Priver un enfant de son père (PMA) ou de sa mère (GPA) est une maltraitance. Entretien avec Aude Mirkovic, spécialiste du droit de la famille, par Gabrielle Cluzel pour Boulevard Voltaire.
Gabrielle Cluzel : Aude Mirkovic, vous êtes porte-parole de l’association « Juristes pour l’enfance ». Que vous inspire le jugement rendu il y a quelques jours par le tribunal de grande instance de Versailles, refusant l’adoption d’un enfant né par PMA à l’étranger par la conjointe de sa mère biologique ?
Aude Mirkovic : Le tribunal n’a fait qu’appliquer le droit. En effet, l’adoption vise à réparer le fait qu’un enfant a été privé de ses parents biologiques ou de l’un d’eux en le confiant à des parents adoptifs. Au contraire, le priver délibérément de son père pour le rendre adoptable réalise un détournement de l’adoption, ce que la justice française refuse, y compris d’ailleurs lorsque l’adoption est ensuite demandée au sein d’un couple homme/femme. Or, les femmes qui vont en Belgique, en fraude à la loi française, se faire inséminer par un inconnu planifient la conception d’un enfant privé de père, de manière à ce qu’il soit adoptable. Le droit français refuse de valider ce bricolage procréatif qui constitue une grave injustice envers l’enfant.
On apprend que de telles adoptions ont déjà été prononcées. Doit-on en déduire que, quoi qu’en dise le gouvernement, la PMA pour les femmes est, sinon légale, du moins déjà tolérée en France ?
Les tribunaux qui ont prononcé l’adoption d’un enfant délibérément rendu adoptable se sont rendus complices d’un dévoiement de l’adoption, au mépris du droit. Il est incompréhensible que les procureurs n’aient pas formé de pourvoi devant la Cour de cassation, ce qui manifeste la complicité et la duplicité du gouvernement sur le sujet. Le peuple français refuse que la loi organise la fabrication d’enfants sans père. Le gouvernement craint le peuple et fait mine de reculer sur ce point, mais il attend visiblement d’être mis devant le fait accompli lorsqu’il cautionne le contournement de la loi française à l’étranger.
En refusant l’adoption, est-ce que la justice ne sanctionne pas l’enfant ?
Au contraire, le seul moyen de protéger les enfants – qui ne sont pas fautifs, les pauvres ! – est de refuser l’adoption demandée. En effet, le préjudice principal infligé à l’enfant est d’avoir été privé délibérément et définitivement de son père. Or, l’adoption par la conjointe de sa mère ne réparera pas cela car elle ne restituera pas son père à l’enfant. Au contraire, faire comme si de rien n’était reviendrait à nier ce préjudice, empêchant d’autres femmes tentées par ces techniques de mesurer le dommage ainsi causé à l’enfant. Prononcer cette adoption serait un encouragement à multiplier le nombre d’enfants délibérément amputés de leur lignée paternelle pour pouvoir être adoptés. La loi multiplie les efforts pour assurer le maintien des liens entre l’enfant et ses deux parents en cas de séparation, surtout avec son père. Ce n’est pas pour permettre, par ailleurs, de fabriquer des enfants sans père.
Lors de son entrevue avec la délégation LMPT, Laurence Rossignol, secrétaire d’État à la Famille, aurait affirmé ne pas être au courant de la promotion de la GPA faite par des cliniques américaines sur le sol français. Il faudrait peut-être lui offrir une télévision, ou au moins un abonnement à un journal, car les médias ont publié de nombreuses enquêtes sur le sujet, non ?
Il est effectivement invraisemblable que le ministre de la Famille ignore que des sociétés étrangères viennent en France proposer les services de gestatrices américaines, alors que le gouvernement a été interpellé à ce sujet par des parlementaires, et qu’une plainte, largement médiatisée, a été déposée par notre association et a donné lieu à l’ouverture d’une enquête. Cette prétendue ignorance révèle l’inertie du gouvernement à lutter contre cette pratique, alors qu’elle consiste à acheter à une femme l’abandon de son enfant, c’est-à-dire à acheter un enfant, tout simplement. La circulaire Taubira de janvier dernier, qui ordonne aux greffiers de délivrer les certificats de nationalité française aux enfants nés de ces pratiques, manifestait déjà la complicité du gouvernement. Heureusement, la Cour de cassation refuse de fermer les yeux en cas de recours à la GPA à l’étranger, mais cela n’est pas suffisant : priver délibérément un enfant de son père (PMA) ou de sa mère (GPA) pour le rendre adoptable devrait être sanctionné car c’est une maltraitance à l’égard des enfants concernés. Le fait qu’ils soient ensuite aimés et choyés ne change rien et ne réparera jamais l’injustice qui consiste à les priver de leur père ou de leur mère.
Entretien réalisé par Gabrielle Cluzel
Source : Boulevard Voltaire
04/05/2013