Par Camille Galic, journaliste et essayiste ♦ Au grand dam des belles âmes, le drame d’Annecy, cité jusque-là paisible où le Syrien Abdalmasih Hannoun (présenté comme chrétien bien qu’aucun des chrétiens d’Orient présents en Suède d’où il venait ne l’ait vu fréquenter une seule église où approcher un seul prêtre) a poignardé le 8 juin quatre enfants en très bas âge et deux septuagénaires, a remis au centre des préoccupations de nos compatriotes l’immigration qui, selon le slogan de l’OAS (laquelle ne put guère l’appliquer), « frappe où elle veut, quand elle veut ». En revanche, aux yeux des médias et du monde politique, il y eut pire que ce crime : « l’indécence de l’ultradroite », Rassemblement national inclus, et sa précipitation à « récupérer » l’événement.
Quand Benoît Hamon rime avec illusions… et subversion
Chacun y est allé de son couplet, tel Benoît Hamon ressuscité le 12 juin sur (et par) France Info qui a cru bon de sortir de l’obscurité où il se morfondait l’ancien ministre de l’Éducation nationale Hollande regnante, puis candidat malheureux du PS à la présidentielle de 2017 où il ne réunit que 6,4 % des voix avant d’être sèchement battu aux législatives qui suivirent et de finir par pantoufler à la tête de Singa, une ONG vouée, vous l’auriez deviné, à « l’accueil des réfugiés et des personnes migrantes ». C’est en cette qualité que, flétrissant les velléités (verbales) de Renaissance et de LR de durcir les conditions d’accueil des clandestins en France, il a solennellement souligné que « la responsabilité des dirigeants politiques est de ne pas exploiter la peur et l’émotion suscitée par cet événement [le carnage d’Annecy] pour en tirer les conséquences sur les politiques d’asile en général en Europe ». Et de marteler : « Demain la migration ne sera pas le problème, mais peut-être la solution. »
La solution à quoi ? Mais à la « préservation de tous ces modes de vie auxquels nous sommes attachés, des modes de vie que sont une certaine idée de l’État de droit, la démocratie, l’égalité femmes-hommes, mais aussi un haut niveau de protection sociale ou de service public » alors qu’« aujourd’hui, il y a des territoires en Europe et en France où il n’y a plus de médecins. Il y a des territoires où les classes ferment, où il n’y a plus de service public ».
Ce qui, si les mots ont un sens, signifie que celui qui fut également ministre de l’Économie sociale et solidaire, veut priver le Tiers-Monde de ses forces vives en en faisant venir force enseignants et médecins pour trimer dans nos campagnes et nos banlieues ethniques. Étrange détermination de la part d’un contempteur de l’esclavage.
Le trompe-l’œil des créations d’entreprise
Mais là ne s’arrêtent pas ses élucubrations. « Observons quand même, ajoute-t-il doctement, que 7,7 % de la population en France est étrangère. Sur tous les créateurs d’entreprise, 15 % sont des étrangers. Il y a donc une surreprésentation des étrangers dans la création d’entreprise, ce qui montre leur contribution au bien commun et à la richesse économique. Quand on accepte de regarder la réalité en face, on observe que notre système de retraites, aujourd’hui, est largement équilibré par les cotisations des étrangers. Si ces étrangers ne cotisaient pas, il faudrait partir à 67 ou 68 ans. »
Passons sur la faiblesse du premier chiffre énoncé alors qu’en 2005 déjà, Azouz Begag, ministre délégué auprès du Premier ministre Dominique de Villepin et chargé de la Promotion de l’égalité des chances, évaluait dans le magazine Respect à 15 millions le nombre des immigrés ou issus d’immigrés en France, estimation tout récemment confirmée par Constance Rivière, directrice générale du Musée national de l’histoire de l’immigration, qui a déclaré à l’AFP : « Aujourd’hui, un Français sur trois est immigré, enfant d’immigré ou petit-enfant d’immigré. » De son côté, le député Olivier Marleix, patron du groupe parlementaire LR à l’Assemblée, rappelait le 30 mai dernier que « plus de 500 000 étrangers sont accueillis sur notre sol chaque année », s’ajoutant à leurs congénères y résidant déjà, pour y trouver avantages et éventuellement du travail.
Mais penchons-nous sur les entreprises. Outre que beaucoup ont été créées par des autoentrepreneurs n’employant aucun personnel, leurs défaillances ont, selon le quotidien économique La Tribune en date du 17 janvier 2023, « bondi de 49,9% entre 2021 et 2022 pour s’établir à 42.000 (contre 28.000 en 2021) » et « les faillites ont grimpé en flèche dans toutes les régions françaises. Le débranchement progressif des aides du « quoi qu’il en coûte », la guerre en Ukraine et le coup de frein de l’économie ont allongé les files d’attente dans les tribunaux de commerce. Les PME et jeunes entreprises, fragilisées par les longues années de pandémie, sont les plus menacées par la poursuite de la crise énergétique en 2023 et les menaces de récession ».
Économie souterraine et fraudes : 50 milliards perdus par an
D’autre part, si 15% des créateurs d’entreprise sont des étrangers comme l’affirme l’ancien ministre, il faut distinguer entre étrangers et immigrés. Parmi ces derniers, Maghrébins, Chinois, turcs ou encore Tamouls et maintenant Africains dont les boutiques ou les locaux sont parfois des coquilles vides, certains ont créé leur boîte à seule fin, comme ne le sait que trop la Brigade financière, de blanchir des fonds d’origine douteuse. Et, éventuellement, de procéder à des fraudes massives aux prestations sociales. Lire à ce sujet le Cartel des Fraudes (éd. Ring 2019), étude de Charles Prats, ancien magistrat au sein de la délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) au ministère du Budget qui, invité le 17 septembre 2020 de Sud Radio, affirmait que « 50 milliards d’euros par an s’évaporent dans la fraude » entre arrêts et certificats de travail fictifs, fraude aux allocations familiales, au chômage, au RSA, aux minimas sociaux, ou non déclaration de revenus, etc. car « les voix de la fraude sont très pénétrables dans notre système social », en raison de l’inertie et/ou de la complicité des gouvernements successifs.
C’est pourquoi on peut douter, au contraire de Benoît Hamon, que notre système de retraites soit aujourd’hui « largement équilibré par les cotisations des étrangers » et que « si ces étrangers ne cotisaient pas, il faudrait partir à 67 ou 68 ans », argument bassement démagogique. Et totalement fallacieux.
Immortels centenaires
À propos de retraites, on peut d’ailleurs rappeler à l’ex-Excellence que, s’exprimant en juillet 2010 devant la mission parlementaire d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss), Rolande Ruellan, alors présidente de la VIe chambre de la Cour des comptes, avait signalé « l’étonnante longévité des ressortissants algériens bénéficiant d’une retraite française en Algérie : le nombre de pensionnés centenaires, selon les chiffres de la direction de la Sécurité sociale, serait supérieur au nombre de centenaires recensés par le système statistique algérien ». Une assertion aussitôt démentie par la direction de la Sécurité sociale d’où émanait pourtant l’étude citée par Mme Ruellan mais qui excipa « d’une extrapolation, ou d’un malentendu au moment de la retranscription par la Cour des comptes » et prétendit ne recenser que « 627 centenaires algériens pensionnés de la CNAV, soit 0,14% du nombre total de retraités algériens du régime général français (439 764) ». La DSS présenta d’ailleurs en 2016 une statistique similaire — 687 centenaires sur les 411 957 pensionnés de la CNAV résidant en Algérie, soit 0,17% — alors que dans ce pays, à l’époque, la longévité ne dépassait pas 71 ans pour les hommes.
À croire que la colonisation pourtant honnie et un épuisant labeur dans l’ancienne et négrière métropole ont bien profité à ces damnés de la terre. Benoît Hamon est-il d’une naïveté confondante ou un imposteur ? Dans les deux cas, on ne peut que s’indigner, sans pour autant s’en étonner, que l’audiovisuel d’État donne la parole au paltoquet qui, rival de Manuel Valls à la primaire socialiste, se vantait de « faire battre le cœur de la France ».
Du héros au salaud
Quant au jeune Henri qui, à Annecy le 8 juin, a réellement fait battre le cœur des Français en poursuivant Abdalmasih Hannoun armé d’un seul sac à dos et ainsi évité un nouveau bain de sang, ce pour quoi il avait à bon droit été présenté comme un héros à l’instar d’un Arnaud Beltrame, il est désormais bon à jeter aux chiens. Pensez donc, issu d’une famille nombreuse catholique, lui-même catholique pratiquant au point de faire un tour de France des cathédrales, Henri d’Anselme a au surplus collaboré à un « journal (sic) d’extrême droite (resic) », L’Homme nouveau, bimensuel traditionaliste longtemps animé par le philosophe Marcel Clément, auquel succéda Philippe Maxence. Exit du coup le héros, sus au fâcho, donc au salaud. Ainsi, à la suite de Libération, en a décidé la médiocratie, arbitre des élégances morales.
Camille Galic
13/06/2023
Crédit photo : Marion Germa [CC 4.0]
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