Non content d’avoir eu la peau du vieux chef au terme d’un psychodrame que les partis politiques (et les médias) affectionnent, Florian Philippot n’est pas du genre à s’arrêter en aussi bon chemin. Le protégé des chaînes d’information a décidé de saluer la victoire de Podemos en Espagne, comme il l’avait fait, il y a quelques mois, à l’occasion de la victoire de Syriza en Grèce. Ce geste politique, loin d’être anodin, appelle plusieurs réactions.
Si Florian Philippot voulait vraiment saisir toutes les occasions de saluer les victoires qui déstabilisent et inquiètent l’Union européenne, il aurait pu saluer la victoire du nouveau président polonais, issu du parti conservateur Droit et Justice, qui a mis KO le président sortant, issu du même parti libéral que l’actuel « président de l’Europe » Donald Tusk, et encore favori des sondages à 60% trois semaines avant le vote. D’autant qu’Andrejz Duda se réclame de Viktor Orbán, le banni du Parlement européen et vient de refuser de rencontrer le président ukrainien Porochenko, marionnette américaine, pour éviter de jeter de l’huile sur le feu entre Varsovie et Moscou. Mais Duda est issu d’un parti conservateur, catholique, et qui a bien mauvaise presse dans les capitales et les salles de rédaction. Philippot aurait aussi pu saluer l’entrée du très eurosceptique président du Parti des Vrais Finlandais, victorieux aux dernières élections législatives, comme ministre des Affaires étrangères du nouveau gouvernement de droite à Helsinki.
Mais pour Philippot, visiblement, seules les victoires de gauche sont belles ; les autres ne méritent au mieux qu’un demi-tweet.
Le salut à Podemos est surréaliste. Sa candidate de Barcelone n’est autre que la présidente du mouvement anti-expulsions. Sorte de DAL local qui, sous prétexte de refus de la misère, s’oppose tout simplement au respect dû à la loi. Car l’extrême gauche libertaire qui, il y a 30 ans, a investi l’écologie se dissimule désormais sous les oripeaux démagogiques de la lutte contre l’austérité. Est-ce avec le copinage de ces gens-là que le FN va rassurer le pays sur sa capacité de gestion ?
D’autant que, comme Syriza, Podemos est un farouche soutien de l’immigration de masse, mettant sur le même pied d’égalité le travailleur pauvre espagnol, sud-américain ou africain. Ce qui a permis d’ailleurs à l’un des porte-parole de Podemos d’immédiatement rejeter, avec hargne et mépris, les salutations de Philippot. Finalement, comme les grandes multinationales, les Syriza et Podemos mettent la question économique au premier rang des facteurs explicatifs de l’histoire et de la décision politique. Visiblement, Philippot aussi. C’est bien cela qui est grave.
Tactiquement, c’est aussi une erreur. À l’heure où l’UMP retrouve du poil de la bête avec la dynamique du changement de nom (quoi qu’on en pense) ; à l’heure où ses orateurs, Sarko en tête, mais aussi Estrosi et Ciotti en PACA, reprennent et martèlent un discours ultra droitier, dans un contexte de forte porosité des électorats FN et UMP, il est absolument contre-productif de continuer à Mélenchoniser le programme politique du FN, et de multiplier les repoussoirs symboliques à électeurs UMP, qui sont pourtant nécessaires à sa victoire.
La thématique de la sortie de l’Union européenne va redevenir une thématique de droite. Ces prochains mois, le « sortant » le plus crédible sera Cameron, le conservateur britannique, ami et allié de Sarkozy, qui vient de gagner les élections en récupérant notamment une bonne partie des électeurs UKIP des européennes.
Lors de son salut à Syriza, Philippot avait gaillardement entraîné sa patronne. Cette dernière s’est gardée d’intervenir cette fois-ci. Mieux encore, Philippot s’est fait reprendre par Louis Aliot et surtout Nicolas Bay, très (trop ?) discret jusqu’alors sur ces sujets. Un début de rééquilibrage et de « containment » ? La dynamique de conquête du FN ou sa décrue dépendront de ses choix rapides.
Philippe Christèle
28/05/2015