Par Jean-Yves Le Gallou ♦ Les élections européennes ont été massivement suivies comparées aux précédentes élections. Les enseignements de l’analyse des résultats au niveau français et européen sont nombreux.
Une victoire en demi-teinte pour le RN
Avec 23,31 % des suffrages, le RN vire en tête, d’une courte tête. Un succès relatif puisque le RN perd 1,5 points par rapport à 2014 (25%). Cette relative contre-performance est difficile à expliquer :
- Le RN a bénéficié du vote utile sur le thème « Votez pour nous, pour battre Macron ».
- Ses alliés européens ont progressé.
- Sa tête de liste, Jordan Bardella, est l’une des révélations de la campagne.
Trois explications sont possibles :
- La dramatisation anti–FN continue de fonctionner et le risque que le parti réalise un bon score a mobilisé en faveur de LREM, de la gauche et des écolos.
- Le RN reste « plombé » par le manque de crédibilité, de niveau et d’ampleur de vue de Marine Le Pen.
- Plus grave encore peut-être, le RN commence à apparaître comme un « vieux parti » des années 1980 à l’instar du PS et des Républicains en voie de disparition.
Emmanuel Macron paradoxalement conforté par ce résultat
Avec 22,41 %, le parti de Macron vire en second. Mais il élargit largement le socle du Modem (10 % en 2014) et dispose d’autant de sièges (22) que le RN. Jean-Marie Le Pen aimait à dire qu’en politique, « est ce qui paraît ».
Or, avec l’immense complaisance des médias, Macron apparaît comme ayant gagné son pari. En tout cas, rien ne s’oppose à ce qu’il poursuive la mise en place de sa dictature libérale-libertaire.
Étonnante percée écolo
Avec 13,47 %, les écologistes sont présentés comme les grands vainqueurs du scrutin.
- D’abord, par un effet d’optique classique : ils obtiennent plus que ce que les sondages leur prédisaient.
- Ensuite parce qu’ils ont nettement progressé par rapport à 2014 (9 %) même s’ils n’atteignent pas leur record de 16 % (en 2009).
Trois explications possibles :
- La montée des préoccupations environnementales.
- Le matraquage délirant de Greta Grunberg et des médias sur le thème « Sauvons la planète ».
- Un vote refuge pour éviter la montée du RN sans pour autant voter Macron ou à gauche.
La Gauche façon puzzle
La gauche, parlons-en ! Elle est émiettée mais le total France insoumise (6,31 %), PS (6,19 %), Générations S (3,27 %) et PC (2,49 %) représente plus de 18%, ce qui n’est pas si mal pour elle.
Là aussi trois explications possibles :
- Une remobilisation de la gauche face aux mesures Macron,
- Une récupération des Gilets Jaunes dont le mouvement a été détourné de son origine anti-fiscale et France périphérique,
- La lutte contre l’épouvantail RN.
Les Républicains en chute libre
Avec 8,48 % au lieu de 21 % en 2014, Les Républicains boivent la tasse malgré une tête de liste brillante.
Beaucoup d’explications possibles :
- Les LR sont passés à la centrifugeuse du « vote utile » : certains ont voté RN pour battre Macron ; quant aux électeurs âgés et/ou les plus attachés à leur portefeuille, ils ont voté pour le parti de l’ordre et de l’argent, c’est-à-dire la LREM, qui vire même en tête… dans le propre fief de Bellamy à Versailles !
- Une lassitude à l’égard d’un parti qui a beaucoup promis en 40 ans sans jamais tenir ses promesses.
- Un effet d’usure comme pour le PS (6,19 %).
Impasse souverainiste
Aux marges souverainistes c’est la débâcle. Après une très belle campagne numérique et de terrain, Asselineau, le champion du Frexit, rassemble 1,17 % des suffrages.
Quant à Philippot, malgré une sur-présence médiatique il ne réunit que 0,65 %. Peu pour un homme qui a fait la pluie et le beau temps auprès de Marine Le Pen jusqu’en 2017. Sic transit gloria mundi.
Au total 1,83 % pour les souveraino-souverainistes, moins que le parti animaliste qui réalise son meilleur score historique avec 2,17 %.
Dupont-Aignan sans voix
Après une campagne chaotique, Dupont Aignan manque à nouveau son pari d’avoir des élus. Mais avec 3,51 % des suffrages, il sera remboursé de ses frais de campagne.
Un bilan inquiétant en France
Au final, d’un point de vue conservateur, national et identitaire, le bilan n’est pas fameux :
- Le RN régresse.
- Les droites reculent : 37 % au lieu de 50 % en 2014.
- La gauche et les écologistes se requinquent.
- Avec seulement 22 % Macron est au centre stratégique d’un dispositif émietté.
- La possible émergence d’un « Macron de droite » est peu probable en l’absence de tout soutien médiatique envisageable et tant que Marion Maréchal restera sur son Aventin.
Percée identitaire en Europe
Dans les autres pays d’Europe, les conservateurs et identitaires de gouvernement progressent partout : en Hongrie, en Pologne, en Italie, en Estonie.
Ailleurs, l’AFD progresse en Allemagne (à 10 %) et vire en tête dans certaines régions de l’est. En Autriche, le FPOE – malgré l’Ibizagate – se maintient à 17 % (moins 2 %).
Au sein du futur parlement européen, les trois groupes conservateurs, identitaires et nationaux devraient rassembler autour de 170 députés sans compter les 13 élus de Victor Orban. Pas de quoi constituer une majorité bien sûr, mais de quoi peser c’est certain.
Jean-Yves Le Gallou
27/05/2019
Crédit photo : Domaine public
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