Un fait divers agite la Suède : une femme et son fils ont été tués à coups de couteau dans un magasin Ikea par un demandeur d’asile érythréen dont le dossier venait d’être rejeté et qui devait être expulsé. Il s’est ensuite frappé lui-même mais sans mettre fin à ses jours. Voilà un fait ennuyeux pour les médias de propagande : le « vivre-ensemble » serait-il compromis en Suède aussi ? Michel Geoffroy examine donc comment le journaliste du Figaro de service s’y prend, en 6 paragraphes, pour traiter du sujet. Il s’agit de l’article du 13 août 2015 intitulé « Meurtre chez Ikea : le coup de folie d’un migrant » sous la signature d’Aube Tollu.
Polémia
Encore la folie !
Le titre de l’article donne déjà le ton : il s’agit du « coup de folie » d’un migrant.
Nous voilà tout de suite en terrain connu. Les médias de propagande utilisent en effet systématiquement l’expression « coup de folie » lorsqu’un crime est commis par une personne d’origine immigrée et/ou de religion musulmane : elle permet de clore en effet toute recherche éventuelle d’autres motivations qui pourraient contredire l’image toujours compassionnelle et victimaire donnée aux personnes de cette origine.
Le journaliste utilise aussi, bien sûr, le terme compassionnel désormais consacré de migrant, qui permet de supprimer le préfixe im, qui mettait trop l’accent sur l’aspect intrusif de ladite migration et de transformer les immigrants en victimes, notamment en naufragés ou en réfugiés.
La faute à la société
Aube Tollu ajoute aussi un sous-titre qu’il faut décrypter : « Digne d’un polar scandinave, le fait divers agit comme un révélateur des angoisses de la société suédoise ».
Voilà un procédé habituel de la propagande consistant à noyer immédiatement un fait politiquement incorrect dans des considérations sociologisantes destinées à inverser le point de vue : le problème ne vient plus du migrant érythréen mais, bien sûr, « des angoisses de la société suédoise ». De quelles angoisses s’agit-il ? Mystère, évidemment, car le but n’est pas d’expliquer mais de brouiller l’attention du lecteur.
La référence au « polar scandinave », pour le moins déplacée au cas d’espèce car il s’agit d’assassinats bien réels, sert aussi à suggérer qu’il s’agit d’une affaire dont les Suédois seraient friands en quelque sorte. Autre façon de banaliser les faits.
Les vrais responsables sont les Suédois
L’article comporte ensuite un seul intertitre révélateur : « Peur d’un acte de représailles ».
Il s’agit bien évidemment d’un autre processus habituellement utilisé dans les médias de propagande, destiné à inverser l’identité des victimes. Comme lorsqu’on dit que les principales victimes de l’islamisme en France sont les musulmans.
Ici les victimes sont bien sûr les réfugiés érythréens qui pourraient faire l’objet de ces prétendues représailles.
Aube Tollu s’empresse d’ailleurs de nous dire que « pour empêcher un acte de représailles de la part des riverains, la police a renforcé le système de sécurité autour des camps de réfugiés ». Il ne lui vient pas à l’esprit que ce pourrait être au contraire un bouclage dudit camp de réfugiés, mais passons.
Ce qui importe à Aube Tollu c’est de nous suggérer qu’il pourrait y avoir des représailles et de nous préciser aussi que les associations de défense des réfugiés (lesquelles, au fait ?) craignent que le fait divers ne soit « exploité par les groupes d’extrême droite », ce qui serait horrible en effet. Pour preuve le journaliste, décidément porté sur les polars, cite d’ailleurs… un roman de Henning Mankell.
Le journaliste nous précise aussi que « les crimes de haine, motivés par l’orientation sexuelle, l’identité religieuse ou la race de la victime, seraient en constante augmentation ». On notera que la forme conditionnelle est employée : le journaliste n’a-t-il pas eu le temps de vérifier ses sources ? En outre, l’énumération de ces « crimes de haine » fleure bon le politiquement correct : elle sert avant tout à suggérer que la Suède connaît un regain de xénophobie. Vous avez donc compris : le vrai problème ce sont les Suédois.
L’article se termine par un petit développement compassionnel sur la « communauté érythréenne en Suède » et ses malheurs dans son pays d’origine qui serait la « Corée du Nord de l’Afrique ».
Comment on change le sens des faits
Si l’on résume, sur 6 paragraphes :
- les deux premiers traitent du déroulement des meurtres, en tentant de les présenter comme une sorte d’énigme heureusement résolue (d’où sans doute aussi la référence au polar) ;
- le troisième esquisse l’idée que la « cause du drame » résiderait dans le fait que l’agence des migrations ait refusé la demande d’asile de l’auteur des coups de couteau ;
- les trois derniers correspondent à une présentation victimaire de la communauté érythréenne.
Le lecteur aura donc compris que les migrants érythréens sont les vraies victimes du « drame ».
Celles qui ont été tuées à coups de couteau n’étaient en effet que « des clients lambda sans histoire ». Aube Tollu ne juge donc pas utile de s’appesantir sur elles : à la différence de notre migrant érythréen, nous ne saurons donc jamais rien de leurs malheurs.
Et puis écrire qu’elles sont « sans histoire » revient à inférer qu’elles auraient pu en avoir, voire qu’elles auraient pu provoquer, par exemple, ce brave migrant rejeté par la glaciale société suédoise.
Bravo à Aube !
Bravo en tout cas à Aube Tollu pour nous avoir, en quelques lignes, présenté les techniques habituelles de désinformation journalistique au service de l’idéologie dominante :
- la dilution des faits dans des considérations destinées à détourner l’attention sur leur signification ;
- la victimisation du migrant auteur des meurtres ;
- le silence sur les victimes dès lors qu’elles sont autochtones ;
- la culpabilisation de la société d’accueil ;
- l’invocation sempiternelle de la terrible extrême droite.
Michel Geoffroy
15/08/2015
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