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Percée électorale de la droite en Espagne : la vengeance de Franco ?

Percée électorale de la droite en Espagne : la vengeance de Franco ?

par | 13 novembre 2019 | Europe, Politique

Percée électorale de la droite en Espagne : la vengeance de Franco ?

En Espagne, les lignes électorales bougent. Et si, globalement, le pays s’enfonce dans une période hasardeuse de gouvernance de la gauche, Vox, le parti identitaire, réalise une percée salutaire. Pierre Boisguilbert, contributeur régulier de Polémia, nous livre son analyse sur la situation, notant que cette avancée notable de la droite sonne comme un retentissant signal d’avertissement, quelques jours seulement après la profaniation de la tombe du Général Franco par le gouvernement espagnol socialiste. Polémia


 Le crachat du Premier ministre socialiste espagnol sur la mémoire du général Franco ne lui aura pas porté chance. Quelques jours après l’exhumation de la dépouille du Caudillo de « la vallée de ceux qui sont tombés », les élections ne lui ont pas donné la satisfaction attendue. Pedro Sanchez avait voulu ce scrutin pour obtenir la majorité aux Cortès et, pour arriver à ses fins, il avait flatté les éternels revanchards de la guerre civile. C’est raté, le PSOE stagne et recule même un peu alors que la gauche extrême éclatée et divisée avec laquelle il va de voir s’allier connait un revers cinglant.

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Un scrutin pour rien ?

L’Espagne des républicains idéologiques assiste en revanche, apparemment impuissante, à la montée d’une droite nationale voulant assumer une Espagne « Una, Grande, Libre ». La lassitude des électeurs devant ces élections à répétition et l’incapacité des partis politiques à surmonter leurs divisions ont provoqué un phénomène impensable il y a seulement deux ans : Vox est désormais la troisième formation du Parlement. Créé en 2014, le parti de Santiago Abascal atteint 15 % des voix et bondit de 24 à 52 sièges alors qu’il y a moins d’un an, il n’avait aucune représentation politique, dans aucune institution.

Le corps de Francisco Franco, lui, a été exhumé le 24 octobre du mausolée proche de Madrid où il avait été enterré, non par sa propre volonté mais sur l’ordre de l’ex-roi Juan Carlos, quarante-quatre ans après la fin du régime. Ordonnée par Franco en 1940 pour célébrer sa « glorieuse croisade », la construction du Valle de los Caidos a duré près de vingt ans. Ce complexe monumental est surplombé d’une croix de 150 mètres de haut, visible à des dizaines des kilomètres à la ronde. Au nom de la « réconciliation nationale », le Caudillo y avait fait transférer les corps de plus de 30 000 victimes de la guerre civile, des franquistes mais aussi des républicains. Mais le terme réconciliation n’entre pas dans le vocabulaire du Premier ministre socialiste Pedro Sanchez qui avait fait du transfert de la dépouille du Caudillo une priorité dès son arrivée au pouvoir en juin 2018.

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Le cercueil contenant la dépouille embaumée du Generalisimo est sorti de l’imposante basilique creusée dans la roche, porté par huit membres de sa famille dont son arrière-petit-fils, le prince Louis de , Bourbon, prétendant au trône de France — ce qui a déclenché un scandale des deux côtes des Pyrénées, d’autant que les descendants du défunt ont crié « Vive l’Espagne ! Vive Franco ! » en plaçant dans le corbillard la dépouille qui a été transférée par hélicoptère au cimetière de Mingorubbio, dans le nord de Madrid, où repose l’épouse du dictateur. Environ 2 000 partisans l’y attendaient malgré l’interdiction de manifester lancée par les autorités.

L’ascension de Vox

Cette forfaiture historique a sans doute joué un rôle très marginal dans les législatives. Mais le doublement des suffrages pour le mouvement Vox montre tout de même que la mémoire interdite se ressource dans l’actualité au nom de la tradition et du passé. Vox s’était d’ailleurs clairement manifesté dans le débat sur l’exhumation de Francisco Franco, accusant le gouvernement socialiste sortant de Pedro Sanchez de « profanation » et critiquant la réhabilitation des victimes républicaine de la dictature franquiste.

Avec ses 52 députés, Vox devient un des partis identitaires les plus puissants. En 2014, une poignée de dirigeants du Partido Popular, héritiers de Manuel Fraga, trouvent trop centriste le Premier ministre conservateur de l’époque, Mariano Rajoy, et se lancent dans leur propre aventure en fondant un parti décidé à défendre les valeurs traditionnelles de l’Espagne. Opposé à l’immigration, au multiculturalisme, à l’Europe et à l’avortement, Vox fut l’unique mouvement espagnol à soutenir Marine Le Pen lors des dernières présidentielles. Marine Le Pen le lui rend bien, félicitant régulièrement le parti sur les réseaux sociaux. Vox fut le premier à évoquer de sévères peines de prison pour le gouvernement de l’indépendantiste catalan Carles Puigdemont, la fermeture de la chaîne publique TV3 jugée comme foyer de propagandiste indépendantiste, la dissolution de la police catalane les Mossos d’Esquadra, le démantèlement des institutions de la Generalitat et à préconiser la restriction de l’usage du catalan. Des paroles aux actes, Vox devient partie civile dans le procès judiciaire du gouvernement Puigdemont. Une vitrine médiatique qui se traduira par un résultat inédit aux élections régionales andalouses de décembre 2018 avec l’obtention de 12 députés locaux. Une première depuis la chute du franquisme. Dans cette région, le Partido Popular et les libéraux de Ciutadans font alliance avec Vox pour former une majorité et diriger la région d’Andalousie. Le parti, qui ne représentait que 0,23 % des voix il y a seulement trois ans, a aspiré l’électorat de Ciudadanos qui passe de 60 à 10 députés entre avril et novembre.

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Les deux principaux perdants sont ainsi les deux partis qui étaient donc censés rénover la démocratie espagnole : les libéraux de Ciudadanos et la gauche radicale de Podemos, qui avaient refusé leur soutien au gouvernement socialiste en espérant profiter de son échec. Ils ont été lourdement sanctionnés, surtout Ciudadanos. Les électeurs ont profité les unionistes véritables à ceux de circonstances. Podemos recule de 7 sièges.

Le Parti socialiste du chef du gouvernement espagnol sortant et la formation de gauche radicale Podemos ont cependant scellé un accord de principe pour former un gouvernement de coalition, ont annoncé le 12 novembre, Pedro Sanchez et Pablo Iglesias. Un gouvernement composé de ces deux formations, qui avaient échoué à s’entendre il y a quelques mois, nécessitera toutefois l’appui d’autres forces pour obtenir une majorité suffisante au Parlement (au moins 176 députés sur 350) et être investi par la Chambre des députés issue du dernier scrutin.

L’investiture reste loin d’être certaines. Pour le moment une chose est sure. Les héritiers des Rouges ont exhumé Franco et ressuscités le Franquisme. Bien joué, camarades !

Pierre Boisguilbert
13/11/2019

Source : Correspondance Polémia

Crédit photo : Domaine public

Pierre Boisguilbert

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