Par Robert Martin ♦ Un de nos lecteurs nous a récemment contactés. Fonctionnaire retraité ayant assuré un rôle important au sein du dispositif judiciaire entourant la demande d’asile en France, il est théoriquement soumis à un devoir de réserve, nous avons donc respecté son anonymat en modifiant son nom. Néanmoins, face aux actions d’Emmanuel Macron et notamment à sa loi Asile et Immigration, il a décidé de nous communiquer plusieurs textes. Nous avons décidé de publier en 5 parties un grand texte solidement documenté sur le projet de loi d’Emmanuel Macron et, plus globalement, sur les mesures qu’il faudrait adopter pour gérer efficacement la crise migratoire.
Après une première partie dédiée à l’analyse globale du texte Asile et Immigration, Robert Martin commentera ici le rapport du Conseil d’Etat sur ce projet de loi.
Polémia
Ma première inquiétude fut de découvrir que le Conseil d’Etat avait désigné comme rapporteur de ce texte, un conseiller d’état, Thierry Tuot, auteur il y a cinq ans d’un rapport controversé intitulé « La Grande Nation : pour une société inclusive » et connu pour ses positions favorables à une immigration ouverte.
Ainsi, selon Le Point, ce haut fonctionnaire abandonna son devoir de réserve et, à plusieurs reprises, il a semblé que l’analyse juridique cédait la place au discours militant, allant jusqu’à publiquement regretter qu’il ne soit pas possible au Conseil d’État de « refuser d’examiner le texte », ce qui aurait, selon lui, « constitué un geste politique fort ». Et de dénoncer « la propagande du gouvernement qui, sous le couvert d’une meilleure intégration des étrangers, entend faire passer sans les assumer une série de mesures durcissant les conditions d’entrée et de séjour de ces derniers. »
Cependant, malgré ces dérapages verbaux, le rapport pour avis rendu le 15 février 2018 sur ce projet de loi fut considéré par tous comme étant équilibré.
L’avis rendu par le Conseil d’Etat le 15 février 2018
Premier commentaire
Le Conseil d’Etat souligne, dans les paragraphes 4 à 10 de son rapport, les faiblesses majeures du texte gouvernemental donnant ainsi l’impression de ne pas évoquer les vrais problèmes auxquels notre pays est confronté en matière de mouvements migratoires.
Rapport du Conseil d’Etat :
« 4. Le Conseil d’État observe que les migrations, particulièrement celles qui concernent le territoire national et plus largement l’Europe, ont connu au cours de la dernière décennie des changements très importants : l’origine et la nature des flux, leur répartition géographique, les motifs conduisant à rechercher l’entrée sur le territoire national reflètent des évolutions très significatives, sur lesquelles l’exposé des motifs et l’étude d’impact demeurent souvent allusifs. »
Commentaires :
Le Président de la République a évoqué rapidement dans son débat sur RMC les thèses du journaliste américain Stephen SMITH développées dans son livre publié le 7 février 2018 La ruée vers l’Europe — La jeune Afrique en route pour le Vieux continent. Un livre qui décrit bien le nouveau paysage européen marqué avant tout par une immigration massive venant d’Afrique. Une migration vers l’Europe inéluctable du fait du doublement de la population africaine d’ici à 2050.
Stephen Smith prend également « à rebrousse-poil » les théories établies du co-développement, battant en brèche la croyance selon laquelle aider les pays africains à se développer économiquement permet d’empêcher la migration des populations vers l’Eldorado Europe.
Ce ne sont plus les populations les plus démunies d’Afrique qui partiront pour l’Europe, mais celles des classes moyennes, plus en mesure de faire le grand saut vers le paradis économique du vieux continent.
Nous passerons des demandeurs d’asile désireux de « sauver leur peau », aux expatriés pour raisons économiques.
Or, notre modèle d’analyse des demandes d’asile n’est absolument pas adapté à cette nouvelle catégorie de migrants.
Pour détendre un peu le lecteur, voici un article consacré à la grande naïveté de notre politique d’examen des demandes d’asile et au « professionnalisme » des associations pro-migrants.
Deuxième commentaire
Rapport du Conseil d’Etat :
« Dans ce domaine plus encore que dans d’autres, au regard notamment des tensions et des passions qui traversent le pays, une approche documentée, appuyée par un appareil statistique complet, est seule de nature à permettre les débats de principe qu’exige la situation et à justifier les décisions délicates qu’elle appelle, ainsi qu’à entreprendre la nécessaire pédagogie qui doit les accompagner. »
Commentaires :
En effet, nous ne disposons pas d’un tableau de bord regroupant l’ensemble des données liées à l’immigration. Cette situation s’explique par :
1) La fragmentation des données existantes :
a. Le Ministère de l’Intérieur est censé devoir assurer cette centralisation.
b. Les rapports annuels : Conseil d’Etat, OFPRA, CNDA…
c. INSEE, INED….
d. Etudes d’opinion…
2) L’absence d’un fichier informatisé regroupant, pour chaque demandeur d’asile, l’ensemble des données figurant dans sa demande écrite qui permettrait par le regroupement de ces fichiers dans une base de données nationale, une analyse fine au plan global du phénomène migratoire en temps réel :
a) Documents d’identification du demandeur : taille, poids, photo, empreintes digitales, iris,
b) Etat civil :sexe, âge, pays d’origine, nationalité revendiquée, ethnie, langue maternelle, autres langues pratiquées,
c) Date et conditions d’arrivée en France :
i. Visa régulier, passeport d’emprunt, sans aucun titre,
ii. Conditions d’arrivée :
i) avec son conjoint, ses enfants, d’autres membres de sa famille, d’autres personnes,
ii) arrivée par voie terrestre, aérienne, ferroviaire, maritime –
iii) avec l’aide d’un passeur( prix, financement…), ou une autre aide,
d) Précédent séjour en France ou en Europe : dates, pays traversés,
e) Demandes d’asile sollicités (pays, date, décision, départ volontaire ou contraint, conditions du retour,
f) Motifs de la demande : conventionnels ou autres,
g) Pièces d’état civil détenues :passeport, CNI, carte d’électeur, permis de conduire, carte d’étudiant, carte d’appartenance à un parti, certificat d’état civil, autres …),
h) Localisation en France : région, type d’hébergement (CADA, hébergement familial ou chez des amis, SDF),
i) Situation matrimoniale : mariage civil ou seulement religieux, mariage forcé, appartenance à une minorité sexuelle, nombre et âge et localisation des enfants,
j) Confession : d’origine, confession actuelle,
k) Niveau de formation emploi occupé, fonctions socio-éducatives, activités sportives…
l) Engagement politique, social …
m) Situation des parents et des frères et sœurs,
n) Informations à ajouter dans la demande écrite initiale :
i. données sanitaires : résultats globaux de l’examen sanitaire à passer obligatoirement avant le dépôt de la demande d’asile, maladies connues, soins reçus dans le pays d’origine, état de santé du conjoint et des enfants,
ii. situation sur le plan pénal dans son pays d’origine (condamnations, affaires controuvées)…
3) Ce fichier informatisé qui, ne comprendrait que des données fournies par écrit par le seul solliciteur de l’asile dans sa demande initiale, serait complété, pour chaque demandeur par :
a) Dates et nature des décisions de l’OFPRA et de la CNDA relatives au premier examen et aux éventuelles demandes de réexamens,
b) Décisions administratives :
i) obligations de quitter le territoire français délivrées par les préfectures (OQTF)
ii) placements en centre de rétention,
iii) délivrance d’une autorisation de retour dans le pays d’origine ou dans le cadre des procédures Dublin,
iv) aide au retour
v) retour effectué
vi) refus d’embarquement
c) Décisions des juges administratifs et judiciaires
Sans une telle base de données à coupler avec la base des entrées régulières (regroupement familial, étudiants, considérations sociales ou médicales …), il ne sera pas possible d’avoir une vision globale des problèmes posés par les mouvements migratoires.
Troisième commentaire
Suite du rapport du Conseil d’Etat :
« 5. Au regard de l’importance des évolutions que connaissent les phénomènes migratoires – basculement des flux de la demande de séjour de droit commun vers la demande d’asile, arrivée de flux secondaires détournés d’autres pays, présence croissante de personnes originaires de pays avec lesquels la France n’avait pas de lien historique, part importante des mineurs isolés, pour s’en tenir à quelques traits majeurs – le Conseil d’État aurait souhaité trouver dans le contenu du texte, éclairé par l’exposé des motifs et l’étude d’impact, le reflet d’une stratégie publique fondée sur l’exacte mesure des défis à relever et sur des choix structurants orientant les services publics vers un exercice plus efficace de leur mission. »
Commentaires :
Il s’agit là de l’observation fondamentale du rapport du Conseil d’Etat qui attend que pour la première fois un Gouvernement ait le courage de définir « une stratégie publique fondée sur l’exacte mesure des défis à relever et sur des choix structurants orientant les services publics vers un exercice plus efficace de leur mission. »
Il faut sortir des antiennes habituelles concernant d’une part, l’amélioration des conditions d’accueil des réfugiés auxquels nous devons accorder l’asile et d’autre part, l’accélération du départ de tous ceux qui n’étant pas menacés dans leur pays, doivent y être rapidement reconduits au profit de décisions politiques courageuses tant à l’égard d’instances internationales.
Des mesures de bon sens
Rapport du Conseil d’Etat :
« 6. Il note à cet égard que pour satisfaire aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009 403 du 15 avril 2009 l’étude d’impact doit être complétée et enrichie sur plusieurs points parmi lesquels il convient de citer l’évolution générale des flux migratoires et des titres remis par catégories, le nombre de mesures d’éloignement et leur taux d’exécution, l’appréciation critique des dispositions en vigueur (qui n’a été complétée que pour celles issues de la loi de 2015), l’insertion des choix faits au regard du droit de l’Union existant ou en cours de négociation, l’appréciation de l’efficacité des politiques de l’Union, celle des accords avec les pays d’origine.
Il serait à cet égard très utile que les données concernant la France soient comparées avec celles des principaux autres pays européens. »
Commentaires :
Mesure de bon sens.
Suite du rapport du Conseil d’Etat :
« 7. Quelques évolutions majeures, dont le Conseil d’État apprécie la pertinence, sont proposées par le projet de loi. Elles se résument pour l’essentiel au choix de privilégier la promptitude de la décision statuant sur la demande d’asile en premier lieu, à celui d’une répartition volontariste des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire, pour améliorer l’efficacité de leur prise en charge, en deuxième lieu, et à plusieurs mesures visant à lutter contre l’immigration irrégulière, en rendant plus rapide et plus effective la mesure d’éloignement, en troisième lieu. L’essentiel des autres mesures est de nature technique, avec une portée relativement limitée.
Si chacune d’entre elles est justifiée avec précision dans l’étude d’impact, celle-ci – et c’est la deuxième critique que l’on peut adresser à ce document – devrait poser plus clairement un diagnostic d’ensemble. Diagnostic d’autant plus nécessaire que, depuis 1980, 16 lois majeures sont venues modifier les conditions d’entrée et de séjour ou d’asile ; depuis la création du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) en 2005, le législateur est intervenu en moyenne tous les deux ans pour modifier les règles. Le projet de loi soumis à l’examen du Conseil d’État ne peut même pas s’appuyer sur une année entière d’exécution de certaines des mesures issues de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 qu’avait précédée la loi n° 2015 925 du 29 juillet 2015, comme le reconnaît l’étude d’impact. S’emparer d’un sujet aussi complexe à d’aussi brefs intervalles rend la tâche des services chargés de leur exécution plus difficile, diminue sensiblement la lisibilité du dispositif et risque d’entraîner à son tour d’autres modifications législatives pour corriger l’impact de mesures qui, faute de temps, n’a pu être sérieusement évalué. »
Commentaires :
Idem.
Rapport du Conseil d’Etat :
« 8. A cet égard, le Conseil d’État ne peut que regretter que le projet ne soit pas l’occasion d’une simplification drastique des dispositifs qui, au fil de la sédimentation des dispositions, se multiplient et se déclinent en variantes dont la portée, le régime ou les conditions diffèrent marginalement, sans que cette sophistication n’entraîne un surcroit d’efficacité.
Pour s’en tenir au droit de l’éloignement, le CESEDA ne compte aujourd’hui pas moins de neuf catégories différentes de mesures d’éloignement, dont certaines se subdivisent elles-mêmes en sous-catégories, régies par des règles différentes.
Le même constat peut être fait pour les régimes d’assignation à résidence applicables aux étrangers, dispersés en six catégories qui, chacune, comportent des nuances et des spécificités.
Un troisième exemple de complexité sans doute inutile concerne les titres de séjour : alors que deux récentes directives de l’Union européenne prévoient la délivrance – dans le champ qu’elles concernent – de quatre types de titre de séjour (chercheur, étudiant, jeune au pair, étranger non communautaire en mobilité intragroupe), leur transposition en France conduit à distinguer 17 mentions différentes sur les titres délivrés.
Enfin, le Conseil d’État note, pour le regretter, les difficultés inextricables qui envahissent, dans les matières traitées par le projet de loi, la définition des compétences respectives du juge de l’asile (la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ) et du juge administratif de droit commun (le tribunal administratif) : le Conseil d’État a dû, par plusieurs décisions ou avis contentieux récents, lever les incertitudes liées à l’absence de répartition claire des compétences entre ces deux juridictions, notamment lorsque la CNDA est saisie de décisions par lesquelles l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) oppose certains motifs d’irrecevabilité à la demande d’asile ou clôture le dossier en application de certaines dispositions du CESEDA. Les étrangers, les services en charge de la gestion de l’asile et du séjour et les juridictions ne peuvent que déplorer cette complexité toujours croissante, à laquelle le projet de loi, loin de remédier, ne fait qu’ajouter des couches supplémentaires. »
Commentaires :
Idem
Rapport du Conseil d’Etat :
« 9. Le Conseil d’État insiste à nouveau sur la nécessité, dans ce domaine particulièrement sensible, de ne légiférer qu’au vu d’évaluations claires des dispositifs en vigueur, ce qui suppose d’assigner d’abord des objectifs précis et mesurables en termes d’efficacité, de coût et de praticabilité et de vérifier ensuite si ceux ci ont été atteints ou non. »
Commentaires :
Idem
Cinquième commentaire
Rapport du Conseil d’Etat :
« 10. On ne peut, certes, ignorer la grande complexité et le caractère contraignant du cadre juridique qui a présidé à la rédaction du projet présenté. Ils résultent de la combinaison des exigences générales de nature constitutionnelle et conventionnelle avec les précisions de plus en plus nombreuses qu’à la convention de Genève ont ajoutées les directives communautaires relatives à l’asile, aux autres protections, aux règles de séjour et de déplacement des étrangers.
Mais si la marge de manœuvre ouverte au législateur national est relativement étroite, elle pourrait utilement se concentrer sur la refonte des outils de politique publique, accompagnée de l’affectation et de la rationalisation des moyens qui doivent y être consacrés, pour mettre en œuvre les choix nécessaires de politique publique en matière d’asile et d’immigration. »
Commentaires :
Faute de prendre en compte ces observations de bon sens, le Gouvernement risque de devoir redéfinir de nouveaux textes législatifs d’ici la fin du quinquennat. Cf. les six lois adoptées en matière d’immigration depuis 2003.
L’augmentation du nombre de bénéficiaires du statut de réfugié et du regroupement familial
De plus, certaines dispositions du projet vont contribuer à augmenter très fortement le nombre d’étrangers pouvant bénéficier du statut de réfugié et (ou) du regroupement familial :
– Le projet de loi permet la réunification familiale autour d’une personne protégée dans les mêmes conditions selon qu’il s’agit d’un majeur, dont les enfants peuvent alors le rejoindre, ou d’un mineur (cas des petites filles menacées de mutilations génitales en cas de retour dans leur pays), dont les parents peuvent alors entrer sur le territoire national, accompagnés de leurs autres enfants à charge. Or, selon les estimations de l’OMS , 100 à 140 millions de filles et de femmes dans le monde vivent en subissant les conséquences d’une MGF et environ 3,3 millions de filles risquent chaque année d’être mutilées sexuellement.
– Le droit au séjour des personnes victimes de violences conjugales ou de mariages forcés est renforcé en étendant ce droit aux victimes de violences familiales, et en favorisant le régime applicable aux victimes lorsqu’elles sont bénéficiaires d’une ordonnance de protection dans le cadre de l’article L. 316-3. N’oublions pas que dans le monde, selon l’OMS, 30 % des femmes sont victimes de violences conjugales de la part de leur partenaire.
Des mesures accessoires inutilement clivantes
Les mesures qui vont inutilement braquer les opposants au projet de loi sans présenter de réelles améliorations de la situation actuelle (voir l’article traitant de ce sujet) :
« 18. La loi fixe aujourd’hui un délai de 120 jours pour déposer une demande d’asile à compter de l’entrée en France. A défaut, il est statué sur la demande en procédure prioritaire et le demandeur n’a pas droit au bénéfice des conditions matérielles d’accueil. La réduction de ce délai à 90 jours, que prévoit le projet de loi, est compatible avec la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 et s’inspire de pratiques retenues dans d’autres pays européens, comme l’Allemagne. Le Conseil d’État estime qu’elle ne se heurte à aucune objection sur les plans constitutionnel et conventionnel. »
….surtout, lorsque le Conseil d’ État « couple » cette réduction avec un délai de même durée, interruptif du premier, pour demander l’aide juridictionnelle :
« 21. Le projet de loi réduit le délai de recours contre les décisions de l’OFPRA, que celui-ci ait rejeté une demande de protection ou décidé le retrait de cette protection : le délai passe ainsi d’un mois à 15 jours. Au regard de la nature du contentieux en cause, de l’objectif d’intérêt général que constitue le traitement rapide de ces contestations et des marges d’appréciation que laisse le droit de l’Union, le Conseil d’État estime qu’un tel délai de 15 jours, qui peut être couplé avec un délai de même durée, interruptif du premier, pour demander l’aide juridictionnelle, et n’interdit pas de compléter la motivation en fait et en droit du recours, comme de produire des pièces nouvelles, après son expiration et jusqu’à la clôture de l’instruction, peut être regardé comme « raisonnable » au sens de la directive précitée du 26 juin 2013. Compte tenu de ce qui précède, il ne remet pas en cause le droit à un recours effectif. Neuf États européens (pour la procédure normale) et seize (pour la procédure accélérée) pratiquent d’ailleurs un délai inférieur à 15 jours, et deux seulement accordent un délai supérieur à un mois. Ici comme sur d’autres points, l’attention du Gouvernement est cependant attirée sur la nécessité de garantir l’effectivité concrète de ce droit, notamment lorsque la personne à laquelle le délai est opposable est placée en rétention ou assignée à résidence. A cet égard, la mise en place d’une assistance juridique sur les plateformes d’accueil, qui existe dans de nombreux autres pays européens, mériterait de faire l’objet d’une réflexion, comme l’a souligné à plusieurs reprises le Haut Commissariat aux réfugiés. »
….idem, quand le projet de loi étend les cas dans lesquels, la décision prise par l’OFPRA sur la demande d’asile met fin au droit de séjour sur le territoire : la conséquence est qu’un éventuel recours à la CNDA ne revêt plus, dans ces cas, un caractère suspensif. Rien ne s’oppose dans le droit de l’Union à ce choix. Mais il ne peut satisfaire aux exigences constitutionnelles et conventionnelles que si l’étranger dispose d’un recours juridictionnel pour obtenir, lorsqu’une mesure d’éloignement a été décidée, sa suspension le temps que la CNDA statue.
Des lenteurs judiciaires probables
Le projet de loi étend les cas dans lesquels, par combinaison des articles L. 743-1, L. 743-2 et L. 743-3 du CESEDA, la décision prise par l’OFPRA sur la demande d’asile met fin au droit de séjour sur le territoire : la conséquence est qu’un éventuel recours à la CNDA ne revêt plus, dans ces cas, un caractère suspensif. Rien ne s’oppose dans le droit de l’Union à ce choix, qui est compatible avec l’article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013. Mais il ne peut satisfaire aux exigences constitutionnelles et conventionnelles que si l’étranger dispose d’un recours juridictionnel pour obtenir, lorsqu’une mesure d’éloignement a été décidée, sa suspension le temps que la CNDA statue.
Toutefois il n’existe, notamment dans l’étude d’impact, aucun élément quantitatif permettant d’apprécier l’importance du contentieux supplémentaire que cette mesure engendrerait pour les tribunaux administratifs, dont plus d’un tiers des affaires concernent déjà le droit des étrangers. Le dispositif envisagé présente par ailleurs le grave inconvénient, même s’il étend un mécanisme déjà existant, de multiplier les risques de discordance entre deux juridictions administratives, d’obliger le tribunal administratif à porter une appréciation, à laquelle il est mal préparé et qui relève en réalité de l’office du juge de l’asile, avant même que la CNDA ne statue. Il introduit en outre des lenteurs contraires à l’objectif poursuivi par le projet de loi – le jugement du tribunal administratif pouvant faire l’objet d’un appel, assorti le cas échéant d’une demande de sursis à exécution, la résolution des éventuelles contradictions ne pouvant intervenir qu’après plusieurs mois au niveau du Conseil d’État, juge de cassation.
Robert Martin
29/04/2018
Source : Correspondance Polémia
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