La situation géopolitique au Proche-Orient est actuellement très complexe. Les Kurdes, dont certains sont aujourd’hui en lutte contre la Turquie, doivent-ils être aidés ? Si oui, de quelle manière ? La région est évidemment une poudrière et les réponses à ces questions sont peu évidentes. Pierre Boisguilbert, excellent et régulier contributeur de Polémia, livre son avis tranché sur cette situation. Polémia
Faute de faire la guerre à la Turquie, ce qui est évidemment exclu compte tenu de sa puissance militaire, la seule solution pour sauver les Kurdes de Syrie, serait de soutenir l’armée de Bachar Al-Assad. Voilà où, huit ans après la croisade lancée contre « le boucher de Damas » par Laurent Fabius, alors ministre français des Affaires étrangères, l’on en est arrivé…
On va bien sûr noyer la cruelle vérité dans un flot de discours humanitaires et de généralités sur le (vrai) danger d’un retour de Daesh et de ses tueurs de masse. Il n’est décidément pas bon de faire confiance aux démocraties occidentales. Les Kurdes auraient pu le savoir en examinant les précédents algériens ou vietnamiens : que d’alliés dévoués abandonnés par les Français et les Américains à l’égorgement FLN ou à l’oppression marxiste ! Les Kurdes qui ont combattu pour nous au sol, avec leurs femmes, n’ont plus d’espoir que dans le régime syrien.
Ce qui se passe est la conséquence de notre incohérence politique au nom d’une idéologie à géométrie variable. La coalition occidentale s’est toujours opposée à celle de la Russie et de l’Iran, et pourtant l’ennemi était commun, comme Vladimir Poutine n’a cessé de l’expliquer. La Turquie était notre alliée, ce qui ne l’a pas empêché de se rapprocher de Moscou. La Turquie a été la route triomphale pour les combattants étrangers du califat et très longtemps, par haine du régime syrien, son allié objectif. Une Turquie islamiste préférée à une dictature laïque. Un allié de l’OTAN qui aujourd’hui tourne ses armes contre les Kurdes, alliés de pays membres de l’OTAN. Une Turquie qui menace l’Europe aux pieds d’argile de la submerger par plus de 3 millions de réfugiés si elle n’accepte pas l’épuration ethnique annoncée.
La responsabilité première de ce drame, la première incohérence, est une fois de plus américaine. Washington, allié des Kurdes, est en effet accusé de les avoir abandonnés, en autorisant le transfert de 50 à 100 soldats américains stationnés à la frontière turco-syrienne vers d’autres bases en Syrie, quelques jours avant le début de l’offensive turque. Un redéploiement suivi de l’annonce le 13 octobre du retrait de jusqu’à 1 000 autres militaires de la zone. Trump s’est rendu compte trop tard de son erreur. Il se dit prêt à activer des sanctions fermes contre Ankara, visant son économie, a déclaré le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin. Mais Washington estime que la Turquie n’a pas encore, « à ce stade », franchi la ligne rouge. Une « solution négociée » est pour l’instant l’option privilégiée. De son côté, Ankara fait la sourde oreille aux pressions. « Ceux qui pensent pouvoir nous contraindre à reculer avec ces menaces se trompent », a déclaré le président Recep Tayyip Erdogan. Il sait que, nul n’ayant envie d’intervenir, cela lui laissera le temps peut être de terminer son nettoyage.
Quant aux prisonniers membres de Daech et à leurs nombreuses familles, ils vont tenter d’en profiter si les Turcs laissent faire. La menace terroriste pourrait être renforcée avec de nouvelles zones contrôlées par les évadés du défunt califat.
Une situation aussi dangereuse qu’absurde. Une alliance objective sans idéologie des ennemis de Daech aurait tout réglé. Il aurait fallu manger son chapeau démocratique face à Assad, certes. Mais n’est-ce pas pire de voir aujourd’hui « le boucher » se transformer en protecteur de ceux que nous avons trahis.
Tout est perdu… surtout l’honneur, une fois de plus !
Pierre Boisguilbert
15/10/2019
Source : Correspondance Polémia
Crédit photo : Domaine public, via PixaBay
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