Michel Geoffroy, essayiste.
Ce sont les minorités qui font l’histoire, pas les majorités
♦ Un des arguments classiques des tenants du Padamalgam face au terrorisme islamiste consiste à répéter en boucle, pour rassurer les bisounours européens, que « l’immense majorité des musulmans est pacifique ».
Cette affirmation est malheureusement dénuée de toute portée pratique car elle ignore les réalités de l’histoire. En effet, l’histoire est faite par les minorités agissantes et non pas par les majorités, comme le montrent de nombreux exemples.
Les révolutions du XXe siècle ont été le fait des minorités
On estime qu’il y avait en 1917 de 150.000 à 200.000 communistes en Russie, à comparer à une population de 175 millions en 1914. Cela n’a pas empêché les communistes de prendre le pouvoir par la violence, de conquérir le pays ainsi qu’une bonne partie de l’Europe après 1945 et de gouverner pendant 70 ans.
En 1922, 26.000 chemises noires « marchent » sur Rome, épisode tragi-comique qui va cependant conduire à la nomination de Mussolini comme chef du gouvernement. A cette époque l’Italie comprend un peu plus de 38 millions d’habitants (1). Les fascistes vont cependant diriger sans partage l’Italie jusqu’en 1943.
En 1933 le parti national-socialiste de Hitler revendiquait 850.000 membres (2), pour une population totale de 65 millions d’Allemands (3). Cela n’a pas empêché les nazis d’imposer leur pouvoir absolu à l’Allemagne et de se tailler par la guerre un empire en Europe qui durera 5 années.
Et en Algérie aussi
En 1954, au moment du déclenchement de la Toussaint Rouge, lorsque le jeune FLN organise pour la première fois une trentaine d’attentats, la population de l’Algérie comprend 9,37 millions d’habitants dont 8,5 millions de musulmans (4). Les terroristes, qui frappent aussi des musulmans, ne sont qu’une poignée. Cela n’a pas empêché le FLN d’obtenir l’indépendance de l’Algérie en 1962 et d’imposer un régime qui dure encore aujourd’hui.
On pourrait multiplier les exemples à l’infini. Tous les bouleversements politiques, indépendantistes, révolutionnaires ou religieux sont le fait de minorités décidées et non pas de majorités. Car les majorités finissent toujours par se rallier ou se soumettre aux minorités.
Par construction les majorités sont en effet informes et malléables, car elles se composent d’une agrégation de courants divers qui se neutralisent réciproquement.
La démocratie représentative ne protège pas contre la dictature des minorités
On objectera que la situation serait différente en démocratie, où les majorités gouverneraient. Mais rien n’est moins sûr, a fortiori dans le cadre de la post-démocratie contemporaine. Les opinions sont en effet susceptibles d’être modifiées par la propagande mais aussi par la ruse et par la violence.
Edward Bernays, dans un livre célèbre, Propaganda (5), explique ainsi comment le gouvernement américain a utilisé la propagande pour modifier le sentiment majoritairement isolationniste de la population américaine, et justifier l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1917 contre les empires centraux (6).
Comme le montre aussi l’exemple français, le régime parlementaire est en apparence démocratique mais il finit par déboucher sur le régime des partis, qui n’est plus forcément en phase avec l’opinion majoritaire.
Enfin, une assemblée peut être tyrannisée par une minorité : c’est bien ce qui s’est passé lors de la Révolution Française où les « clubs » – c’est-à-dire des groupuscules radicaux extérieurs à l’Assemblée – imposaient leur loi aux parlementaires, terrorisés par la perspective de se retrouver sur l’échafaud.
En post-démocratie, les minorités gouvernent et les majorités se soumettent
La post-démocratie contemporaine est même justement le régime où les minorités imposent leur projet et leurs intérêts à la majorité de la population. Et nous vivons dans ce régime.
En Europe occidentale, la « construction européenne » a été imposée par la propagande et par la ruse à une majorité rétive. En France, le projet de constitution européenne, bien que rejeté par référendum en 2005, a été imposé sous forme du Traité de Lisbonne, ratifié par le Parlement en 2008. Ailleurs on a fait revoter les électeurs jusqu’à ce qu’ils approuvent le projet présenté par l’oligarchie…
De même tous les sondages portant sur les questions « sociétales » ou migratoires montrent que la majorité de la population affirme des positions qui vont à l’encontre de la politique conduite par les gouvernements, qui consiste justement à ne se préoccuper que des revendications minoritaires.
Bref, comme nous le savons depuis les Grecs, la démocratie représentative ne protège en rien contre la tyrannie des minorités (7).
Le terrorisme vise à soumettre les majorités par la violence
Pour en revenir à la menace djihadiste, le propre du terrorisme est de sidérer, par la terreur, la population visée. Son objectif est donc d’abord politique et moral, et non pas guerrier. Mais au cas d’espèce la cible est double : la population européenne, bien sûr, mais aussi la population musulmane.
Les médias de propagande nous serinent en effet qu’au plan mondial la majorité des victimes du djihadisme seraient des musulmans, mais cela ne doit pas nous rassurer, bien au contraire : d’abord parce que la majorité des victimes en Europe n’est pas musulmane ; ensuite parce que le djihadisme a aussi pour but de soumettre les musulmans en Europe, tout comme le FLN visait à imposer sa ligne révolutionnaire et sanglante aux musulmans d’Algérie.
Et force est de constater que ce projet semble en marche.
La soumission des musulmans d’Europe
Non seulement les terroristes sont comme des poissons dans l’eau dans les banlieues de l’immigration ; non seulement on ne compte pas les tweets provocateurs en leur faveur émis par les « jeunes » ; mais on n’a pas bien vu les musulmans d’Europe se désolidariser clairement des djihadistes.
Car prétendre, comme M. Boubakeur, que les terroristes « ne peuvent se réclamer de l’islam » ne répond pas à la question.
En France, lors des grandes marches de janvier 2015, on n’a pas vu non plus beaucoup de « barbus » et de femmes voilées dans les cortèges. Et ceux qui déposent des bougies en mémoire des victimes du terrorisme ou fixent un drapeau tricolore à leurs fenêtres sont rarement des musulmans (8). Comme ceux qui conspuent les minutes de silence sont rarement des juifs, des orthodoxes ou des chrétiens.
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Affirmer, comme le font les médias de propagande, que les terroristes ne sont qu’une minorité ne doit donc pas nous rassurer.
Les majorités en post-démocratie sont toujours silencieuses car réduites au silence ou à l’abstention par les oligarques. Et les minorités djihadistes sont déjà en train de préparer au surplus leur future Soumission.
Michel Geoffroy
26/04/2016
Notes :
- Données de 1920.
- Les Collections de l’Histoire, n° 18 de janvier.
- Recensement de juin 1933.
- Annales de géographie, n° 347 de 1956.
- Ed.Bernays, Propaganda, Zones, La Découverte 2007.
- Laquelle entrée en guerre aura au demeurant des conséquences historiques incalculables en Europe.
- Comme le montre l’exemple suisse, la démocratie participative est sans doute plus solide.
- Une situation bien différente de ce qui s’est passé aux Etats-Unis après le 11 septembre 2001 où les musulmans américains tenaient au contraire à manifester bruyamment leurs sentiments patriotiques.
Correspondance Polémia – 28/04/2016
Image : Domination