Accueil | Médiathèque | « Géopolitique de la France. Plaidoyer pour la puissance », de Pascal Gauchon

« Géopolitique de la France. Plaidoyer pour la puissance », de Pascal Gauchon

« Géopolitique de la France. Plaidoyer pour la puissance », de Pascal Gauchon

par | 31 juillet 2014 | Médiathèque

« Géopolitique de la France. Plaidoyer pour la puissance », de Pascal Gauchon

Le livre de Pascal Gauchon Géopolitique de la France. Plaidoyer pour la puissance était indispensable. Face à la morosité nationale et à la grande plainte de la décadence voire de l’effacement de la France il était important de porter un regard et de formuler des constats froids, objectifs et intellectuellement impartiaux sur l’état actuel de notre patrie. Pour ce faire P.Gauchon s’est livré à des recherches historiques, géographiques, économiques, politiques, fouillées et particulièrement brillantes, qui lui ont permis d’établir le bilan géopolitique de la nation française en 2012. Pour le lecteur certaines de ses vérités sont plaisantes et rassurantes à entendre. N.R.

Des atouts majeurs

La position de la France lui permet de jouer un rôle inégalable de carrefour et de passage. Le déséquilibre traditionnel entre Paris et la province a été partiellement pallié par la décentralisation et l’Aménagement du territoire qui a atteint ses objectifs essentiels. Il n’en demeure pas moins que Paris dirige toujours la France et que la région parisienne est une carte maîtresse de la France face aux autres métropoles du continent. Pascal Gauchon considère également que les DOM TOM représentent une présence mondiale et surtout l’atout de la deuxième zone économique exclusive au monde malgré le coût budgétaire : 12,7 milliards d’euros en 2009.

La France dispose d’infrastructures de qualité : infrastructures matérielles : transports publics, énergie nucléaire, même si elle est fortement contestée, voiries et bâti de qualité ; infrastructures immatérielles ensuite : système financier relativement prudent et de haute technicité, système éducatif en crise permanente mais dont le classement mondial ne reflète pas la valeur et le niveau réels, une position dans la recherche et le développement qui est loin d’être aussi désastreuse qu’on le dit, hôtellerie et commerce qui ont marqué de gros progrès ; enfin les Français eux-mêmes, qui ne travaillent pas assez mais dont la productivité est l’une des premières au monde. Malgré cela la compétitivité française est menacée et ne tient pas seulement au coût du travail.

Au plan économique la France est toujours la cinquième puissance économique mondiale, même si cette place est fragile et menacée, avec une large palette d’activités : l’agriculture avec son corollaire l’industrie agroalimentaire, une industrie qui souffre, qui délocalise et dont le solde commercial est déficitaire mais qui a été au rendez-vous de la réussite dans de nombreux domaines : aéronautique, armement, télécommunications, réacteurs nucléaires, pharmacie, matériel ferroviaire. Enfin la France dispose d’un poids réel dans le monde en termes de services et de tourisme. En revanche, Pascal Gauchon fait ressortir le déficit du commerce extérieur tout en soulignant que le masochisme français néglige les rentrées d’invisibles.

Élites et musulmans : des tendances sécessionnistes fortes

Au plan de la politique intérieure la France constitue un modèle très ancien d’État nation qui résulte de la volonté de vivre ensemble. Pascal Gauchon constate que la Constitution de la Ve République résiste au temps, ce qui est capital après des décennies d’instabilité et d’institutions faibles. Il montre la constance des choix géopolitiques fondamentaux, quels que soient les gouvernants successifs. En revanche, le modèle français hérité de l’après-guerre : poids de l’État sur l’économie, coexistence d’un secteur public important avec un secteur privé, laïcité, protection sociale, qualité du service de santé, se trouve clairement en crise. La France souffre d’un excès d’État et les réformes qui sont réelles sont lentes. Enfin, Pascal Gauchon souligne que le modèle français souffre de tendances sécessionnistes fortes : celles des élites, celles de la pratique religieuse des musulmans et celles des régions.

La France, plus que d’autres pays, dispose d’un « soft power », c’est-à-dire une influence, d’une grande puissance. La France demeure le pays de la liberté et des droits de l’homme. La francophonie constitue un atout réel même si l’anglais progresse. La France est aux yeux de beaucoup dans le monde le pays de l’art de vivre et des intellectuels et garde une grande capacité d’exporter des biens culturels.

Puissance extérieure : l’État arbitre

Enfin Pascal Gauchon arrive au dur de la puissance : le « hard power » dont la France est loin d’être dépourvue. Elle dispose d’une force militaire et d’une capacité de production d’armements qui en fait une puissance militaire de premier rang. Ce constat doit être fortement tempéré par la baisse continue et drastique des budgets militaires, l’intégration de nos armées dans des structures internationales et le recul de nos ventes d’armes. La France dispose également d’une représentation diplomatique importante, la deuxième du monde, trop importante peut-être. Cependant, l’action diplomatique doit tenir compte du poids des entreprises multinationales, des religions et des ONG. Mais la conclusion de Pascal Gauchon est plutôt optimiste : finalement c’est l’État qui arbitre.

L’ouvrage situe les relations de la France avec le monde :

  • à l’ouest les puissances anglo-saxonnes sont des alliés mais veillent à ce que la France ne prétende pas à un rôle trop indépendant et les relations avec les USA sont ambiguës qui laissent la possibilité de deux stratégies : chercher une place privilégiée aux côtés des USA, mais la place est prise, ou accentuer les différences ;
  • la France a joué un rôle majeur dans la construction européenne pour des raisons plus économiques que politiques. Contesté par un nombre croissant de Français, le choix de l’Europe apparaît comme un substitut à la grandeur passée et par conséquent un aveu de faiblesse. En tout cas sa position en Europe se dégrade ;
  • l’alliance avec l’Allemagne a été privilégiée. Mais elle est remise en cause du fait du déséquilibre croissant entre l’économie et la situation financière des deux pays, même si le couple franco-allemand demeure le moteur de l’Europe ;
  • les relations avec l’Afrique constituent un héritage économique, culturel, humain, politique et militaire considérable. Mais cet héritage est contesté par des concurrents puissants : les USA et la Chine. Surtout la Françafrique subit des critiques fortes et handicapantes en France et en Afrique ;
  • la France s’est employée à retrouver sa place dans le monde méditerranéen depuis les années 1960 mais le bilan est moins positif qu’il ne paraît.

Reprenons la conclusion de l’ouvrage. Celui-ci n’aura pas été inutile s’il a contribué à battre en brèche les idées reçues et à rappeler certaines vérités. La France possède des atouts exceptionnels. Elle a le droit de défendre ses intérêts avec réalisme et, pour ce faire, elle doit lever les contraintes qui l’entravent. Enfin, tout simplement, il est légitime qu’une puissance aspire à la puissance et la France en a les moyens.

Voilà un bilan, malgré de fortes zones d’ombre, plutôt encourageant à lire. Mais il s’agit d’un constat à un moment donné ou d’une photo. Alors, au vu des contraintes et des dérives, d’ailleurs pour beaucoup énoncées par l’auteur, quel pourrait être le film ? Car enfin la France ne pourrait aspirer à la puissance que si notre État nation en avait encore le pouvoir et la capacité et si les élites qui le mènent croyaient en lui et en son avenir.

Le rêve des élites ? Appartenir à l’oligarchie mondialiste ?

Ce qu’il est aisé de constater c’est que ces élites ne veulent plus, pour une large partie d’entre elles, de la France. Elles sont dominées soit par des résidus de pensée marxisante soit par l’idéologie mondialiste et européiste dont les médias importants sont le relais et les chiens de garde. Toutes ces élites, qu’elles soient celles de la politique, des dirigeants des grands groupes privés ou de la haute fonction publique, ne rêvent que d’appartenir à l’oligarchie mondialiste. Le concept même de nation est exclu du débat. Prononcer le nom de la France est incongru et fait ricaner. Ces élites ressentent leur légitimité comme vacillante et elles sont vulnérables aux groupes de pression : SOS Racisme, LICRA, collectifs divers et loges, au communautarisme, aux organisations écologistes, aux comités et aux prés carrés des syndicats. En fait, ces élites ont aujourd’hui un pouvoir très restreint et elles sont complices de cette impuissance et de ce déclin : Pascal Gauchon souligne bien le masochisme intellectuel français. Certaines de ces élites utilisent leur pouvoir contre l’État nation et leur propre patrie. C’est ainsi que l’enseignement de l’Histoire de France est doucement et subrepticement écarté afin d’effacer le sentiment de l’identité nationale. Que l’on pense à l’introduction de la théorie du genre dans les programmes scolaires. L’État mené par de telles élites est un État qui prône l’oisiveté, favorise les minorités sexuelles, encourage la destruction de la famille. Cet État, et la Nation derrière lui, est celui du déclin et de l’impuissance.

L’État français sous contraintes

Pascal Gauchon fait bien apparaître les contraintes qui pèsent aujourd’hui sur l’État français. Reprenons-en certaines dont la liste n’est pas exhaustive :

  • l’oligarchie mondialiste, qui pèse sur les décisions financières de la France ;
  • l’Europe, dont les directives l’emportent sur la législation française ;
  • les idéologies tyranniques, qui brident l’action de l’État : l’antiracisme, l’anticolonialisme, l’égalitarisme ;
  • l’idéologie écologiste qui s’oppose à l’atout de l’énergie nucléaire et d’un prix bas de l’électricité ;
  • l’euro, qui est une des causes majeures de nos déficits ;
  • l’idéologie libérale, qui nous a conduits à perdre, comme le souligne l’auteur, notre industrie de l’aluminium et notre sidérurgie.

Dans ces conditions l’État ne peut exercer pleinement et dans le respect des règles républicaines sa puissance et imposer son pouvoir.

Cet État a favorisé ce qu’il appelle une immigration qui est en réalité une irruption incontrôlée de masses humaines qui représentent environ 15% de la population française. Ce phénomène menace notre pays de submersion voire de transfert de population et notre civilisation. Les conséquences sur notre État Nation sont lourdes et menacent son pouvoir. C’est tout d’abord le communautarisme appuyé sur des religions actives qui menacent le modèle républicain et laïc français. Aujourd’hui l’État en est à tolérer de plus en plus des zones de non-droit mais où en réalité la loi d’autres s’applique. Dans ces conditions le pouvoir de l’État ne s’exercera prochainement sur notre territoire que dans les limites de la puissance qui lui sera concédée.

Pascal Gauchon a de bonnes raisons de souligner les points forts de l’économie française malgré les faiblesses qu’il relève. Mais elles s’effacent devant deux constats :

  • Les contraintes imposées à notre économie : euro, 35 heures, droit du travail, libre-échange débridé, délocalisations détruisent notre industrie malgré ses points forts et sont à l’origine de déficits du commerce extérieur que n’arrivent plus à combler les soldes des invisibles ;
  • La gabegie des finances publiques est à l’origine de déficits gigantesques et d’un endettement angoissant. Le taux de prélèvements obligatoires est devenu insupportable, provoquant la fuite de nationaux et la perte de forces vives. Au travers de ces prélèvements, au transfert de population s’ajoute un transfert de richesses. La situation est telle que, ne pouvant émettre de la monnaie et ne pouvant dévaluer, l’État français ne dispose que d’une très faible marge de manœuvre pour mener une politique.

Enfin, les instruments de la puissance régalienne manquent de moyens ou semblent entrer en perdition. C’est le cas de l’armée dont les budgets sont en récession constante. C’est le cas également de la justice, de la police. L’État s’efface sensiblement devant les régions et l’Europe de Bruxelles.

En fait, la France semble ne plus maîtriser son destin. Elle est trop souvent le jouet d’autres puissances plus fortes et organisées.

Pouvoir et vouloir

Et pourtant cette dérive n’est pas évidente et ne reflète pas un sens obligatoire de l’histoire. Comme le souligne Pascal Gauchon, dans le cadre européen la France est sans doute la nation qui dispose du plus beau potentiel. Mais ses élites ne veulent plus entendre parler d’elle et, positionnée comme elle l’est, elle apparaît plus comme une proie que comme une puissance. Cependant la France a connu des situations pires et s’en est relevée. Les atouts présentés par Pascal Gauchon seront peut-être les instruments non de la puissance mais du relèvement. Dans puissance il y a le verbe pouvoir. C’est le vouloir qui est absent.

Nicolas Reilhac
19/01/2013

Pascal Gauchon, Géopolitique de la France. Plaidoyer pour la puissance, Presses Universitaires de France PUF, 2012, 256 pages.

* Cet article a été initialement publié le 25/01/2013. C’est l’été : Polémia ralentit ses mises en ligne de nouveaux textes et rediffuse de plus anciens avec un mot d’ordre : « Un été sans tabou ». Voici donc des textes chocs aux antipodes du politiquement correct, des réflexions de fond sans concession et à la rubrique médiathèque, des romans et des essais à redécouvrir.

Cet article vous a plu ?

Je fais un don

Je fais un donSoutenez Polémia, faites un don ! Chaque don vous ouvre le droit à une déduction fiscale de 66% du montant de votre don, profitez-en ! Pour les dons par chèque ou par virement, cliquez ici.

Voir aussi