Laurent Ozon, auteur, conférencier et industriel
♦ Alors qu’une révolution conservatrice bouleverse l’ensemble du monde occidental, le Front national s’engage dans une révolution progressiste.
Les médias tendance Open Society, vent debout contre Fillon, tentent de transformer le second tour de la primaire en premier tour de la présidentielle. Juppé est bien le candidat Soros-Merkel dans cette élection et Fillon fait du Theresa May dans le ton avec, en gros, les codes et options stratégiques traditionnelles de la diplomatie gaullienne. L’espace se restreint pour le FN.
Il lui reste trois axes offensifs : le social, l’Union européenne et l’immigration.
Sur le social, Mélenchon sera plus efficace et il n’est pas impossible qu’un Bayrou s’y mette aussi. Mais si le FN accentuait cette option, il pousserait vers Fillon une part de son électorat traditionnel dans le Grand Sud-Est.
Sur l’europhobie/germanophobie, le FN a une « légitimité » mais l’espace est restreint car Fillon fera sa campagne sur une réforme de l’Union européenne et un « souverainisme national et européen ».
Sur l’immigration, l’espace est le plus large mais contrevient à l’option stratégique privilégiée jusqu’ici (on lisse, on arrondit, on recentre). Il est donc probable que le FN fasse le choix d’un retour à ses fondamentaux.
Après avoir raté l’élargissement à droite en refusant de rendre son discours sur l’Union européenne plus constructif, en ignorant les aspirations conservatrices d’un électorat déboussolé par la stratégie de déréglementation sociétale de la gauche (GPA, mariage gay, théorie du genre, etc.) qui aspire à une « révolution du bon sens » et en refusant de privilégier une ligne économique plus entrepreneuriale, le FN devra se replier en bon ordre sur la ligne anti-immigration et le « pourquoi-n’ont-ils-pas-fait-hier » pour éviter une catastrophe.
Contrairement à ce que j’ai lu un peu partout, les ressorts du vote Trump (conservatisme sociétal, ligne anti-immigration dure, relocalisation des emplois, colère/franchise, pragmatisme économique, anti-Etat et diabolisation des élites libérales et financières) ne sont pas les options privilégiées par Marine Le Pen.
Même si le cadre français est spécifique, la transposition du succès Trump avec une candidate recentrée, rusant avec les codes de la gauche et de la droite, laïciste et progressiste, étatiste, républicaine et ayant mis un large bémol sur l’immigration et les questions sociétales n’est pas crédible.
Hier, les jeunes amis de Florian Philippot chantaient l’Internationale à Science Po. Aujourd’hui, le vice-président et chargé de la stratégie du FN juge « efficaces » les affiches anti-SIDA et surtout pro-homosexualité qui choquent partout. Alors qu’une véritable révolution conservatrice bouleverse l’ensemble du monde occidental, le Front national semble, lui, s’engager dans une révolution progressiste, à rebours de son électorat potentiel et des Français.
Alors ? C’est simple, la ligne Philippot/Marine Le Pen n’est pas la bonne, comme de nombreux « compagnons de route » l’avaient évaluée, et il fallait être aveugle, borné ou suicidaire pour ne pas l’anticiper.
Si les choses se poursuivent ainsi, et que Fillon évite les faux pas, les législatives (dans la foulée de la présidentielle) risquent d’envoyer une marée bleue à l’Assemblée nationale et le FN, la gauche et le centre se partageront le tiers ou, au pire, le quart des sièges restants. Beaucoup espéraient mieux.
Laurent Ozon
25/11/2016
Source : Boulevard Voltaire.fr
Correspondance Polémia – 25/11/2016
Image : Plus de « Le Pen ». Plus de flamme. Plus de Bleu-Blanc-Rouge.