Par Didier Beauregard, journaliste et essayiste ♦ Emmanuel Macron est-il en train de conquérir le centre-droit de la même manière qu’il a conquis durablement le centre-gauche en 2017 ? S’il a déjà intégré de nombreuses figures de « droite » à ses gouvernements successifs, cette famille politique avait mieux résisté que la gauche à son pouvoir d’attraction. La candidate du Parti socialiste est ainsi créditée de 2 % des voix dans les sondages ! Il se peut que la droite molle soit mangée de la même manière en 2022, ouvrant peut-être la voie à une recomposition de celle-ci autour d’une force nationale homogène. C’est l’analyse de Didier Beauregard que nous partageons à nos lecteurs.
Polémia
Présidentielle ou primaire de la droite ?
La primaire des droites que nous sommes en train de vivre dans le cadre du premier tour de la présidentielle est l’élément majeur de cette élection. Il devrait, peut-on légitimement espérer, boucler un cycle politique de près de 40 ans qui a vu une division imposée des droites, sur la base d’un « front républicain » qui fonctionnait au bénéfice exclusif de la gauche. Le premier grand mérite de la candidature d’Éric Zemmour est d’avoir imposé la question de la recomposition des droites comme l’enjeu central de la campagne électorale, bouclant ainsi un processus de recomposition du paysage politique dont nous avions tracé le scénario, dans ces mêmes colonnes, dans le cadre de la campagne de 2012 (1).
La droite est bien la force déterminante de la vie politique nationale, et l’issue de l’élection dépend de l’agencement futur des forces qui la composent. Il est donc logique et juste que l’échéance présidentielle à venir se présente avant tout comme une grande primaire des droites qui ne dit pas vraiment son nom. Un espace électoral que convoitent non pas trois mais quatre candidats. Dans cette course à l’échalote, il ne faudrait pas oublier Macron qui vise à être un acteur clé de la recomposition de la droite. Il est d’autant plus libre de lorgner vers la droite LR que l’effondrement du PS lui assure, dès le premier tour, la fidélité d’une part importante de l’électorat de gauche, comme le montrent les nombreux cadres du PS qui le rejoignent.
Meeting de Valérie Pécresse : entre tambouille insipide et échec cuisant
Tout porte donc à croire que Macron se prépare à un large repositionnement à droite qui officialisera la recomposition de l’échiquier politique à partir d’un centre droit, comme il l’a recomposé en 2017 à partir du centre gauche, et qui pourrait même aller chercher assez loin sur son flanc droit. Outre des personnalités LR déjà prêtes à adhérer à un nouveau pacte « républicain » autour d’une union des « raisonnables », des électrons plus ou moins libres pourront même faire l’affaire. On pense à Robert Ménard, aux propos désormais accommodants pour le président, qui, dans le rôle de rassembleur qu’il affectionne tout particulièrement, pourrait incarner la limite butoir du réajustement à droite de la macronie.
La droite de rupture face à son destin
Le pari à droite de Macron peut fonctionner (2) grâce à l’effondrement sans retour du PS et la faiblesse désormais manifeste de la candidate LR.
Le pari à droite de Macron pour 2022 n’est pas gagné d’avance !
Macron est en état, aujourd’hui, de réunir autour de lui un espace de gauche élargi qui ramasse l’essentiel des composantes traditionnelles du PS qui portaient une idéologie sociale-démocrate, et un centre droit multiforme qui maintiendra son opposition à une droite de rupture, composée pour l’essentiel des électeurs du RN, de Reconquête et d’une part importante de l’électorat LR, soit au moins les 40 % qui ont choisi Ciotti à la primaire. La capacité de ce bloc de droite, qui représente d’emblée plus de 40 % du corps électoral, à se rassembler pour former une force homogène, représente l’enjeu politique essentiel du deuxième tour du scrutin présidentiel et des années à venir. Le sort du pays est entre ses mains. Il faudra des personnalités dotées d’une réelle hauteur de vue pour réaliser une union opérationnelle, au-delà des rancœurs et des fractures. Le peuple de droite dans ses profondeurs appelle de tous ses vœux cette union des forces nationales.
La réalisation de ce scénario d’une refondation des droites implique naturellement l’absence de Pécresse au deuxième tour. La question qui se pose alors est bien de savoir si cette dernière sera sacrifiée sur l’autel de la recomposition à droite, ou bien si un poste de Premier ministre, ou autre, l’attend dans un gouvernement Macron rénové, dans lequel elle retrouvera ses fondamentaux idéologiques, dans la suite logique du chiraquisme dont elle ne cesse de se réclamer. Une droite européiste, atlantiste, légèrement libérale, cosmétiquement sécuritaire (le Kärcher !) et sociétalement progressiste ferait très bien l’affaire du système, dans « le meilleur des mondes possibles » !
Didier Beauregard
23/02/2022
(1) « Vers un big bang politique », Polémia, 16 avril 2012.
(2) « Le pari à droite de Macron pour 2022 n’est pas gagné d’avance ! », Polémia, 15 mai 2021.
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