Un miracle au Puy-en-Velay ? Laurent Wauquiez, maire de la ville, aurait-il trouvé son Chemin de Damas ? Laurent Wauquiez, 39 ans, benjamin de l’Assemblée nationale en 2004, est aujourd’hui maire du Puy-en-Velay et député de la Haute-Loire. Avant de devenir ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, il a été ministre chargé des Affaires européennes en 2010. Nommé à ce poste en cinq minutes, il a été accueilli par son homologue luxembourgeois, en poste depuis 1995, par ces quelques mots : « Vous êtes mon quatorzième ministre ; j’aimais beaucoup votre prédécesseur, je suis sûr que l’on va bien s’entendre et j’attends avec impatience votre successeur » ! Il a fondé la Droite sociale en 2010 et il est devenu vice-président de l’UMP en janvier 2013. C’est dire qu’avec un tel pedigree, il n’est pas un dangereux extrémiste et qu’il ne paraissait pas prédisposé à manifester un souverainisme exacerbé.
Et pourtant il s’est passé un événement inimaginable, inattendu, consternant pour certains, jubilatoire pour d’autres : Laurent Wauquiez, hiérarque de l’UMP, s’est mis à douter de l’Europe et a publié un livre dans lequel il plaide : Europe : il faut tout changer. Oui, il faut répéter pour ceux qui pensent avoir mal compris :
« Europe : il faut tout changer ».
Et il veut changer beaucoup de choses, le bougre ! Par exemple, revoir la politique industrielle de l’Europe qui est celle d’une colombe au pays des faucons, ou bien revenir à un noyau dur à six, ou enfin, comble de l’abomination, se tourner vers un protectionnisme européen.
Sacrilège : il revendique les racines chrétiennes de l’Europe ! On n’est pas maire d’une ville de pèlerinage pour rien.
Bien évidemment, les hautes autorités de l’UMP ont fait les gros yeux et on a eu les échos de sévères remontrances de la part des Copé, Juppé et autres Raffarin, défenseurs de l’idéologie cosmopolite et vertueusement scandalisés par cette témérité.
Laurent Wauquiez, maire du Puy-en-Velay, aurait-il été touché par la grâce ? L’approche des élections européennes et la perspective d’un score élevé pour le Front national l’aurait-il aiguillé vers une conversion à des thèses « nauséabondes » ? Ou s’agit-il tout simplement d’une stratégie opportuniste personnelle inspirée par des sondages récents et le plus grand pragmatisme ?
Quoi qu’il soit et quelque jugement que l’on porte sur le camp politique de l’auteur et les motivations de sa démarche, le contenu du livre est nourri de son expérience concrète de la réalité de l’Europe de Bruxelles. Il est riche en questions gênantes, en exemples précis et confirme et développe avec des mots forts les conclusions et les propositions qui sont, depuis des années, celles de mouvements diabolisés.
C’est particulièrement le cas de l’immigration dont Laurent Wauquiez écrit qu’il s’agit d’un « voyage au pays des frontières passoires ». Polémia, dont ce thème est un des chevaux de bataille, ne pouvait pas ne pas évoquer les assertions de ce chapitre de son livre.
Une régulation européenne de l’immigration ne paraît pas possible
Très souvent les représentants de la caste politique française, avec cette assurance dont ils ont le secret, surtout lorsqu’elle ne repose sur rien, allèguent, à l’image de Brice Hortefeux, qu’il est irréaliste de réguler l’immigration au niveau national (petit rire étouffé) et que seule l’Europe a la capacité de maîtriser ce phénomène.
Et voilà Laurent Wauquiez qui affirme véhémentement le contraire. Les raisons, nous, les souverainistes, les droitiers, les « populistes », nous les connaissons depuis longtemps. Mais qu’il est plaisant de les lire dans un ouvrage édité chez Odile Jacob sous la plume d’un vice-président de l’UMP !
- Les intérêts des différents États membres sont profondément divergents. Ceux de l’Allemagne, avec son faible taux de chômage, sa forte croissance et sa perte de population sont radicalement différents de ceux de la France qui gagne des habitants, a un fort taux de chômage et n’a pas besoin d’immigrés ;
- Certains États membres, comme l’Italie, sont de simples pays de transit alors que d’autres, comme la France avec son système social attractif, sont des destinations recherchées.
L’Europe n’a pas de stratégie migratoire
Selon le député UMP, l’Europe n’a pas de stratégie migratoire contrairement à « tous les grands pays développés qui ont construit une vraie gestion stratégique de leur politique d’immigration » et, en particulier, pas de politique d’immigration choisie en fixant des quotas d’immigration.
Il évoque le cas du Canada où la ministre compétente définit les catégories de compétences et les pays d’origine dont ce pays a besoin. Des quotas sont fixés. Le Québec est très ferme pour refuser des profils qui ne trouveraient pas d’emploi et très proactif pour attirer des catégories de population dont il a besoin. C’est une immigration choisie, souvent de qualité, voire de haute qualité, et non une immigration subie.
Il convient de souligner que le succès de cette politique décrite par L. Wauquiez va à l’encontre des affirmations des médias, des politiques et des économistes français qui, comme ceux de l’Université de Lille, contestent sa validité et en nient toute efficacité. Il permet de réfuter un argument ressassé ad nauseam.
La politique de l’Union européenne c’est l’impuissance organisée
L’Union européenne a, en matière d’immigration, organisé l’ « impuissance politique » :
- Concernant le regroupement familial, une directive européenne interdit de fixer toute approche quantitative. La Commission a adopté un Livre vert qui explique qu’il ne faut plus de critères en ce domaine.
- En matière de droit d’asile, Bruxelles refuse toute procédure d’instruction rapide même si la demande vient d’un pays sûr comme le Sénégal considéré comme sûr, ce qui conduit à des durées d’instruction de deux ans. Nous avons l’obligation de régulariser tout étranger malade qui ne peut être soigné dans son pays…
- L’Europe impose désormais de motiver toute demande de refus de visa de séjour court. Comme le souligne Wauquiez, il s’agit pourtant d’une décision de souveraineté de la France qui doit faire face chaque année à 1,5 million de demandes de séjour court.
- Certains pays sont exonérés de demandes de visas. C’est le cas de l’Albanie dont les ressortissants vont pouvoir s’égailler dans tout l’espace Schengen. Wauquiez estime que c’est de la « folie » au vu du nombre de demandes d’asile qui viennent de ce pays islamique et mafieux.
- Les procédures de reconduites à la frontière sont devenues une véritable usine à gaz et nous n’avons plus le recours à la garde à vue pour des étrangers en voie d’éloignement. En France, 30% des décisions d’éloignement au grand maximum sont appliquées.
En fait, contrairement à ce que dit Wauquiez, l’Europe de Bruxelles a une politique migratoire. À moins de refuser de comprendre, toutes ces mesures qui vont dans le même sens et qui s’imposent aux États n’ont qu’un objectif froidement calculé : ouvrir les portes très grandes à une irruption encore et toujours plus massive de migrants en Europe.
Schengen fait perdre la maîtrise de ses frontières à la France
L’Accord de Schengen avait pour objet, en 1995, d’instaurer une liberté de circulation entre États membres, qui a été transposée à l’immigration avec la mise en place de visas communs dans les années 1990. La politique d’immigration est devenue communautaire à partir de 1999. Les règles d’immigration sont fixées par Bruxelles et, du fait de la règle de l’unanimité, un pays comme la France ne peut s’opposer à des décisions contraires à ses intérêts. Désormais, il n’y a plus que des frontières extérieures communes et les décisions ou les défaillances d’un État membre dans ce domaine impactent directement les autres pays de l’espace Schengen. La perte de souveraineté est quasi complète.
Les procédures d’immigration légales ne sont pas harmonisées
Le constat sur Schengen pourrait être relativisé si les procédures d’immigration étaient harmonisées. Ce n’est pas le cas :
- Le visa Schengen « court séjour » permet de rentrer en Europe. La solidité de la chaîne de contrôle dépend de son maillon faible. Les contrôles sont plus ou moins poussés selon les États membres et leur motivation, les consulats français étant parmi les plus sévères. Il suffit à un Libyen de prendre un visa grec délivré d’une manière laxiste pour se rendre ensuite en France tout à fait légalement. Ce type de visa coûte 100€, pas un centime de plus. La Commission a refusé de mettre en place un système de caution restituable à la fin du séjour pour éviter une prolongation durable.
- Les visas de long séjour ou « permis de séjour » sont théoriquement des titres nationaux mais permettent de circuler dans l’espace Schengen pour des durées pouvant aller jusqu’à 3 mois par trimestre, système complexe et propice aux défaillances.
- Pour ce qui concerne le regroupement familial qui est le flux d’immigration le plus important, chaque pays fait comme il l’entend, ce qui ramène au problème de Schengen et de la liberté de circulation à l’intérieur de l’espace européen.
- En matière de régularisation il n’existe aucune condition commune de régularisation. Au cours des dix dernières années, l’Espagne et l’Italie ont régularisé 1 million de clandestins chacune, alors que la France n’a pas dépassé 100.000. Comme le souligne Laurent Wauquiez, cela est fictif puisqu’une personne régularisée en Espagne peut aller dans n’importe quel pays de l’Union européenne.
- Concernant le droit d’asile, Laurent Wauquiez conteste la façon dont il est géré par l’Europe et constate que, comme en France, la procédure d’asile est largement détournée au profit de motifs économiques.
Il existe un vrai problème d’égalité entre les pays de l’UE puisque la France et l’Allemagne se partagent la moitié des demandes d’asile.
Les choix de l’Europe sont contestables : Laurent Wauquiez souligne qu’elle n’a pas clairement tendu la main aux chrétiens d’Orient, ni sur le plan diplomatique, ni sur le plan humanitaire.
Enfin, l’Europe va trop loin dans ses exigences quant aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile qui doivent être hébergés dans un centre d’accueil ou une chambre d’hôtel avec une allocation de 11€/jour.
En fait les failles du système sont telles que « en prétendant défendre nos frontières, nous avons accepté une construction qui est une gigantesque passoire ».
Face à l’immigration illégale le bouclier est totalement percé de part en part
La lutte contre l’immigration illégale consiste, en principe, juste à faire respecter la loi. En fait 100.000 personnes pénètrent illégalement chaque année sur le territoire européen grâce à trois points névralgiques : l’Espagne, avec Ceuta et Melilla, la Grèce, livrée à son sort par l’Europe face à une frontière maritime très complexe, et, enfin, l’Italie, dont la surveillance efficace a pour effet de créer un corridor humanitaire autour de Lampedusa qui constitue un appel d’air : 40.000 migrants illégaux interceptés en 2013. Selon Wauquiez, « les réseaux mafieux organisent le passage au prix de 1.500€ et, en réalité, se contentent de s’approcher de l’ile avant de jeter hommes et femmes à la mer »et, semble-t-il, selon la vieille formule, les femmes d’abord. En réalité ce sont les bons sentiments qui encouragent ces réseaux et leurs crimes.
Une fois arrivés en Italie, clandestins ou pas, ils prennent le train dont le billet leur est parfois payé par les Italiens, « Solidarité européenne, quand tu nous tiens… » pour faire un voyage d’étude de notre système de protection sociale dont on leur a vanté les largesses et les facilités.
Dans ce contexte la France se voit interdire de contrôler de manière systématique et donc efficace les gens qui passent la frontière. On ne peut le faire en pleine crise migratoire que lors d’opérations ponctuelles. Le vice-président de l’UMP juge cela « surréaliste ». Il est légitime de penser qu’il s’agit plutôt d’une trahison criminelle à l’égard des Français.
Wauquiez indique que le Danemark avait, de sa propre autorité, sans avertir personne, rétabli les contrôles frontaliers. En revanche, il a fallu une guérilla juridique éreintante pour qu’une disposition de « clause de sauvegarde » soit adoptée en cas de manquement grave d’un État. Aux dernières informations la France n’a pas fait jouer cette clause.
Roumanie et Bulgarie, Chevaux de Troie de la grande délinquance
Ouvrir les portes de Schengen signifie avoir une porte commune avec la Turquie, l’Ukraine et la Moldavie, pays corrompus, violents, maffieux, criminogènes et maintenant porteurs de conflits. Ces pays constituent le « triangle par lequel passe l’essentiel des trafics de toute l’Europe : d’armes, de drogues et de prostitution ». Quel voisinage !
Le maire du Puy-en-Velay a voulu comprendre la réalité de ce qui se passait. Il a réalisé que les frontières étaient surveillées par « un corps de douaniers dont tous les diagnostics s’accordent à reconnaître qu’il était totalement corrompu ».
Alors pourquoi le « bon Barroso » a-t-il indiqué que tout semblait ouvert pour l’entrée de ces deux pays dans l’espace Schengen ? Selon l’ancien ministre des Affaires européennes, « Voilà tout l’enfer européen : personne ne veut vexer personne ». Ainsi on sait pourquoi la porte a été ouverte à la migration qui s’annonce massive de ceux que l’on appelle pudiquement, et en fait d’une manière mensongère, les Roumains : par pure convenance. Notons bien que le fait de vexer la France et de faire vivre les Français avec ces gens-là ne constitue pas une véritable préoccupation de Bruxelles.
Il faut sortir de la Convention européenne des droits de l’homme
La Cour européenne des droits de l’homme est en charge d’interpréter le texte de la Convention européenne des droits de l’homme entré en vigueur en 1953. Par sa « jurisprudence parfois surréaliste »elle a imposé aux États un « gouvernement des juges » dont la légitimité est faible :
- Si la France voulait restreindre le regroupement familial, la jurisprudence de cette Cour l’interdirait.
- De même, la Cour interdit d’expulser hors de France une personne soupçonnée ou condamnée pour terrorisme sous prétexte qu’elle risquerait des traitements violents dans son pays. Ainsi la France entretient à vie sur son territoire des personnes soupçonnées de terrorisme sans pouvoir les expulser.
À terme, dit Wauquiez, il faut se demander si l’on veut vraiment rester dans cette Convention et continuer à se laisser donner des leçons par une institution qui dépasse très clairement les limites du texte juridique qu’elle est censée appliquer.
Qui a vu, lors d’une émission de la télévision sur Bruxelles, la virago luxembourgeoise Viviane Reding morigéner une délégation de députés français silencieux et figés sur leur siège, ne peut que comprendre le sentiment d’humiliation qui ressort du texte de Wauquiez.
Face à l’échec, sortir de Schengen
Pour Wauquiez, vingt ans de construction d’un espace communautaire d’immigration se soldent par de « mauvais résultats » et un « échec patent ». Pour en sortir il y a deux voies :
- La première est de réformer et de « refondre totalement la politique européenne ». Wauquiez évoque les idées de substituer la coopération entre États à l’autorité de la Commission, de geler toute extension supplémentaire de Schengen, d’établir un corps de douaniers européens efficaces et surtout d’instituer un moratoire de l’immigration de cinq ans. Y croit-il ? Eh bien non. Il craint que Schengen ne soit affecté de « vices intrinsèques difficiles à soigner », très éloignés des intérêts de la France.
- Il souhaite « tout simplement assumer ce qui doit être fait, c’est-à-dire sortir de Schengen » et ne plus subir cette « impuissance politique généralisée ». Et à ceux qui font semblant d’avoir peur qu’on ne condamne ainsi la liberté de circulation, il répond qu’il n’est pas demandé de visa pour aller à Londres alors que le Royaume-Uni n’est pas dans l’espace Schengen.
En définitive tout ce que dit Laurent Wauquiez est bien connu de la classe politique française, y compris les hiérarques du PS. Alors pourquoi se heurte-t-il à l’hostilité et au mur du déni de la réalité qu’élèvent ses collègues de la direction de l’UMP et en particulier de J.F Copé ? Laurent Wauquiez, qui appelle à « un minimum de courage et de lucidité », donne la réponse :
« Au fond, de quoi avons-nous peur si ce n’est de notre propre lâcheté ? L’impuissance politique n’est pas inscrite dans une fatalité du temps, c’est nous-mêmes qui avons creusé cette tombe par notre couardise. »
Il est significatif du début du retournement des esprits que ce soit un député, vice-président de l’UMP et ancien ministre, qui enfonce un coin dans ce mur après que des Français et un parti, le Front national, ont eu cette clairvoyance et ce courage depuis des dizaines d’années sous les insultes du politiquement correct avec lequel il prend enfin des distances. Allez jusqu’au bout de votre parcours, Monsieur Wauquiez, en renonçant à l’euro qui va de pair avec l’immigration pour détruire la France !
André Posokhow
11/05/2014
Laurent Wauquiez, Europe : Il faut tout changer, éditions Odile Jacob, avril 2014, 180 pages.
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