Le nombre des édifications de mosquées en France ne fait que croître et embellir. On ne les compte plus. Une liste non exhaustive donnée par le ministère de l’Intérieur relève, en 2014, 2368 lieux de culte musulman ; parmi ces derniers, se trouvent environ 90 mosquées proprement dites, en exercice si l’on peut dire, et 350 projets de construction. La toute récente inauguration de la mosquée de Sablé / Sarthe, sous-préfecture de la Sarthe, dont François Fillon a été le maire et sise à deux pas de la célèbre abbaye bénédictine de Solesmes, cause quelques tourments localement. La photographie prise le jour de la cérémonie, le 5 février 2015, en illustre assez bien la cause première : l’inauguration par Madame le Préfet de la Sarthe, en personne, ainsi que la présence du sous-préfet et celle du maire ont provoqué de nombreuses réactions, y compris de la part de la Libre Pensée qui considère qu’elles constituent une atteinte au sacro-saint principe de la laïcité.
Dans le même ordre d’idée, Julius Muzart, contributeur de Polémia, vient de nous signaler un article publié par la Gazette des Communes : un article édifiant. La Gazette des communes y explique avec complaisance comment les maires violent la loi pour financer des mosquées, et, entre autres choses, s’acheter ainsi des clientèles électorales. Nous le reproduisons et le faisons suivre des commentaires pertinents de notre contributeur.
Polémia
Financement des mosquées : le numéro d’équilibriste des maires
Au sein du PS comme à l’UMP, des voix s’élèvent pour demander la révision du texte de 1905 encadrant la séparation de l’Eglise et de l’État. L’enjeu : que les collectivités puissent avoir la possibilité de financer, entre autres, les mosquées. Sur le terrain, des maires tentent de répondre au besoin des citoyens musulmans quitte à jongler, parfois, avec la loi.
À Sarcelles, lors des grandes fêtes du calendrier musulman, comme la fin du Ramadan, l’affluence est telle que certains habitants doivent se recueillir à l’extérieur des deux salles de prières déjà pleines à craquer. Face à cette situation, la mairie met régulièrement à la disposition des fidèles des gymnases afin qu’ils puissent prier dans des conditions acceptables.
Pour en finir avec ce système D, le député-maire PS de cette commune du Val-d’Oise, François Pupponi a cédé, en 2011, un terrain aux associations musulmanes de Sarcelles. Le but : ériger une grande mosquée permettant d’accueillir dignement les citoyens musulmans. Le bâtiment, encore en cours de financement, pourra recevoir environ 2 500 fidèles.
Cadre juridique flou
La loi de 1905 interdisant aux collectivités le financement d’un lieu de culte, l’élu a dû ruser et mettre en place un bail emphytéotique pour faire naitre le projet. Ce bail immobilier de longue durée prévoit un loyer modique, qui se résume souvent à un euro symbolique pour l’association qui gère le lieu de culte. « Juridiquement nous sommes dans le flou, déplore François Pupponi. les maires mettent en place ce genre de bail pour répondre à la demande des musulmans mais nous le faisons dans un cadre qui n’est pas sécurisé. Peut-être qu’un jour la jurisprudence ne nous y autorisera plus. »
Un dilemme pour les édiles, qui doivent d’un côté assurer à leurs concitoyens la liberté de culte et de l’autre, respecter l’interdiction de financer les structures qui l’abrite. Pragmatiques, ceux qui souhaitent donner un coup de pouce à la construction de mosquées dans leurs villes subventionnent aussi les activités culturelles des associations religieuses.
Propositions de loi
Un numéro d’équilibriste avec lequel certains élus souhaiteraient rompre comme le révèle un récent sondage TNS Sofres commandé par le Sénat, en janvier. Sur 3 000 maires interrogés, 29% sont favorables à l’autorisation d’un cofinancement collectivités-organisations religieuses pour la construction de nouveaux lieux de culte. Par ailleurs, 8 % d’entre eux jugent que le nombre de lieux de cultes musulmans convenables est insuffisant.
Certains édiles, comme François Grosdidier (UMP) vont même plus loin et prônent une refonte d’un des textes fondateurs de notre République. « Aujourd’hui, la loi de 1905 est obsolète, il faut absolument adapter ses modalités », tempête ce sénateur et maire de Moselle auteur de deux propositions de loi sur le sujet.
Tour de passe-passe
Pourtant dans sa commune, à Woippy, la mosquée s’est construite sans trop de difficultés. Exception régionale oblige, le concordat d’Alsace-Moselle de 1801 signé par Napoléon, autorise les collectivités à financer les lieux de cultes catholiques, luthériens, calvinistes et juifs. Le flou juridique qui entoure le sort de l’Islam a permis à ce maire UMP de financer, en 2008, la mosquée avec des fonds publics. Ailleurs son opération aurait été illégale. « La République est schizophrène, elle demande aux musulmans de construire un Islam de France en accord avec ses principes mais ne leur donne pas les moyens de le faire. Je ne voulais pas que la mosquée de Woippy soit sponsorisée par les pays du golfe. »
Opiniâtre, François Grosdidier compte redéposer un texte qui permettrait aux communes de financer directement les lieux de culte quand cela répond au besoin de la population et à une carence de l’offre privée.
L’élu souhaite également défendre l’entrée de l’Islam dans le concordat d’Alsace-Moselle, « ce qui permettrait par ailleurs, la création d’une chaire théologique, véritable source intellectuelle structurante pour la religion musulmane. »
Vente de terrains
C’est ce rôle « de facilitateur » que Christian Dupessey, maire d’Annemasse en Haute-Savoie, a souhaité tenir quand il a vendu un terrain municipal pour la future mosquée : « Quand on prône le « vivre ensemble » à la française, il faut s’assurer que chacun trouve sa place dans la société. » Quand à l’argument de ses adversaires politiques qui le taxent d’électoralisme, il le balaye : « Je joue mon rôle d’intégrateur, j’essaye simplement de faire une bonne gestion, rétorque l’élu socialiste. » Ici, la mairie n’investira pas d’argent public dans le bâtiment et s’en félicite : « La communauté musulmane d’Annemasse est très attachée à construire elle-même la mosquée grâce aux dons de fidèles. »
Réinventer la laïcité : pour Stéphane Gatignon, maire EELV de Sevran, l’enjeu est de taille. Dans sa ville, 73 nationalités se côtoient. Une richesse mais aussi un défi pour ce maire qui constate un manque criant de lieux de prières pour les musulmans, hindouistes ou évangélistes sevranais.
Si l’édile a bien vendu un terrain pour la construction d’une future mosquée, il a refusé l’option du bail emphytéotique et a fait payer à l’association le prix fixé par France Domaine. « Pas d’entourloupes, lâche-t-il, je voulais être transparent. » Sa position est claire : il faut que les mosquées se construisent et que les maires puissent le faire dans de bonnes conditions.
Contre le repli communautaire
Il dénonce des décennies de blocage de la part des pouvoirs publics, notamment en banlieue, sur la question des mosquées. « Quand vous devez prier dans une cave ou dehors car il n’y a pas de structures adaptées, vous vous sentez obligatoirement stigmatisé, mis de côté » dénonce-t-il. S’il n’est pas opposé à un toilettage de la loi de 1905, Stéphane Gatignon prône avant tout, l’ouverture d’un débat national « il faut discuter pour retrouver un vrai contrat social. On ne peut plus continuer comme ça. » Depuis quelques années, il observe d’autres communes voisines de Seine-Saint-Denis, confrontées à la radicalisation de certains musulmans après que les élus se soient opposés à tout projet de la communauté. « Si on se retrouve avec ces situations extrêmes, c’est avant tout parce que les gouvernants ont rompu avec le terrain. »
Alors que le gouvernement a fait de la lutte contre la radicalisation l’un de ses fers de lance après les attentats de janvier, l’aide des collectivités à la construction de mosquée serait-elle l’antidote à la marginalisation de certains croyants ?
Pour Alain Périès, premier adjoint du maire socialiste de Pantin Bertrand Kern, cela aurait l’avantage de couper l’herbe sous le pied des plus extrêmes. « Lorsque la mairie donne un coup de pouce aux associations musulmanes, l’argument qui consiste à dire il y a deux poids deux mesures ne tient plus. Je ne suis pas naïf, je sais qu’il y a toujours des fanatiques pour savonner la planche ».
« Notre position, précise Alain Périès, c’est de considérer que la loi de 1905 ne doit pas être modifiée. Elle est en effet l’expression du principe républicain de laïcité. Un tel principe fondateur ne peut, d’une façon ou d’une autre, être amodié, sauf à en amoindrir la force ».
Dans cette ville de Seine-Saint-Denis, si dix ans ont été nécessaires pour que la construction de la mosquée soit lancée, le premier adjoint l’affirme : « la majorité de la communauté musulmane se sent respectée. »
Émeline Le Naour
Source : La Gazette des communes
13/02/2015
Commentaires de Julius Muzart
J’ai lu avec attention – mais sans aucune surprise – l’article Des mosquées et des urnes (*) de Yannick Chauvin.
Il n’est pas nécessaire, en effet d’attendre les confidences de M. Hammadi pour se convaincre de la sollicitude avec laquelle les maires entourent leurs communautés musulmanes.
Intéressante coïncidence : la quasi-officielle Gazette des communes (groupe « Moniteur ») du 14 février vient de dévoiler, tout à trac et sans aucune précaution oratoire, les efforts d’imagination et les compromissions auxquels se livrent les maires pour violer la loi de 1905 au profit du culte musulman.
Une fois n’est pas coutume, voilà un article de la Gazette qui pourrait intéresser vivement les lecteurs de Polémia, même sans commentaire !
Considèrant que ces édiles sont issus de la même « école de pensée » que celle qui dépose des recours devant les tribunaux administratifs pour faire interdire les crèches mises en place dans les locaux municipaux, on apprécie d’autant plus le comique de situation.
Et l’humour involontaire de l’élu PS pantinois A. Périès cité par la Gazette « Lorsque la mairie donne un coup de pouce aux associations musulmanes, l’argument qui consiste à dire il y a deux poids deux mesures ne tient plus ». Certes. On inverse seulement le sens du « deux poids deux mesures ». Tribut payé à la repentance ? Chasse aux voix, surtout.
L’article est un modèle de tartufferie maladroite, qui dévoile assez clairement de quel côté son cœur balance. Ainsi ce mouvement d’apitoiement pour les malheureux édiles, obligés de commettre des illégalités présentées comme du pragmatisme : « pragmatiques, ceux qui souhaitent donner un coup de pouce à la construction de mosquées dans leurs villes subventionnent aussi les activités culturelles des associations religieuses ». C’est vrai : c’est bien ainsi qu’on fait à Paris pour financer une grande mosquée dans le 18° : le compte administratif 2013 de la ville de Paris fait apparaître une subvention de 1 154 927 € au bénéfice de « l’institut des cultures de l’islam » 19 rue Léon. Et ce n’est pas la première subvention allouée à cet institut, ni certainement la dernière. Détail supplémentaire : le 19 rue Léon est un terrain municipal.
Difficile de faire la part du cynisme et d’une certaine forme de naïveté dans l’article de la Gazette : de toute évidence, l’auteurs considère les illégalités graves qu’elle rapporte comme autant de banales modalités de gestion d’une question d’intérêt municipal.
Il est vrai qu’adopter sans commentaire la thèse du maire de Sarcelles selon laquelle « juridiquement nous (serions) dans le flou relève très probablement de la seule incompétence : bien sûr que non, on n’est pas dans le flou. C’est illégal, point à la ligne.
Le non droit au service du clientélisme, nouvel étendard des édiles ?
Quoi qu’il en soit, il me semble que l’article de la Gazette mérite une place dans le revue de presse de « Polémia ». « Ad usum delphinorum »
Julius Muzart
15/02/2015
Note
- Déficits ? La France saignée à blanc par une titanesque prise illégale d’intérêts - 31 octobre 2024
- « Le Monde » ou l’imposture démasquée par elle-même - 14 octobre 2024
- Sur « l’air de la Bêtise », excursion dans le « monde d’après » - 11 décembre 2020