Hervé Bouloire: collaborateur parlementaire et essayiste.
♦ Voilà bien des semaines que les médias annonçaient une défaite triomphale de Trump, n’hésitant pas à prendre ouvertement parti. Sur les deux rives de l’Atlantique, nous avons assisté au même conditionnement médiatique, aux mêmes prises de position, voire aux mêmes peurs distillées dignes des scénarios catastrophes annoncés lors du Brexit…
Pourtant, quand Trump a été élu, on a eu l’impression que le perdant n’était pas Hillary Clinton, mais bien Obama. C’est dire le rejet qui affecte le président sortant. Néanmoins, les équipes clintoniennes ont cru utile de faire intervenir l’actuel locataire de la Maison-Blanche, alors que le scénario de 2008 – mais à l’envers cette fois-ci – devenait inévitable. Face à John McCain, Obama avait surtout donné l’impression d’être élu face à George W. Bush. Bref, le phénomène de rejet d’une équipe sortante a été sous-estimé, surtout en France, où l’Hillarymania a tenu lieu de réflexion et de posture. La diffusion de propos grivois, tenus il y a fort longtemps par Trump, n’a rien changé. Elle s’est apparentée à une manœuvre incertaine de dernière minute destinée à créer du Trump bashing. Sans succès. On assurait pourtant, le plus sérieusement du monde, que les chances de Trump étaient compromises… Nos quotidiens ont clairement pronostiqué l’élection d’Hillary Clinton. C’est dire la défaite d’analystes électoraux de plus en plus incapables de décortiquer la carte des Etats-Unis et de déchiffrer les vrais ressorts électoraux…
Hillary n’a pas pris. Pourtant, la carte électorale américaine ne faisait pas mystère. La grosse tâche rouge des zones favorables à Trump sur la carte des Etats-Unis, qui s’étendait de l’Arizona à la Floride ou du Dakota du Nord au Texas, était pourtant là. Elle ne s’invente pas. On pouvait la constater en 2000 et même en 2012. Quant au réduit d’Hillary Clinton, il se limite aux côtes Est et Ouest urbaines. Pourtant, c’est bien l’Amérique profonde qui a été ignorée chez les partisans et laudateurs de Clinton : une Amérique silencieuse, mais dont les choix sont décisifs. Celle du petit Blanc et des petites gens qui se sentent floués et mal représentés par un establishment essoufflé. Enfin, même les partisans démocrates reconnaissent que leur électorat est une coalition formée des minorités, des femmes et des diplômés. Des ressources électorales, certes, mais une incapacité à former un substrat électoral solide et cohérent. On peut même subodorer que certains électeurs issus des minorités n’ont pas voulu entrer dans le jeu de la famille Clinton.
D’autres phénomènes ont été ignorés, comme cela devient de plus en plus fréquent dans des analyses superficielles. Ainsi, le vote catholique, notamment pro life, a certainement joué. Les catholiques votaient traditionnellement démocrate, mais cela remonte encore à une époque où le virus californien ne l’avait pas atteint… Nous sommes dans les années 2010, plus dans les années 1960, quand les catholiques d’origine irlandaise ou polonaise votaient Kennedy ou Johnson. Avec Clinton, cela prenait beaucoup moins…Quand on parcourt Internet, et notamment Twitter, on constate qu’un certain nombre d’évêques américains n’avaient nullement envie de voter pour une candidate ouvertement pro choice. Ont-ils été exaucés ? On peut le supposer. Sur ce plan, le très opportuniste Trump aura été habile en récupérant certains électorats qui, à l’origine, lui étaient certainement éloignés.
La défaite d’Hillary Clinton, c’est aussi la défaite des figures féminines fabriquées par les médias avec une réceptivité du terrain inversement proportionnelle à la couverture médiatique. Les coqueluches prennent de moins en moins. On sait qu’en France elles se sont plus ou moins secrètement rêvées en Hillary Clinton française, qui NKM, qui Valérie Pécresse… On imagine la Clintonmania débordante si Hillary avait été élue ! Avec cette défaite, certaines femmes politiques changeront discrètement de référence. Le #JaiChoisiHillary a ridiculisé la classe politique française. Tous ont souhaité la victoire de la femme de l’ancien président américain, y compris Nicolas Sarkozy, rejoignant l’élite du Parti républicain américain. On dit que même George W. Bush aurait voté blanc, refusant de choisir entre Donald Trump et Hillary Clinton… Le malaise touche les droites des différents pays. Pardon : des différents continents.
La victoire de Trump n’est pas un événement isolé. Il y eut, voici quelques mois, le Brexit anglais, lui aussi donné perdant… L’élection de Trump constitue, à son tour, un coup de pied à l’élite. Il y a une chose dont on peut être sûr : les médias ne font pas l’élection. Et quand ils veulent le faire, ils le font encore plus mal. Les présidentielles françaises seront-elles le troisième acte de la série ? Vous avez aimé le Brexit et apprécié l’Election Day ? Vous savourerez peut-être les présidentielles…
Hervé Bouloire
9/11/2016
Correspondance Polémia – 9/11/2016
Image : Un Trump gagnant