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Et si Mélenchon avait raison sur les violences policières ?

Et si Mélenchon avait raison sur les violences policières ?

par | 5 octobre 2019 | Politique

Et si Mélenchon avait raison sur les violences policières ?

Par Eric Delcroix, juriste, essayiste et écrivain ♦ Les prises de position de Jean-Luc Mélenchon sur de nombreux sujets sont en opposition totale avec la ligne de Polémia et avec la réalité. Reste que, sur certains points, Jean-Luc Mélenchon pose des interrogations légitimes qu’il convient d’étudier sérieusement. Nous publions ici un texte d’Eric Delcroix sur des propos publics du président de La France Insoumise qui ont beaucoup choqué. A tort ou à raison ?
Polémia


Les politiciens au pouvoir et certains syndicats de police éructent contre Jean-Luc Mélenchon, motif pris que le 25 septembre, s’exprimant en libre colloque devant des militants des causes qu’il défend,[i] il les a mis en garde contre la police, qualifiant les policiers intervenant sur les manifestations récentes de « barbares ». Telle quelle, cette polémique m’oblige, et ce n’est pas un plaisir, à voler au secours du tribun de l’extrême gauche, professionnel de la politique. On ne saurait se laisser imposer par le pouvoir un discours selon lequel, pour paraphraser Jean Yanne, toute la police est belle, toute la police est gentille.

Liberté d’expression et privilèges corporatifs

Tout d’abord, qu’il ait tort ou raison, M. Mélenchon a droit à la liberté d’expression, et, sauf à torturer la loi (ce que nos magistrats finissent par bien apprendre), si la loi sur la presse protège les policiers à titre individuel et spécial contre la diffamation ou l’injure, elle ne protège pas la police en tant que corps constitué. A cet égard, et même si certains ordres professionnels ont été restaurés au titre de leur discipline interne, il faut rappeler que les corporations ont été dissoutes en 1791 dans le cadre de la Révolution que les Castaner et Mélenchon célèbrent à l’envie. Tant pis pour Castaner.

Ajoutons que le chef de La France insoumise a quelques raisons de se plaindre de la police, les conditions de la perquisition dans les locaux de son parti étant des plus critiquables[ii], notamment quant à la séparation des pouvoirs. Tout particulièrement, dans la mesure où, pour une part, elle concernait un soupçon d’emploi abusif d’assistants parlementaires, elle était inadmissible. En effet, cela concerne le fonctionnement du pouvoir législatif : que ne dirait-on pas si symétriquement une commission parlementaire allait examiner les dossiers du juge d’instruction, pour voir si la justice fonctionne correctement ? Un instant de raison, oui, Mélenchon était la République, même si je crois comprendre que cela a échappé malencontreusement même à son avocat…

Émeutes et barbarie

Nos politiciens, dans leur lâcheté, reculent devant l’émeute, tétanisés qu’ils sont dans une perspective électoraliste de devoir assumer la mort d’un émeutier. Ils tremblent à l’évocation de la mort d’un Rémi Fraisse (2017), comme si le maintien de l’ordre face à l’émeute pouvait permettre de garantir zéro mort ! On a vu comment le président Macron a reculé devant l’épreuve de force à Notre-Dame des Landes (et nous n’avons pas fini d’en payer la facture…) ; tout comme François Hollande avait reculé sur le barrage de Sivens. Force doit rester à l’émeute gauchiste.

Là où le propos de Jean-Luc Mélenchon prend tout son sens et sa pertinence, c’est comme on l’a vu par exemple avec les manifestations des Gilets jaunes, quand des policiers s’attaquent avec une brutalité de barbares à des manifestants pacifiques. Des blessures très graves, relevant de la chirurgie de guerre, ont été infligées sans raison à des manifestants non violents. Apparemment, il n’y a rien eu de semblable à Alger lors des manifestations qui ont fait choir de sa présidence Bouteflika. Pas de barbarie chez les barbaresques : un comble ! Et, si l’on en croit la chronique, semblables blessures ne semblent guère toucher les émeutiers du Black bloc, cette police supplétive vouée à délégitimer les manifestations.

Ce sont bien des policiers barbares qui ont tué le manifestant nationaliste Sébastien Dézieux (1994), le forlançant depuis la rue jusque sur les toits de Paris, provoquant sa chute mortelle ; ce sont bien des barbares qui ont tiré sans sommation au lanceur de balles de défense LBD 40[iii] sur Fiorina Lignier, 20 ans, 1 m 55, 40 kg, le 8 décembre 2018 sur les Champs-Élysées alors que tout était calme et pacifique. Mademoiselle Lignier, partiellement défigurée et un œil crevé (comme bien d’autres) restera infirme à cause de barbares…

I-Média n°233 – Les médias ouvrent enfin les yeux sur ceux qui les perdent

Pouvez-vous, en l’état, donner ici tort à Mélenchon ? Moi pas.

Eric Delcroix
5/10/2019

[i] On n’ose plus parler de propos privés, les smartphones étant devenus des mouchards omniprésents à un point que même Orwell n’avait pas anticipé.

[ii] Voir l’article de Me Étienne Tarride, mis en ligne sur Polémia, le 19 septembre 2019.

[iii] Je ne parle pas ici de la gendarmerie, beaucoup plus économe de balles de LBD 40.

Source : Correspondance Polémia

Crédit photo : Cancillería Ecuador from Ecuador [CC BY-SA 2.0]

Éric Delcroix
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