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Face à Donald Trump, raison garder

Face à Donald Trump, raison garder

par | 3 janvier 2025 | Économie, Europe, Géopolitique

Face à Donald Trump, raison garder

À lire certains commentaires, on a l’impression qu’en 2024 la droite en France – la plus bête du monde, disait déjà le socialiste Guy Mollet en 1957 – a trouvé son leader, sinon son messie : il s’appelle… Donald Trump. Et Elon Musk est son prophète. Malheureusement, cette droite ne semble pas s’être aperçue que son héros n’était ni français ni européen mais américain : un malentendu de taille !

Ne pas s’illusionner

Certes on peut saluer l’allant, la superbe et le courage personnel du futur président américain, qui tranchent avec la triste médiocrité de nos homoncules politiciens.
Comme on peut approuver son rejet du politiquement correct, de la classe médiatique, des juges politisés ou du wokisme, fléaux qui nous touchent également.
Et que la gauche l’exècre au moins autant que Poutine ne peut que nous le rendre sympathique.

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Mais ce n’est pas une raison pour prendre les vessies trumpistes pour des lanternes européennes ni, a fortiori, françaises.

Un inquiétant refus du monde qui vient

D’abord, le mot d’ordre du trumpisme, c’est MAGA : Make America Great Again ; et non pas make Europe great again ni make France great again. Nuance.

En outre, vouloir rendre aux États-Unis leur (sur)puissance d’antan ne constitue nullement un objectif anodin à l’âge multipolaire : c’est en réalité une déclaration de guerre implicite contre les États-civilisationnels émergents qui rejettent justement le principe d’une direction américaine du monde. Ce mot d’ordre traduit donc un inquiétant refus du monde qui vient.

D’ailleurs, Donald Trump promet déjà une avalanche de droits de douane contre la Chine et contre tous ceux qui refuseraient l’hégémonie du dollar dans le commerce mondial. Sans même évoquer ses récents propos sur la nécessité d’annexer le Groenland et Panama ou sur le rattachement du Canada aux États-Unis ! Comme si le suzerain voulait rassembler ses vassaux en vue de la lutte finale.
Voilà une perspective peu rassurante pour nous.

Achetez… américain

De même, s’agissant de l’OTAN, Trump semble n’avoir rien appris, ni rien oublié : il ne remet nullement en cause l’alliance comme instrument politique de la domination américaine sur l’Europe ; il veut seulement que les Européens payent plus, fassent ce que le Pentagone veut, et qu’ils achètent encore plus de matériel américain.

Mme Lagarde, la très atlantiste directrice générale de la BCE, ne nous dit pas autre chose : il faudrait que les Européens achètent plus de produits américains pour se prémunir d’une guerre commerciale avec l’Amérique[1] ! Il est vrai que Donald Trump assimile l’UE – pourtant totalement libre-échangiste – à une « mini-Chine » qui concurrencerait, évidemment indûment, les États-Unis…

Voilà qui augure mal de la future diplomatie à notre égard du messie Trump.

Ukraine : stop ou encore ?

À droite on compte aussi beaucoup sur le fait que Trump ait promis d’arrêter « tout de suite » la guerre en Ukraine : un discours qui nous change agréablement, certes, de celui des démocrates.
Mais, justement, on semble oublier chez nous que les promesses électorales n’engagent jamais que ceux qui les écoutent, et cela des deux côtés de l’Atlantique. Roosevelt ne s’était-il pas fait élire sur un programme isolationniste, pour ensuite engager les États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale ?

En réalité personne ne sait ce qu’envisage vraiment le futur président américain pour mettre fin au conflit russo-ukrainien qui, faut-il le rappeler, profite quand même avant tout aux États-Unis et notamment à son complexe militaro-industriel et à son industrie gazière.

L’oligarchie veut la guerre pour nous museler, choisissons la paix

Et, si l’on prend la peine d’écouter ce que disent vraiment les responsables ukrainiens et russes, on peut sérieusement douter désormais d’une issue rapide au conflit : parce que l’Ukraine ne veut négocier qu’en position de force – ce qui se comprend –, et parce que la Russie n’entend pas revenir sur ses buts de guerre initiaux : neutralisation, dénazification et restructuration de l’Ukraine.

Bref, pour les miracles, il faudra certainement attendre un peu.

Un bon prétexte pour la gauche

Certains à droite comptent aussi beaucoup sur le fait que Trump se soit prononcé contre le wokisme. Alors que la plupart de nos folies idéologiques nous viennent d’outre-Atlantique, on ne peut que se féliciter en effet de ces nobles intentions.
Cependant, on ne peut ignorer aussi que la gauche européenne tire justement argument de ce qui peut se passer outre-Atlantique pour radicaliser les réformes sociétales chez nous, comme on l’a vu en France avec la constitutionnalisation de l’IVG, par exemple, censée protéger ce « droit » de toute remise en cause future.
Alors, ne nous réjouissons pas trop vite.

Trump reste un Américain

Si d’aventure Donald Trump met en œuvre dans le cadre de son court mandat ce qu’il a promis, il peut remédier en partie au déclin nord-américain. Mais il n’est pas du tout certain que cela nous soit profitable.

En effet, l’Europe n’existe pas dans la rhétorique trumpienne, sinon comme un marché captif. Et il ne voit la France que comme un parc d’attractions.

Car Trump reste un Américain qui regarde donc le monde au travers de ses lunettes déformantes : progressistes, capitalistes et puritaines.
L’affaiblissement du suzerain nord-américain constituait une occasion pour nous de retrouver notre liberté d’action et notre identité de civilisation. Mais, si nous n’y prenons garde, une Amérique MAGA risque de nous éloigner, pour un temps, de cette perspective.

Michel Geoffroy
03/01/2025

[1] « Le Journal de l’Économie » du 29 novembre 2024.

Michel Geoffroy

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