aurait déjà investi plus de 140 millions d’euros dans les centrales électriques « propres », et planifierait d’autres projets. Greenpeace Energy dispose d’autres filiales : Planet energy Verwaltungsgesellschaft I mbH, Planet energy Verwaltungsgesellschaft II mbH…
– Greenpeace Energy propose également d’installer des stations de recharge pour voiture électrique, en partenariat avec Wallbe, fournisseur de stations de charge à usage privé, semi-public et public. La question de la recharge des voitures électriques est un enjeu stratégique, au vu du développement que connaît ce secteur où le nucléaire représente un acteur et donc un concurrent de poids.
– Greenpeace Energy intervient dans l’hôtellerie en collaborant avec l’association des Bio Hotels qui comprend 90 hôtels (dont cinquante en Allemagne) dans sept pays européens, et ses bâtiments « éco-certifiés ».
– Greenpeace Energy travaille également avec Simon Energy qui est un fournisseur de panneaux solaires photovoltaïques.
Les partenariats de Planet Energy avec des acteurs du business éolien
Greenpeace Energy ne se limite pas à l’Allemagne. La coopérative cherche à étendre son activité et à construire des centrales électriques « propres ». Sa filiale Planet Energy souhaite s’implanter au sein d’autres pays européens dans le domaine de l’éolien ou de la cogénération de centrales alimentées au gaz naturel.
En Allemagne et à l’étranger, Planet Energy travaille avec plusieurs partenaires verts comme Senvion Germany qui est une multinationale de l’éolien présente dans plusieurs pays d’Europe : Pologne, Allemagne, Autriche, Italie, mais aussi Royaume-Uni.
C’est surtout avec Vestas Wind Systems A/S, société danoise qui est l’un des principaux fabricants mondiaux d’éoliennes (Vestas a construit près de 60.000 turbines éoliennes dans le monde et a réalisé un chiffre d’affaires de 10,3 milliards d’euros en 2016) que le groupe Greenpeace a partie liée.
En Allemagne, Greenpeace Energy est opératrice de quatre parcs éoliens construits par Vestas.
Greenpeace a milité pour le redressement de Vestas qui a connu des difficultés économiques de 2009 à 2012. Dans ce contexte le nucléaire et les projets d’EPR au Royaume-Uni constituent une concurrence inquiétante pour les projets éoliens off-shore de Vestas, inquiétude qui peut être corrélée avec les attaques de Greenpeace contre le projet d’Hinkley Point.
Les liens avec Triodos, bailleur de fonds de l’éolien
Depuis 2004, Greenpeace Pays-Bas est un actionnaire de la Triodos Bank. Cette banque, fondée par un mouvement nommé Anthroposophical Society, finance l’économie durable. En 2015 en Espagne, la Fondation Triodos a financé Greenpeace. En France, la Triodos finance plusieurs parcs éoliens comme Lamballe dans les Côtes-d’Armor. En outre, la banque a créé un fonds européen pour les énergies renouvelables.
Conclusion
En définitive, même si l’ONG reste discrète sur la rivalité économique que représente le nucléaire pour le chiffre d’affaires de sa filiale allemande, Greenpeace se trouve en réalité en plein conflit d’intérêts, sa main droite constituant son versant ONG, tandis que sa main gauche agit en acteur purement économique. Comme le dit T. Kerlirzin, nous sommes dans tous les cas très éloignés de l’image de David contre Goliath que se donne Greenpeace.
Ce sont les raisons pour lesquelles l’auteur de l’étude suggère, entre autres recommandations, de retirer à Greenpeace France sa qualité d’association d’intérêt général comme ce fut le cas au Canada et en Nouvelle-Zélande.
André Posokhow
24/12/2017
Correspondance Polémia – 27/12/2017
Crédit photo : Daniele Civello via Flickr (cc)
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