Pour les médias, l’extrême gauche marxiste est une gauche radicale. Le vote des Grecs est tout d’abord une gifle aux eurocrates de Bruxelles, serviteurs zélés d’un mondialisme qui déteste les nations et méprise les souffrances des peuples. Ce refus d’une politique imposée par un pouvoir étranger est un désaveu pour les hommes politiques nationaux couchés devant Bruxelles. À bon entendeur salut !
Cependant la victoire d’une extrême gauche marxiste et la satisfaction exubérante de Jean-Luc Mélenchon donnent à penser que les Grecs ne sont pas au bout de leurs peines et risquent de tomber de Charybde en Scylla.
La satisfaction de nos médias est de plus très intéressante. On voit bien que l’époque où les marxistes donnaient le ton et où tout « anti-marxiste était un chien » n’est pas si loin et encore bien présent dans certaines têtes. D’ailleurs, seule la droite a une extrême haïssable, la gauche, elle, à une tendance radicale. Il n’y a donc plus d’extrême gauche mais il y a toujours une extrême droite et hop !
Cela étant dit, tous ceux qui rejettent une Europe, ni nationale ni sociale, sont objectivement renforcés par la victoire de Syriza. Reste à savoir ce que ce parti va faire de sa victoire. Il voulait sortir de l’euro et annuler sa dette. Il semble ne plus le vouloir mais préférer négocier avec le monstre froid de Bruxelles plutôt que de trancher le nœud gordien. Alors qu’il compte une fraction dure, maoïste, trotskiste, anti-Union européenne, le parti a dû fermement s’engager à ne sortir ni de l’euro, ni de l’Union européenne. C’est essentiellement la crainte d’une sortie de l’Europe (75% des Grecs sont pour le maintien dans l’UE) qui avait fait perdre le précédent scrutin. C’est principalement les assurances européennes données par Syriza qui lui ont permis de remporter celui-ci. Syriza ne fait plus peur. Il risque donc de décevoir très rapidement. Alexis Tsipras, a déclaré souhaiter négocier avec l’Europe la réduction de l’énorme dette du pays (175 % du PIB), tout en se disant « prêt à coopérer et à négocier (…) une solution juste, viable et qui bénéficie à tous ». Cela s’annonce bien difficile.
« Il est impossible pour la Banque centrale européenne (BCE) d’accepter une restructuration des titres de dette grecque en sa possession », a cependant prévenu dès lundi Benoît Coeuré, membre du directoire de l’institution, après l’arrivée au pouvoir du parti de gauche radicale Syriza. « Il est absolument clair que nous ne pouvons approuver aucune réduction de la dette qui toucherait les titres grecs détenus par la BCE. Cela est impossible pour des raisons juridiques », a-il précisé dans un entretien au quotidien économique allemand Handelsblatt. Le mandat de la BCE lui interdit de financer les États européens, ce qui serait le cas lors d’une telle opération. L’Europe de madame Merkel est face à un problème.
L’extrême gauche rate de peu la majorité absolue et devra chercher un petit partenaire qui devrait adoucir encore les approches du nouveau gouvernement. Syriza, et le parti de droite souverainiste Grecs indépendants se seraient mis d’accord pour gouverner ensemble. « Nous allons donner un vote de confiance au nouveau premier ministre Alexis Tsipras », a affirmé Panos Kammenos, le président de cette petite formation de droite souverainiste.
Ce qui est a noter c’est la disparition du Pasok, l’équivalent du Ps français, bien embarrassé, qui a dominé la vie politique grecque pendant des décennies. On comprend mieux l’enthousiasme de Jean-Luc Mélenchon. Le parti de la gauche radicale a littéralement dévoré l’électorat du grand parti historique Pasok (socialiste), qui sombre autour de 5% après avoir obtenu des scores jusqu’à 45%. Rongé par le népotisme, le clientélisme et la corruption, le Pasok est tenu pour responsable de la crise qui a frappé la Grèce depuis 2010 mais aussi du drastique plan d’austérité, qui a réduit retraites et salaires, puisqu’il gouverne aujourd’hui en coalition avec la Nouvelle démocratie.
Autre fait notable, l’écart entre Syriza et le parti de gouvernement de la Nouvelle démocratie (droite conservatrice) est plus important que prévu. C’est une défaite cuisante pour le parti conservateur du premier ministre Antonis Samaras qui avait appliqué le programme d’austérité de l’Union européenne en échange du financement de la dette grecque, plongeant le pays dans une sévère récession et le chômage de masse (25%).
L’extrême droite, et là le terme parait pour une fois exact, se maintien et devient la troisième force politique du pays, alors même que ses principaux dirigeants sont en prison. Toute sa direction et sept de ses députés sont actuellement en prison, tandis que soixante dix autres élus et militants attendent d’être jugés pour « appartenance à une organisation criminelle ». Le parti d’inspiration néonazie ou au moins néofasciste a pris la troisième place de ce scrutin très attendu en Europe, obtenant 6,39% des suffrages et 17 sièges au Parlement devant La rivière, nouveau parti de centre gauche, qui obtenait 5,77% et seize sièges.
Lors des législatives de 2012, Aube dorée avait obtenu 6,92 % des suffrages (425.981 voix) et dix huit sièges au Parlement. Un résultat aujourd’hui encore très important au regard de la situation actuelle de ce parti traité en ennemi public de droit commun. Aube dorée est en embuscade en cas d’échec de l’extrême gauche… oh pardon de la gauche radicale.
Jean Bonnevey
Source : Metamag
26/01/2015